Comment évité de parler des belles rencontres, celles qui inévitablement vous font sursauter, vous retourner, comme cette œuvre exceptionnelle de Jens Hanning . FRANCE (2007) Que l'on ne devrait pas voir en photo parce qu'elle mérite plus qu'une reproduction, qu'une mise en circulation illustrée. Il faut se confronter à la réalité de certaines œuvres fragiles. Se dire que oui, il y a encore un débat autour de l'art, du moins que certains artistes vivent encore dans un espace tendu où la responsabilité de la déposition, de la transmission, de la pensée est encore opérante. Cela devient si rare qu'il conviendrait de le noter chaque fois que cela sera possible.

espace tendu où la responsabilité de la déposition de la transmission de la pensée est encore opérante

Arabic Joke, 2006 À Manhattan, New York, une campagne d’affichage a eu lieu un mois durant. Sur les affiches, une blague arabe était écrite en arabe Campagne d’affichage dans l’espace public dans le cadre de l’exposition Who Cares, Creative Time, New York, 2006 Courtesy Galleri Nicolai Wallner, Copenhague     "D'une certaine façon, l'artiste est une sorte de marginal, et il présente des similarités avec les autres marginaux que sont les immigrants, mais la grande différence, c'est que l'artiste, contrairement à l'immigré, travaille comme un média pour la société. On accorde beaucoup d'attention à ce qu'il a à dire avec son travail ou son discours, mais il est rare, par exemple, qu'on demande à un musulman de s'exprimer sur la société", Jens Haaning Le travail de Haaning est résolument engagé dans un champ, que l'on aurait dit critique il y a peu de temps, mais ce qui le distingue, c'est peut-être une conscience aiguë des écueils de l'art dit critique. Haaning intervient directement dans la ville, son travail est documenté sous forme de photographie et d'objets témoin de l'action. Mais on perçoit une jubilation à produire résolument des œuvres qui ne verse jamais du côté de la leçon, un artiste critique fluxo-dadaiste !       Sydney - Do Son, Hai Phong (Chair Exchange), 2004 Échange des chaises de la terrasse du Café MCA avec celles du restaurant Phuong Thao de Do Son, Hai Phong, Vietnam. Intervention dans le cadre de Reason and Emotion, Biennale de Sydney, Sydney, Australie, 2004 Courtesy David Pestorius, Brisbane, Danemark     A Villeurbanne, l'artiste fait avancer de trois heures l'horloge de la pharmacie des Grattes ciel en la règlant sur l'heure officielle de Yerevan. Yerevan Time, 2007. Attentif à la forte communauté arménienne présente à Villeurbanne, il remet littéralement les pendules à l'heure. Haaning s'intéresse à la circulation des biens et des personnes. Les chaises du café du musée de Sydney sont échangées contre celle d'un restaurant de Haiphong au Vietnam, Sydney-Do Son, Haiphong (Chair exchange) 2004. Les ampoules d'une rue de Hanoi sont remplacées par celle d'une rue de Kassel et vice-versa. Kassel-Hanoi (Light Bulb Exchange) 2002. En relocalisant des objets aussi simple que ces ampoules, Hanning ne pointe-il pas les limites, le cadre d'un impossible échange. Sommes nous prêt à cet échange ? - Echanger notre passeport européen par exemple, comme le suggère la pièce Danish passport, 2005 contre celui d'un pays du tiers-monde ? Dans un monde globalisé ou la nationalité est une marchandise qui a un prix, il nous invite à questionner la réalité des frontières, et le coût que la mondialisation fait payer au deux tiers de la planète.       Afghanistan 5 012 km, 2003 Panneau de signalisation indiquant la distance de l'Afghanistan placé au bord d'une route à proximité d'Utrecht. Intervention dans le cadre de Super Utrecht, projet d'art dans l'espace public à Utrecht, Pays-Bas, 2003 Courtesy Galleri Nicolai Wallner, Copenhague, Danemark     Afghanistan 5012 km, 2003 fut installé sur une autoroute des Pays-Bas. Il s'agit d'un panneau de signalisation routière. La Précision kilométrique interroge ironiquement le flou européen en matière de défense commune. Les pièces sont situées précisément, il réagit au temps et à l'espace qu'il traverse, son art est public. Avec la pièce Arabic Joke, par exemple, il retourne les processus ségrégation contre ceux qui sont censés les énoncer. Une campagne d'affichage reproduisant des blagues arabes écrites en arabe et placardées sur les murs des grandes villes à forte densité arabophone exclut d'une communauté de rire tous ceux qui ne parlent pas la langue. Haaning opère comme un acteur au service du mineur, un acteur qui porte sur la scène d'autres voix. "Dans l'impérialisme, l'enjeu suprême de l'affrontement est évidemment la terre ; mais, quand il s'est agi de savoir à qui elle appartenait, qui avait le droit de s'y installer et d'y travailler (…) ces problèmes ont été transposés, débattus et même un instant tranchés dans le récit. Comme l'a suggéré un auteur, les nations elles-même sont des narrations. Le pouvoir de raconter ou d'empêcher d'autres récits de prendre forme et d'apparaître est de la plus haute importance pour la culture comme pour l'impérialisme, et constitue l'un des grands liens entre les deux", Edward W. Saïd. Dans le "pire des mondes possibles", l'œuvre peu spectaculaire, quasiment sans qualité esthétique se positionne clairement du côté d'un art qui prend le risque vivant de sa propre disparition. L'affichage ou les gestes peu médiatiques dans l'espace public, opère comme un forage qui fait remonter à la surface les mécanismes de l'exclusion. Comme rarement, ce travail oppose à la vulgarité des représentations occidentales (y compris celle de l'art), une conscience aigue des forces au travail. JCN Paris, mars 2007     Redistribution (London - Karachi), 2003 Toutes les chaises du café de la galerie londonienne ICA ont été transportées à Karachi, au Pakistan, pour y être placées dans la rue, où les passants pouvaient prendre une ou plusieurs chaises. Intervention dans le cadre de l'exposition Publicness, ICA, Londres, Grande-Bretagne, 2003 Courtesy Galleri Nicolai Wallner, Copenhague, Danemark

Crédits photographiques : Jens Haaning, www.jenshaaning.com
Institut d'art contemporain, 11 rue Docteur Dolard, 69100 Villeurbanne, du 26 janvier au 18 mars 2007, www.i-art-c.org

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