Tapis rouge pour un excentrique
 
 
L'esprit primesautier, le génie bricoleur et la poésie de Gaston Chaissac s'épanouissent au musée des Sables d'Olonne dans une présentation innovante.
 
Gaston Chaissac

sans titre, 1961, gouache sur papier
 
Gaston Chaissac

Y a d'la joie
ou Anatole, vers 1960


Artiste solitaire, irréductible à toute école ou tout mouvement, Gaston Chaissac aimait se présenter comme un fabricant de laissés pour compte. De fait, les poèmes-objets, les assemblages et collages, les sculptures-totems en bois brut abondent dans son œuvre. Mais aussi les dessins d'une finesse calligraphique, les gouaches aux accords sourds, qui ne sont pas sans une certaine parenté d'esprit avec Poliakoff et Herbin.

Cet enfant de la Vendée, qui n'a guère quitté son pays, est mort en 1964 à l'âge de 54 ans, en laissant une œuvre considérable, peu exposée de son vivant, mais que s'arrachaient quelques collectionneurs. Le Musée de l'Abbaye Sainte-Croix, aux Sables d'Olonne, a la chance de posséder la plus grande collection publique de ses œuvres. Elles viennent d'être restaurées avec le soutien de la fondation BNP Paribas et sont présentées dans des salles spécialement aménagées.

Des spécialistes de la conservation des œuvres fragiles ont planché sur les problèmes aigus posés par celles de Gaston Chaissac. En effet, l'artiste épris d'éphémère et de matériaux récupérés, ne faisait que peu de cas de la conservation de ses assemblages. Il collait ses dessins sur n'importe quel bout de carton avec des colles suspectes, il transformait en sculpture des balais en paille ou des couvercles de lessiveuse à moitié rouillés. Bref, il n'a jamais pensé à la gloire posthume des musées. Et c'est là le paradoxe. Les amateurs, nous tous, nous aimons ses œuvres et nous voulons qu'elles restent pour les générations futures.

Que faire ? Les momifier dans les nécropoles muséales ou les laisser dans leur état d'improvisation risquée ? Le conservateur du musée, Benoît Decron, l'équipe des restaurateurs et la Fondation BNP Paribas ont choisi une voie de sagesse intermédiaire. Placer certaines œuvres dans des cadres-vitrines à l'abri de l'atmosphère et renforcer les autres de façon invisible en leur laissant leur richesse tactile, si importante. Les 47 œuvres de la collection ont ainsi pris place dans une présentation exemplaire.

Gaston Chaissac est toujours resté fidèle à sa Vendée, déchiré entre, d'une part, la méfiance de ses compatriotes, hostiles à cet original qui recevait la visite de beaux messieurs de Paris, et, d'autre part, ses admirateurs, gens de haute culture, tels que Jean Paulhan, Henri Michaux ou Dubuffet qui l'a enrôlé de force sous la bannière de l'art brut. L'artiste aurait pu dire avec François Villon :
Je ris en pleurs et attends sans espoir ;
Bien recueilli, débouté de chacun.

Car, poète, il l'était. Et aussi écrivain, publié (mais peu lu), par la très officielle nrf. Ce qui lui a fait écrire, un jour, à sa manière inimitable :
"J'ai beau être parvenu à brilloter avec mes brimborions qui pourtant ne doivent pas valoir un trio de brévicaudes mangeables et j'ai beau être aussi battologue que possible on me prend volontiers pour un bachacon."

Michel Ellenberger
Paris, janvier 2005

Gaston Chaissac

sans titre, 1957 - 1959, huile sur plaque d'isorel

Œuvres restaurées avec le soutien de la Fondation BNP Paribas
Musée de l'Abbaye Sainte-Croix, rue de Verdun, 85100 Les Sables d'Olonne,
tél. : + 33 2 51 32 01 16,  
musee-lessables@wanadoo.fr

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