Trois galeries à Copenhague

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Logo Mogadishni club, Galerie the leisure club Mogadishni

Portrait













du danois,













désormais













moins flatteur…



























Critique













de l'actuel













contexte













politique













et social…

C'est une voiture de marchand de saucisses comme on en rencontre souvent dans la capitale danoise, mais sa dimension est réduite, le comptoir laisse apercevoir, derrière son alignement de boissons, un bien sinistre contenu : quelques saucisses brulées jonchent le sol en forme de croix gammée. En concevant cette voiture, l'artiste Andreas Schulenburg s'en prend à un symbole national fort, le marchand de saucisse toujours souriant, dans un Danemark d'antan peuplé de danois blonds aux yeux bleus. L'artiste dresse ainsi une critique de l'actuel contexte politique et social, et la montée de l'extrême droite danoise et du racisme. Un quotidien danois a publié récemment l'histoire d'un guide touristique anglais qui a rectifié son portrait du danois, désormais moins flatteur, le qualifiant d'impoli et de raciste. Andreas Schulenburg participe à l'exposition de groupe inaugurale An Offer You Can't Refuse, à la galerie The leisure club Mogadishni. Le jeune galeriste Christian Chapelle a fait le pari osé de déménager dans un nouvel espace à la périphérie de Copenhague. La galerie est tout à la fois espace commercial et espace expérimental, dans lequel des artistes danois croisent des artistes internationaux.

L'exposition à Mogadishni n'est pas thématique, mais présente des dialogues astucieux entre les participants. Ainsi, dans la vidéo Animal Kids d'Anthony Cross (une animation réalisée à l'ordinateur de métamorphoses d'animaux) il y a une bande sonore de pluie et de tonnerre qui réponde au bruit d'un filet d'eau provenant d'un arrosoir en plastique. Cet objet fait partie d'une sculpture voisine, figurant un homme agenouillé, la tête transformée en une cascade de plantes vertes. Intitulée Evergreen, cette sculpture du suédois Peter Geschwind n'est pas ce qu'il a fait de mieux, espérons découvrir une meilleure proposition lors de la prochaine Biennale de Venise, où il sera exposé dans le cadre d'Iaspis.

Peter Geschwind, Evergreen

Peter Geschwind, "Evergreen", sculpture, 2002, Galerie the leisure club Mogadishni

Les peintres et dessins de trois femmes se font remarquer. D'inspiration néo-pop, la série de panneaux de Trine Boesen mêle une abstraction psychédélique très colorée à des dessins d'animaux, de voitures et de scènes urbaines, le tout ponctué par des phrases sur la solitude. Dans la peinture The Birthday de Julie Nord, l'anniversaire d'un garçon tourne au cauchemar. Dans un paysage apetissant aux couleurs pastels, on repère des champignons mortels et le garçon, à la place de la main, exhibe une prothèse dont la pince menace d'éclater un beau ballon rose. Enfin, Lise Blomberg Andersen présente une grande toile d'un paysage néo-romantique (Autres artistes : ASH, Tiina Ketara, Vincent Valdez, Josefina Posch, Gillian Grantsaan).

La galerie Nils Staerk présente également une exposition de groupe. Intitulée Your's Truly, elle propose d'interroger la constitution de l'identité et les facteurs sociaux et culturels qui participent à la définir. L'exposition se prolonge dans trois lieux à Copenhague (un bureau d'architecte et deux magasins), et souhaite par là, initier un dialogue entre la manière artistique et commerciale de traiter la création d'identité. L'artiste danoise Lise Harlev s'intéresse aux questions de nationalité et d'appartenance. Ses autocollants, dont le graphisme imite le style employé dans des catalogues de tourisme, présentent des slogans écrits à la première personne : I sometimes feel ashamed of finding him exotic. Inspirée de sa propre expérience, l'artiste s'interroge sur la relation amoureuse avec un homme de couleur.

