Mike Kelley
Educational Complex Onwards, 1995-2008
Mike Kelley
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L'exposition de Mike Kelley (USA, 1954), rétrospective de ses dix dernières années, investit les trois étages du Wiels par des installations, maquettes architecturales, peintures, photographies, projections, etc.

Le titre de l'exposition est tiré d'une maquette reproduisant l'ensemble des bâtiments où il a suivi sa scolarité, Educational Complex (1995, Whitney Museum of American Art). Comme point de départ d'une vaste réflexion personnelle sur la mémoire et les traumatismes subis lors de sa scolarisation. Cette maquette est représentative de sa mémoire de ces lieux. Selon la théorie du "syndrome du souvenir refoulé", les espaces indéterminés, fragmentés matérialisent les hésitations de ses souvenirs, les oublis. Le traumatisme subi en ces lieux précis - qu'il considère comme une forme de maltraitance psychologique institutionnelle - entraîne une perte de mémoire, concrétisée par les blocs blancs de la maquette. Celle-ci est donc construite par projection, selon ses souvenirs. Mike Kelley s'est néanmoins documenté. Et tous ces supports constituent à leur tour des œuvres en soi, venant la renforcer (Architectural Site Drawings from Memory, 1995). Les mobiles suspendus dans les airs, Repressed Spatial Relationships Rendered as Fluid series (2002), renvoient à de vagues souvenirs de ces lieux indéterminés dans l'espace de sa mémoire. "Le problème des articulations manquantes entre les bâtiments a été résolu en disposant les fragments librement dans l'espace de manière à ce qu'il n'existe plus aucune relation déterminée entre eux".

Tous ces éléments, par le traitement et l'intention dont Mike Kelley les charge, révèlent un caractère autobiographique évident. Presque intimiste. Il joue d'ailleurs sur la notion de voyeurisme. Par une structure au sol, dans laquelle le spectateur doit se glisser et ramper jusqu'à un petit trou tout au fond, il transforme notre curiosité en voyeurisme. D'autant plus qu'il faut, pour bien voir, presque se contorsionner afin de regarder de biais. Cette mise à l'épreuve physique du spectateur agit comme une forme d'activation de la pensée, l'impliquant directement dans celle, "Complex", de Mike Kelley. La maquette, comme point de départ de son travail depuis 1995, est déclinée à mesure des salles et approfondie au gré des étages. Multipliant les expériences en l'associant à d'autres éléments, parfois fort extérieurs, à priori, des questions artistiques ou esthétiques. "Pour Kelley, cette œuvre marque le début d'une nouvelle période où l'autobiographie et la mémoire deviennent les instruments privilégiés de la déconstruction des structures et des systèmes qu'il avait initiée dès la fin des années 70".

La scénographie en trois levels, directement imposée par l'architecture du bâtiment-même, se prête particulièrement bien à cette décomposition du travail de Mike Kelley. La maquette comme commencement, le sublevel au deuxième, et, enfin, le troisième étage The Day is Done qui élargit la thématique à d'autres préoccupations/activités extrascolaires, principalement théâtrales. Et théâtralement présentées. Selon Kelley, ces déclinaisons parascolaires apparaissent comme des écrans masquant les traumatismes refoulés qui y sont liés (Extracurricular Activity Projective Reconstruction #1 [A domestic Scene], 2002). Partant d'un vécu personnel tant que d'une histoire culturelle plus large, Kelley déconstruit poétiquement les structures qui nous entourent, nous encadrent. A sa pratique artistique, nourrie de différentes références philosophiques, littéraires ou autres, il intègre la culture populaire américaine sous des formes ressenties comme douloureuses, presque violentes. Son style, caractérisé d'exubérant, semble réagir - l'un des premiers de sa génération - aux surfaces lisses du minimalisme et au détachement du pop art et de l'abstraction, courants artistiques qui prédéterminèrent son éducation artistique. La critique qu'il formule à cet égard à l'encontre de l'enseignement reçu par Hans Hofmann (Bavière, 1880 – New York, 1966) s'avère virulente, le comparant à une sorte de viol mental (Voir œuvre "déclaration abus sexuel sur enfant").

Après l'exposition McCarty au Smak, cette rétrospective au Wiels, sous une forme certes moins spectaculaire, poursuit toutefois l'initiation à un art américain peu exposé en Belgique jusqu'à présent. Véritable immersion dans une culture et ses perversions (pas) si étrangère de la nôtre. Mike Kelley semble vouloir dresser un portrait sarcastique voire cynique d'une société américaine à deux revers. Mais si le point de vue qu'il adopte peut-être perçu comme étant trop intimiste, ne pourrions-nous pas alors aussi évoquer l'oscillation entre parcours personnel (éléments autobiographiques) et fiction ?
 
Jennifer Beauloye - Bibi Zavieh
Bruxelles, avril 2008
 
 
Mike Kelley, Educational Complex Onwards, 1995-2008, du 12 avril au 27 juillet 2008
Wiels, Centre d'Art Contemporain, Av. Van Volxemlaan 354, 1190 Bruxelles,
tél : +32 2 347 30 33  
www.wiels.org

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