Vasso Tseka, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Vasso Tseka
 
 
Il paraît facile et il est en même temps quasiment impossible de pénétrer dans le monde pictural de Vasso Tseka. On est d'une part saisi par l'étrange charme de ses couleurs pour se retrouver d'autre part dans un monde éthéré qui obéit à un rythme fondamental venant du fond d'on ne sait quoi. Le mystère, la passion, le temps, le rythme des saisons et l'éclat de la lumière sont les domaines où elle s'est installée, dotée d'un métier sûr, d'un élan poétique, d'un enthousiasme pondéré, d'un besoin de se renouveler, de s'interroger et de modeler un langage pictural et graphique nouveau.
…séduisent
le spectateur
et suscitent
en lui
des images
qui s'étaient
réfugiées
dans son
subconscient
et qui y
séjournaient
à l'état larvé.

Vasso Tseka
 
Vasso Tseka, encre sur papier doré
 
 
On peut se poser la question s'il est opportun ou souhaitable de bien distinguer et d'ordonner chronologiquement les diverses phases de sa créativité car même si le fond, l'arrière-pensée et la flamme qui a déclenché son inspiration ou son fredonnement graphique et pictural sont conçus nettement, son style unique se reconnaît d'emblée et la question de désignation temporelle ou chronologique se pose ainsi moins ou plus du tout. Le passage d'une saison à une autre et la lente marche du temps laissent des spores:que ne saurait effacer la floraison du moment.

Dans ses "Paravents" se révèle une manière de peindre qui n'a pas vraiment disparu par la suite, dans ses œuvres ultérieures, mais qui s'est en quelque sorte écartée pour permettre à la poésie et à l'esprit de se manifester et de se déployer. L'idée de la spiritualité qui caractériserait son travail nous est venue spontanément et de façon évidente, après un premier contact. Puis, elle s'est maintenue pour ne pas dire renforcée, car nous avons l'impression qu'elle est une des données de base de la créativité de Vasso Tseka . Nous avons quelque réticence à rappeler le fait qu'elle est Grecque pour prouver quoi que ce soit, mais ceux qui ont eu le privilège de lui parler et surtout de l'écouter ont dû se rendre compte que sa manière d'aborder ce que nous pourrions appeler l'expressivité picturale, graphique plastique est nourrie par une passion et un abandon rares. A cela s'ajoute une maîtrise hors pair des éléments qui constituent une expressivité comme la sienne. Cela n'est absolument pas un compliment gratuit, mais une conviction qui s'est lentement formée après une réserve prudente qui s'est lentement effritée devant l'évidence.

Elle réalise de longues séries à propos d'un thème qui est plus une idée ou même un état d'âme qu'une réalité concrète. Quand on veut décrire la naissance de la lumière ou les traces que laisse le temps, on ne saurait en effet se perdre dans l'anecdote.
La lumière. Il est significatif qu'une de ses premières séries ait été consacrée à la genèse de la lumière. Cette idée de la genèse lui a permis de suggérer un rythme tout-puissant qui pénètre de son éclat doré, constellé de mille présences minuscules, le bleu profond du vide et de l'attente.
 
 
Vasso Tseka
 
Vasso Tseka, encre sur papier doré
 
 
L'éternel compagnon et rival de la lumière se manifeste dans une autre série tout aussi chargée de significations et de sensibilité et qui permet à celui qui s'y aventure de s'exprimer passionnément ou d'y sombrer : l'obscur, la noirceur, l'ombre, le foncé. Travailler les foncés, voilà son entreprise de peintre. Transcrire ou palper l'histoire d'un amour perdu et de la défaillance humaine, voilà son arrière-pensée et son élan d'être humain, de femme. Orphée incarne cet étrange voyage dans l'espace de l'esprit et des tonalités. Le tout fait partie d' un seul tableau qui évoque son mythe et la recherche de l'impossible, la révolte et la colère des dieux, le voyage dans les ténèbres et le retour à la lumière qui semble cruelle maintenant après la perte de l'être aimé.

