Pierre Radisic, Le photographe du vivant, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Le photographe du vivant
Pierre Radisic
 
 
Pierre
Radisic
extrait
toutes
sortes
de
topologies
à
partir
des
tensions et
angularités
infligés
aux
corps

Pierre Radisic est fasciné par le corps, celui des femmes en particulier. Il le dénude volontiers, du regard tout au moins, et produit des séries d'images dans lesquelles la peau et ses accidents, les plis et les creux, les textures sont systématiquement thématisés. La peau noire, luisante et volontiers pincée de Lucky (1983) fait apparaître masques et signes tribaux qui annoncent les formes animales et noueuses de Waldszenen (1990). Le buste blanc, lisse et ramassé de Variations sur Marilou (1984) dessine lignes et courbes sensuelles. Dans Corps Célestes (1996), les grains de beauté trouvés sur les corps se changent en étoiles et les ombres en traînées laiteuses dans la nuit : ici, la posture des femmes photographiées est choisie pour que les petits points noirs de leur peau puissent former une constellation dans l'image négative. Et, de posture en posture (65 diptyques au total), c'est l'Atlas complet du ciel qui est ainsi reconstitué. Les cous tendus dans Horta (2004) suggèrent des formes organiques. Dans Pornscapes (2005), deux êtres s'accouplent selon une biogéométrie érotique qui dépasse largement l'instantané du jeu fusionnel et prolonge l'orgasme dans des corps hybrides.
 
 
Pierre Radisic Pierre Radisic
 
Pierre Radisic, Couples
 
Pierre Radisic Pierre Radisic
 
Pierre Radisic, Lucky et Marilou
 
Pierre Radisic Pierre Radisic
 
Pierre Radisic, Horta, Waldszenen
 
Loin de privilégier une plastique pure et esthétisante, Pierre Radisic extrait toutes sortes de topologies à partir des tensions et angularités infligés aux corps qu'il montre d'ailleurs toujours par fragments. Dans ses images, pas de jeux flatteurs d'ombres ni de lumières – pas de décors ni de mises en scène. En dehors de ses séries de portraits (Ars Musica et Couples), on peut même remarquer que Pierre ne s'intéresse pas aux visages. Il explore plutôt ses passions d'enfant comme l'entomologie, la chimie, l'astronomie, et les conjugue avec ses passions d'adulte, beaucoup plus charnelles et sexuées qu'autrefois ! Mais il arrive toujours à transfigurer le sujet photographique qu'il traite, par des jeux de superposition ou de juxtaposition : le masculin-féminin (Couples), le noir-blanc (Lucky/Marilou), le positif-négatif (Corps Célestes), le double symétrique (Horta), le pénétrant-pénétré (Pornscapes), les manipulations chimiques (Waldszenen).
 
 
Pierre Radisic Pierre Radisic
Pierre Radisic Pierre Radisic
 
Pierre Radisic, Corps Célestes
 
 
Mais, Pierre Radisic n'en reste pas là. Très content de quitter la chambre noire et de sortir du cadre strictement photographique, il cherche à exploiter les possibilités offertes par les nouvelles technologies du son et de l'image numérique. Il s'amuse alors à combiner ses photographies - une, deux, trois, quatre, voire toute une série ensemble - dans des jeux dynamiques d'une extrême simplicité. L'animation photographique (qui n'a rien à voir avec la vidéo) constitue une nouvelle source d'inspiration pour son imaginaire débordant. Est-ce son amour pour la musique qui le pousse dans cette direction ? Certainement, car, d'un seul coup, la pose devient mouvement sur la musique de Thierry Demey (Ars Musica, 2004). Le ciel des Corps Célestes clignote et s'étire sous la fugue cosmique de Walter Hus (Les Brigittines, 2005), entraînant le spectateur dans un voyage entre Crux et Ursa Minor pour le faire plonger, l'instant d'après, dans le creux de seins ronds ou le trou noir d'un grain de beauté.
 
 
Pierre Radisic, Pornscapes
 
Pierre Radisic, Pornscapes
 
 
Pierre Radisic, John Cage
 
Pierre Radisic, Ars Musica
 
 
Et puis, sur les compositions du groupe River of Donkeys dont il est le batteur, Pierre va encore plus loin. Il joue de couleurs, de déformations et d'extrapolations. Ses clips ne se contentent pas de servir d'ornement à la musique, mais s'imposent comme une vision mentale tout à fait originale. De coupures en saisies, l'image se démultiplie dans d'infinies déclinaisons pour produire une sorte de tableau vivant et rythmique, du baroque de Seminal Juices au minimalisme de Chemigram. Ou au contraire, elle s'enchaîne à une autre dans des déroulements discontinus de séquences ininterrompues, comme dans Let's Descend. Ici, l'œil perçoit des connexions aussi rapides que celles des neurones. Pas le temps de regarder ni d'analyser. La lumière se capte comme des coups de flash instantanés pour s'imprimer au fond de la rétine. Pour celui qui les a vus, nul doute que les clips de Pierre rejailliront de sa mémoire comme autant d'images cérébrales dont il ne maîtrisera pas toujours les résurgences. La photographie fait partie du vivant.
Anne Bernard
Bruxelles, mars 2007
 
Pierre Radisic Pierre Radisic Pierre Radisic Pierre Radisic Pierre Radisic
 
Pierre Radisic, Chemigram (animation photographique)
 
 
Pierre Radisic Pierre Radisic Pierre Radisic Pierre Radisic Pierre Radisic
 
Pierre Radisic, Seminal Juices (animation photographique)
 
 
Pierre Radisic Pierre Radisic Pierre Radisic Pierre Radisic
 
Pierre Radisic, Let's Descend (animation photographique)

Pierre Radisic, Pascale Lafay, galerie Isy Gabiel Brachot, 74 avenue Louise, 1050 Bruxelles
tél : +32 475 66 91 70, +32 2 511 05 25, du 29 mars au 19 may,  www.galeriegabrielbrachot.be

voir aussi : Pascale Lafay par Adriaan Himmelreich et Pierre Radisic aux Brigittines et ses Pornscapes

accueil     Art Vivant     édito     Ecrits     Questions     2003     2002     2001     2000     1999    GuideAgenda     Imprimer     haut de page