Transi, cet homme dénudé jusqu'à l'os, ne se repose pas dans le lit du doux sommeil des gisants. Debout, dépouillé de toutes graisses et rondeurs superflues, inutiles à la pensée, dans une tension physique extrême de l'être, il contracte ses muscles et tendons, qui n'ont rien de putride, pour brandir comme un oriflamme l'organe central de sa vie, qu'il semble interroger des profondeurs de ses orbites, vides, au regard d'une troublante expressivité. Je dors, mais mon cœur veille.

Je suis mort, mais mon esprit veille. C'est un prince auquel Ligier Richier semble dire : "puisses-tu traverser l'éternité en douceur de cœur dans les faveurs du dieu qui est en toi" (Paheri d'El Kab, an 331).

Mais plus qu'un hommage au prince d'Orange il a fait du transi ou de cette "vanité" quelque chose de sublime. Sublimité de la vie dans ce questionnement de mort. Représenté comme une emblème c'est tout homme qui devient prince dans la conscience de sa vie. Nous nous retrouvons face à nous mêmes, à nos questionnements devant cet être sans face et sans sexe. Pour moi cette œuvre revêt un caractère plus révolutionnaire que religieux, elle nous rappelle à la vie et non à "l'au-delà", comme la fascination du vide nous rappelle au réellement plein. C'est un penseur, comme celui de Rodin, comme Hamlet de Shakespeare.

(...) Juste laisser voir les tissus, fragments de peau, ossements, chair, muscles, organes dans toute la beauté de ce qu'ils ont donné à la vie, comme autant de traces que laissent les larmes et les rires sur des rides intimes.

Sandra Martagex, Paris, mai 2000