Kandinsky, le Passage à l'abstraction, Tate Modern de Londres, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Kandinsky, le Passage à l'abstraction
Tate Modern de Londres
 
 
La Tate Modern de Londres accueille actuellement une exposition consacrée à un moment clé de l'histoire de l'art, le passage à l'abstraction picturale effectué par Kandinsky au début du XXe siècle.
les toiles de

Kandinsky

appellent donc

toujours à une

communication

avec l'Esprit

et au "spirituel

dans l'art"

Kandinsky
 
Wassily Kandinsky, Improvisation IX (1910, huile sur toile, Stuttgart, Staatsgalerie)
© ADAGP Paris and DACS London 2006
 
 
En 1896, âgé de trente ans, le peintre est bouleversé par la vision des Meules de Monet, où, écrit-il, "les objets étaient discrédités comme éléments essentiels de la peinture". Il peint alors dans une manière proche de celle de Matisse et des peintres fauves et expressionnistes des toiles inspirées par les scènes folkloriques russes et les paysages des environs de Munich où il s'installe en 1897. Ses œuvres démontrent déjà un grand sens des couleurs, qui, selon l'artiste, sont dotées d'une vie autonome. Parallèlement à la musique, forme d'expression pure et abstraite, les couleurs sont à la base des recherches du peintre sur l'abstraction : plus ou moins "dynamiques", elles évoquent des sentiments subconscients et incarnent la "vérité" dissimulée derrière la réalité matérielle. Kandinsky, adepte de la théosophie, conçoit l'abstraction comme la représentation sur la toile d'une réalité seconde, constituée de formes spirituelles ou "auras" plus ou moins rattachées aux formes matérielles : l'art est un langage et, comme "nécessité intérieure", un moyen de communiquer une réalité autre. Par ailleurs, la peinture de Kandinsky, toute de vibrations et de résonances, est considérée dans sa dimension temporelle : aussi la musique, art transitoire, a-t-elle par ses "teintes" suggestives, une grande influence sur l'artiste, adepte du concept d'"œuvre d'art totale" (le Gesamtkunstwerk) de Richard Wagner. Ainsi Kandinsky se situe-t-il à la fois dans la continuité de l'impressionnisme, par l'influence de Monet et de sa dématérialisation du réel, et dans celle du symbolisme, qui fréquemment a recours aux "correspondances", ou synesthésies, chères à Baudelaire.
 
 
Kandinsky
 
Wassily Kandinsky, Improvisation avec Formes froides (1914, huile sur toile, Msocou, Galerie d'Etât Tretiakov)
© ADAGP Paris and DACS London 2006
 
 
De 1896 à 1908 Kandinsky va élaborer une esthétique de la "tache colorée", dans des paysages fortement contrastés et des scènes féeriques issues du folklore russe où la couleur se fait irréelle et où les formes peu à peu se distordent et échappent à la réalité objective. La série des Improvisations de 1909-1914 poursuit cette quête des "impressions de la nature intérieure". Dans le magnifique Improvisation 10 (1910, Bâle, Fondation Beyeler), l'artiste s'approche de l'abstraction, mais certains éléments, récurrents dans les toiles de cette époque, sont encore reconnaissables. Puis, peu à peu, les couleurs s'affranchissent du contour des objets et des lignes dynamiques animent la toile, jusqu'à parvenir à une totale libération de toute référence à la nature : l'impressionnante Composition 7 (1913, Moscou, Galerie Tretiakov) affirme cette liberté par l'assemblage dynamique, presque baroque, d'éléments en rotation dans un espace indéfinissable, semblable à un immense tourbillon immatériel.
 
 
Kandinsky
 
Wassily Kandinsky, Cosaques (1910-1911, huile sur toile, Londres, Tate)
© ADAGP Paris and DACS London 2006
 
 
Pourtant, pendant plusieurs années, Kandinsky continue à effectuer des allers-retours entre figuration et abstraction : ça et là on voit réapparaître les motifs issus de l'imagerie traditionnelle russe, comme la tour à coupole ou le cavalier. Ce dernier donne son nom au mouvement fondé avec Franz Marc en 1911, Der Blaue Reiter (le Cavalier bleu), et est également une référence aux saints cavaliers Georges et Michel terrassant le Monstre : il figure alors le triomphe du christianisme sur le Mal et l'avènement du monde spirituel. Figuratives ou abstraites, les toiles de Kandinsky appellent donc toujours à une communication avec l'Esprit et au "spirituel dans l'art" : comme dans l'art orthodoxe, la surface peinte est une interface entre les mondes matériel et spirituel, et guide le spectateur du visible à l'invisible.

La dernière section de l'exposition présente les toiles de la période 1916-1921. Lors des dernières années de la Première Guerre mondiale, Kandinsky, de retour en Russie, adopte des coloris plus sombres, illustrant ainsi le climat pessimiste de son époque. Puis, sous l'influence des artistes constructivistes du Bauhaus, le peintre bannit définitivement tout élément figuratif : les formes se font plus géométriques, les compositions plus stables et moins denses, et l'espace s'ouvre pour atteindre la plénitude spirituelle, voire la méditation cosmique comme dans Cercles sur Noir (1921, New York, Guggenheim Museum), qui clôt magistralement l'exposition.
Magali Lesauvage
Londres, août 2006
 
Kandinsky
 
Wassily Kandinsky, Paysage avec une Chemine d'Usine (1910, huile sur toile, New York, Solomon R. Guggenheim Museum)
© ADAGP Paris and DACS London 2006
 
 
 
Kandinsky
 
Wassily Kandinsky, Segment bleu (1921, huile sur toile, New York, Solomon R. Guggenheim Museum)
© ADAGP Paris and DACS London 2006

Kandinsky, le Passage à l'abstraction (The Path to abstraction), paintings 1908 - 1921
Tate Modern, Londres, du 22 juin au 1er octobre 2006,  http://www.tate.org.uk/modern/
Kunstmuseum, Bâle, du 21 octobre 2006 au 4 février 2007,  http://www.kunstmuseumbasel.ch/

accueil     Art Vivant     édito     Ecrits     Questions     2003     2002     2001     2000     1999    GuideAgenda     Imprimer     haut de page