L'artiste danois Christian Rud Andersen souhaite subvertir l'image stéréotypée du portrait qui dévoilait la "véritable" identité d'un individu. Dans sa photographie Tim as Tom, il a demandé à un étudiant en art dramatique de jouer le rôle de son ami. Quant à Torbjörn Rödland, pourquoi a-t-on choisi trois photographies ressemblant étrangement à l'univers hardcore de Bjarne Melgaard ? Torbjörn Rödland a créé un mise en scène fantastique d'hommes perchés dans des arbres. Leur déguisement et maquillage à la fois néo-gothique et primitif ne semble pas apporter grande chose au thème de l'identité.

Torbjörn Rödland, Infernus

Torbjörn Rödland, "Infernus", 2001, c-print, galerie Nils Staerk

D'autres artistes abordent la question d'identité à travers la mode, la musique pop et l'image publicitaire (Daniele Buetti, Abetz/Drescher, Ester Partegas). L'exposition a le mérite de montrer la grande variété artistique des angles d'approche du façonnement d'identité dans la société actuelle (Autres artistes : Daniel Pflumm, Jeremy Dickinson, Miriam Bäckström, Esko Mänikkö, Birgir Andrésson, Fiona Tan, Vibeke Tandberg).

La galerie Nicolai Wallner expose six jeunes peintres de Leipzig, ayant fondés la galerie Liga à Berlin. Leur peinture revisite différents courants picturaux du modernisme. D'une manière étonnement nouvelle (sur le plan formel comme dans le contenu), ils manipulent la tradition : le paysage, la figuration, la perspective. Interrogé, Nicolai Wallner qualifie cette peinture de grave et de solennelle ; elle s'oppose ainsi à ce que la galerie a pour habitude de montrer, c'est-à-dire un art à l'humour acerbe (par exemple David Shrigley).

Christoph Ruckhäberle peint trois femmes assises dans une composition triangulaire. Leurs corps sont massifs et imposants : on pense à Picasso, à Léger ou au peintre danois Vilhelm Lundström. Les visages sont mûrs et réfléchis, mais les robes sont celles de petites filles dont les poitrines sont à peine perceptibles. Une femme au premier plan plie une jambe dévoilant l'éclatante blancheur de sa petite culotte. Elle fait irruption parmi les tons dominants du tableau : le vert et le rouge. Les trois femmes portent toutes les mêmes chaussettes vertes et les mêmes chaussures marron dont la forme arrondie rappelle celles de Tin-Tin. L'artiste a en effet un passé de dessinateur dans un studio d'animation à Los Angeles. Il insère ainsi un anachronisme curieux dans l'ambiance de stoïcisme classique du tableau.

David Schnell, Hochbahn

David Schnell, "Hochbahn", 2001, Galerie Nicolai Wallner

David Schnell peint des tranches d'autoroutes suspendues ; certaines semblent mener nulle part, d'autres n'ont jamais été terminées. La perspective profonde de cette architecture dépourvue de véhicules, est réalisée grâce à un quadrillage préalablement dessiné, que l'on devine par endroit. Le ciel est toujours peint d'un bleu vénitien, mais il y règne un sentiment de vide et de mélancolie.
Devant la peinture surréaliste de Tilo Baumgärtel, on demeure perplexe et fasciné : un cyclope à la peau verte pose tel un statue dans un paysage mystérieux, avec, en arrière plan, une montagne russe hors service, envahie par la mauvaise herbe.

Pernille Grane
Copenhague, mai 2003

Christophe Ruckhäberle, 3 Frauen

Christophe Ruckhäberle, "3 Frauen", 2002, Galerie Nicolai Wallner

An Offer You Can't Refuse : The leisure club Mogadishni, 28 févier au 19 avril 2003
Yours Truly : Galerie Nils Staerk, 7 mars au 26 avril 2003
Six peintres allemands : Galerie Nicolai Wallner, 21 mars au 26 avril 2003

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