Tout l'œuvre de Vasso Tseka est un témoignage, une mise à nu et en même temps un défi pictural qui se répète au cours de ses cycles de création. Tout comme ses cycles sont des phénomènes qu'on peut interpréter dans un sens littéral aussi bien que figuré, sa thématique est un témoignage lyrique et un superbe prétexte à une créativité qui dépasse de loin le récit, l'histoire et ce qu'on appelle les saisons, les mois, le temps passant et le temps venant.

On pourrait l'appeler pastelliste, mais il va de soi qu'on ne saurait la limiter ou classer dans une discipline bien déterminée. Elle n'appartient pas non plus à la famille des peintres qui s'expriment en une gestualité expressionniste qui s'accompagne d'une explosion de couleurs violentes et de pâte volumineuse. Mais à quelle famille appartient-elle au fond ? La sensation ne l'intéresse aucunement. Et la conceptualité ? Elle la pratique mais d'une manière plus subtile et plus intériorisée que ce que nous retrouvons dans les expositions d'artistes actuels.
Sans vouloir être méchant, nous dirions qu'elle a trop de métier et de richesse spirituelle pour devoir entrer en compétition avec ceux qui occupent la scène des nouveautés picturales, graphiques, sculpturales et autres. Il va de soi que je m'adresse ici principalement à celui qui aime et/ou apprécie l'expressivité, la poésie, la sensibilité, la flamme des mythologies individuelles et autres.
 
 
Vasso Tseka
 
Vasso Tseka, encre sur papier doré
 
 
Dans tout ce que Vasso Tseka réalise, il y a une part de recherche, ce qui s'applique aussi bien à elle-même qu'à ce que l'on pourrait appeler la créativité, l'expression picturale, l'écriture dans le sens le plus large et le plus graphique du terme, l'esthétique aussi. Elle veut toujours aller plus loin, car elle connaît ses possibilités et elle aimé le défi qu'elle aborde diligemment. Nous pensons ici notamment à ses encres qui visualisent la magie des formes, de la croissance, des vides possédés par un être fabuleux qui ne sort que quand tombe la nuit et que la lumière s'évapore. Nous pensons aussi à ses carnets, où elle dessine la plus baroque et en même temps la plus éthérée des fantaisies possibles. Ses carnets poétiques, tout comme le coffret des pastels de La Genèse, sont des objets précieux, des joyaux bibliophiles où la parole rencontre l'image et inversement, où l'un se fond dans l'autre.

Elle est actuellement occupée à réaliser une série de pastels évoquant les mois et des pigments dépeignant "le temps venant" et cela en vue de deux expositions à Bruxelles, chaque fois dans une galerie où ses œuvres sont fortement appréciées. N'oublions surtout pas ses encres, "Les Anges", qu'elle appelle des situations, bénéfiques ou menaçantes, des présences réalisées d'un seul trait et qui séduisent le spectateur, car elle est ensorceleuse dans ce sens notamment que ses tableaux évoquent et suggèrent, attirent l'œil du spectateur, suscitent en lui des images qui s'étaient réfugiées dans son subconscient et qui y séjournaient à l'état larvé.

Depuis peu, elle a entamé une série de "dorés", des dessins où la dorure surgit non pas comme arrière-plan, mais comme couleur dotée de reflets et de glissements obéissant à l'entrée de la lumière. "J'ai envie d'exploiter de nouvelles choses", se dit-elle. Le doré en est une, une qui est pourtant dangereuse. Mais elle réussit magnifiquement bien à dépasser et à éviter la menace inhérente du kitch.

Le temps est un personnage des plus importants dans son œuvre. Il se métamorphose et se déguise; il incarne la joie et le recueillement, la floraison et le désenchantement, la parure et la simplicité, le mystère et le rythme de ce qui semble s'enfuir dès qu'on s'approche, il est extase et mélancolie. Il révèle la diversité de nos songes et la puissance créatrice rare de Vasso Tseka.
Hugo Brutin
Bruxelles, mai 2007
 
Vasso Tseka
 
Vasso Tseka, pigment et or sur carton

Galerie Libre Cours, 100 rue de Stassart, 1050 Bruxelles, mai 2007, www.librecours.be

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