La chimère de l'engagement politique
Hannah Höch
Hannah Höch
 
Hannah Höch, Platonische Liebe, 1930
Collage auf Papier, Privatbesitz
© 2008 ProLitteris, Zürich. © Foto: Christian Baur, Basel
 
Le musée Tinguely de Bâle poursuit sa quête d'artistes qui, par leurs recherches et leurs travaux, ont pu contribuer à la genèse de l'art actuel et, si possible, avoir été des précurseurs ou des inspirateurs pour Jean Tinguely et les Nouveaux Réalistes. Bien qu'ayant toujours nié toute relation intellectuelle avec quiconque et quoique ce soit, cet artiste exubérant aux penchants anarchistes avait cru trouver dans le Dadaisme, destructeur et critique, une source politique à son œuvre. Le musée Tinguely continue donc à explorer cette mouvance en présentant une "Grande Dame de l'art", Hannah Höch (1889-1978), l'égérie du groupe Dada de Berlin.

En réalité cette exposition organisée en collaboration avec la Berlinische Galerie, dépasse probablement de façon inconsciente, l'oeuvre de cette artiste et montre à quel point les artistes les plus engagés politiquement, les plus révolutionnaires, même s'ils ont fortement influencé l'histoire de l'art, ont été incapables d'agir sur les politiques qu'ils contestaient. Le mouvement Dada qui a pris son envol au lendemain de la première guerre mondiale, dénonçant l'atrocité et la stupidité d'un conflit qui avait embrasé l'Europe et causé la disparition de millions d'êtres humains, entendait "éveiller les consciences" et mobiliser les opinions pour rendre les guerres impossibles à l'avenir. Les dadaistes ont utilisé à satiété des propos artistiques révolutionnaires, critiques, acerbes et souvent provocateurs, proches des anarchistes. Certes cette nouvelle expression plastique a permis de sortir l'art du conventionnel. Elle a contribué à inventer de nouveaux modes d'expression. Les photo-montages, les papiers collés, les compositions "impossibles" ont décuplé "l'expressionisme" de ces artistes. Seule femme du groupe Dada de Berlin, en relation avec la "jeune création de son époque", les Nelly, Lissitzky, Mondrian, Moholy-Nagy, Schwitters qui ont été ses amis, Hannah Höch a particulièrement usé de ces techniques nouvelles pour en plus affirmer sa féminité et apporter sa contribution au féminisme militant. Les dadaistes avaient le projet de changer le monde. Il ont en effet changer la façon de faire de l'art, mais par la montée du fascisme, des nationalismes, de la xénophobie, du racisme. Leurs œuvres ont été mises au pilori par les tenants de ces "nouvelles politiques" et, sans résister davantage, ils ont fui ou se sont cachés. Cela a été le cas de Hannah Höch qui, durant les tristes années nazies, a trouvé refuge avec ses œuvres et celles de ses amis dans "un lieu idéal pour se faire oublier" : une petite maison à Heiligensee près de Berlin.

Qu'est-il resté de cette période tourmentée, une fois l'orage passé ? Indemne et libérée des pressions existentielles pesant sur son art, Hannah Höch a repris tranquillement son travail, de qualité sans doute, mais expurgé de toute velléité révolutionnaire, un travail consacré à la nature et à son jardin : un environnement de liberté, d'utopie.
 
 
Bernard Blum
Bâle, février 2008
 
 
Hannah Höch
 
Hannah Höch, Dada-Rundschau, 1919
Collage, Gouache und Aquarell auf Karton
Berlinische Galerie, Landesmuseum für Moderne Kunst, Fotografie und Architektur.
Erworben aus Mitteln der Stiftung DKLB, Berlin 1979
© 2008 ProLitteris, Zürich. © Foto: Archiv der Berlinischen Galerie und Markus Hawlik
 
 
Hannah Höch - Tout commence avec Dada!, Musée Tinguely, un engagement culturel de Roche, Paul Sacher-Anlage 1, Postfach 3255, CH-4003 Basel, www.tinguely.ch

Catalogue (en allemand) publié par les éditions Hatje Caritz, 220 pages avec nombreuses illustrations, 59.00 Frs.

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