Françoise Vergier : Le paysage, le foyer, le giron et le champ

Françoise Vergier

La ceinture de ma mère brune, 2001, terre cuite émaillée
collection de l'artiste, courtesy Galerie Papillon-Fiat © Françoise Vergier

être riche









c'est









d'abord









avoir









une richesse









intérieure


Ce n'est pas la première fois que le Carré d'Art présente des expositions monographiques d'envergure qui permettent la découverte d'un artiste de très bon niveau. Nous pouvons y voir actuellement le travail de Françoise Vergier, artiste française née en 1952. Elle vit dans le Sud de la France dont elle est originaire depuis les années 90. Elle entretient un rapport extrêmement fort avec la terre. Comme elle le déclare : "Je suis devenue sculpteur. Je suis fille de la terre, septième enfant de parents paysans, respectueux de la terre. Ils m'ont dit qu'ils appartenaient "au monde ancien". J'ai décidé de le dire." Pour cela la plupart de ses œuvres établissent un lien entre le corps féminin et le paysage.

Dans les années 70, elle se démarque d'une esthétique conceptuelle. Dès lors elle fait tout elle-même affirmant un langage des mains comme celui du paysan. A partir des années 80, sa sculpture exploite les fragments du corps féminin : la tête, le buste, la main, le nombril, l'œil. L'exposition regroupe de telles œuvres produites depuis l'an 2000 en dessin, terre cuite émaillée et verre travaillé en collaboration avec le CIRVA.

Françoise Vergier

Le Vent de l'Est dit : "écoute", 2003, terre cuite émaillée
collection particulière de l'artiste, courtesy Galerie Papillon-Fiat
© Françoise Vergier

L'exposition a été conçue par l'artiste sous forme cosmique. Elle comprend les astres et le paysage, qui redoublent l'antinomie sexuelle de l'homme et de la femme et les liaisons de filiation uniquement du côté matrilinéaire. En fait tout ce grâce à quoi l'anthropologie étudie et définit les sociétés proches ou lointaines. Si pour elle, le corps est un ensemble de signes, comme dans la mythologie antique, il n'y a pas de démarcation entre l'humain et les éléments naturels, tel le vent, le paysage… Aussi nous pouvons voir de façon récurrente, un vif intérêt pour les parties du corps : tête, torse, yeux, main, ventre, seins, nombril, sexe féminin ou masculin, mais également le langage des parures corporelles traditionnelles, tatouages, scarifications, bijoux.

La brillance des émaux ou les reflets des globes de verre enferment des formes rappelant d'étranges paysages, fluides, chinois, indécis. Les couleurs comme les bruns, les violines sont presque repoussantes. Ses sculptures travaillent le rapport aux autres, elles nous inspirent soit l'attirance, soit la répulsion. Ses titres sont uniquement constitués de verbes à la deuxième personne dont l'interlocuteur serait ainsi mis à distance entre l'impératif et le monologue intérieur. Ce monologue intérieur suppose un travail sur l'opacité qui apparaît, disparaît dans le paysage comme support de méditation.

Françoise Vergier

Tu accompagnes, 2001-2002, verre transparent soufflé peint,
terre cuite émaillée peinte, socle en bois
collection de l'artiste, courtesy Galerie Papillon-Fiat
© Françoise Vergier

Ses têtes de déesses ont un regard souligné par des bandelettes portant un paysage (centre de l'univers), constituant au premier abord une coiffe de taille extravagante. Ces visages sont vides d'expression, les yeux grands ouverts regardent dans des directions différentes. Ses quatre têtes aux joues gonflées nous renvoient aux activités de l'artiste : penser, rêver, écouter, voir avec un lien constant à l'élément léger qu'est l'air.

Tandis que la sculpture "la musique des sphères" ou "le monde à l'envers" ouvrent le parcours, celui-ci se termine sur une évocation du rôle social de l'artiste et de la transmission de l'Art. Après nous avoir transporté dans son monde à elle, elle nous invite à la réflexion sur notre vie. Elle nous renvoie à la nécessité de s'impliquer et de penser par nous-mêmes dans une quête où être riche c'est avoir d'abord une richesse intérieure.

Elisabeth Petibon
Nîmes, mars 2004

Françoise Vergier

Fille de roi, 2001, terre cuite émaillée et laiton
collection de l'artiste, courtesy Galerie Papillon-Fiat © Françoise Vergier

Carré d’Art - Musée d’Art Contemporain de Nîmes
Exposition du 6 février 2004 au 2 mai 2004

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