"Le paysage est une méthode" au Domaine Départemental de Chamarande


Barthélémy et Sultra           Barthélémy et Sultra
Paysage, sculpture Renouvelant l'expérience d'ouverture de cet été 2001, le domaine départemental de Chamarande dans l'Essonne, accueille une exposition d'art contemporain dont les oeuvres essentiellement photographiques se veulent des points de vue réflexifs autour de la notion mais aussi de l'appréhension du terme "Paysage".

De juin à novembre 2001, le château du 17° et son parc étaient déjà balisés par un ensemble d'oeuvres in-situ qui permettaient au promeneur tout autant qu'à l'amateur d'art, de découvrir différentes créations autour de la relation patrimoine bâti et environnement paysager.
Oeuvres photographiques
Delphine Coindet

Delphine Coindet
Image numérique Aujourd'hui, dans un même esprit d'ouverture et de dialogue entre architecture et nature prennent place à l'intérieur des salons, galeries mais aussi chapelle et parc,13 propositions artistiques allant de l'installation photographique à la vidéo en passant par la sculpture ou l'image numérique.

Réunies par Emmanuel Hermange sous le titre "Le paysage est une méthode", ces travaux interrogent tous dans leur spécificité les modalités d'invention et donc de construction optique et mentale, physique et psycho-affective qu'est le paysage en tant que "machine de vision" mais aussi discours de l'homme sur sa conception du monde. C'est pourquoi - nous dit le commissaire d'exposition- "l'un des traits communs des oeuvres de cette exposition est de tenir à distance les vertus mimétiques autant que la valeur de l'image".
Nature, fiction
Léotoing

Léotoing
Culture, vidéo Les vertus mimétiques sont en effet doublement réintroduites dans notre esprit lorsque le terme de paysage est évoqué. D'une part, parce que le mot même de paysage est intrinsèquement lié à la représentation picturale à partir de laquelle il conquiert son autonomie en tant que genre mais aussi en tant que vision portée par l'homme sur le monde. D'autre part, parce que la thématique du paysage a été celle que les photographes libérés des premières contraintes matérielles (lourdeur du matériel, sensibilité des plaques et pellicules…) ont su magnifiquement élargir et questionner. De l'espace au motif pour ce qui est de la peinture, du lieu au site, puis au territoire ou à l'environnement pour ce qui est de l'art contemporain, le paysage s'est décliné en diverses occurrences pour jouer de la métaphore et aujourd'hui de la métonymie. "Site" internet ou "Paysage polotique" sont au rendez-vous de nouvelles définitions.
Oeuvre in-situ
Martine Aballéa

Martine Aballéa
Contruction Mais l'exposition de Chamarandes ne va pas jusqu'à troubler nos repères - c'est peut-être là le seul regret que nous pourrons avoir - si ce n'est par la diversité de vue et la mise en perspective de réflexions que les oeuvres choisies distillent à travers l'image et une certaine esthétique contemporaine.

La justesse du propos, qui d'une certaine manière n'est "plus" à la mode mais qui aurait pu tomber dans l'illustration évidente ou le concept trop élitiste est cependant manifeste quant au choix des pratiques artistiques retenues .

En travaillant à première vue, sur la dialectique Sculpture/Photographie, Martine Aballéa, Dominique Auerbacher, Luc Léotoing, Delphine Coindet ou Paul Pouvreau, exposent de la photographie ce qui la lie au sens et à son contexte. Les Boîtes de confit végétal que Martine Aballéa dispose dans les buffets d'époque de la salle à manger des chasses du château, conserve du paysage ce que l'homme a su lui faire produire, ce que l' usage qu'il en fait lui tisse comme lien nourricier. Le produit naturel est souvenir à consommer selon les besoins et les circonstances, et la boîte et son étiquette photographique jouent de l'image et de la légende sans que le contenu soit exposé. Le caché et son commentaire sont aussi ce que la photographie nous dit d'elle.
Carte-postale
Michael Schuster

Michael Schuster
Trompe l'oeil Mais le paysage, s'il n'est pas "mis en boîte" peut tout aussi métaphoriquement se retrouver traduit, mis en socle ou en plaque selon le désir de l'artiste. Dominique Auerbacher a ponctué galeries et salons de "bornes" carrées dont la surface visible joue du palimpseste. La superposition décalée de phrases ou expressions issues de poésies, définitions… ayant trait à des éléments du paysage (arbre, chemin..), dessine une sorte de carte-relief dont la surface graphique redessine une cartographie possible d'un territoire à imaginer.

Luc Léotoing, travaillant in-situ pour chaque lieu d'exposition, a déposé un chantier de plaques bleues dont certaines sont la miniaturisation de surfaces de plans ou de gouttes d'eau. Le paysage est suggéré par la démarche du topographe qui arpente l'espace pour délimiter les étendues de lieux particuliers. Métaphore de la vue aérienne qui annihile tout relief au profit d'un découpage abstrait du territoire. Quant à Delphine Coindet et ses tentes de nomades tapissées de photographies de guides touristiques, elle établit un campement ludique à l'entrée du château comme pour nous rappeler que la photographie est cliché récupérable car elle-même nomade de son support. Autre artiste connu pour la récupération de clichés distribués tant sur les cartons d'emballage que sur les murs de nos chantiers urbains, Paul Pouvreau double la galerie Est du château d'un corridor de cartons. Face à face, se regardent deux sortes images; L'une est celle d'un pictogramme de paysage encré sur le kraft d'emballage, placé avec ironie devant l'emplacement d'une aquarelle du célèbre peintre de paysages Hubert Robert, l'autre est composée de deux trompe-l'oeil de fenêtres de maisons de village traditionnelles. L'image du paysage est déclinée dans ses recyclages temporels où la dimension artistique ne peut être récupérée que dans leurs mises en relation. Le stéréotype est aussi questionné dans le grand panneau photographique de Michael Schuster où la carte postale est "découverte" dans les normes qui la définissent et les outils (charte Kodak pour les couleurs.) qui éduquent notre perception des sites officiels. Parfois, c'est une machine de vision, telle celle d'Edmund Kuppel qui va convenir pour tenter d'élargir notre champ de vision.
Métaphore
Riwan Tromeur

Riwan Tromeur
Imaginaire, mental
Mais alors, l'image numérique ou la vidéo sont peut-être nos sauveurs des normes visuelles? Barthélémy et Sultra décomposent en pixels colorés la trame du paysage enregistré et dans la chapelle du château tapissé de fresques picturales l'écran de leur CDRom fait office de pédagogue moderne. La nature et la culture sont mises en boucle afin de nous rappeler que l'un est tributaire de l'autre dans l'inachevé et le renouvellement qui les caractérisent. Puisant dans le flux d'images numériques des banques de données, clichés de série B ou d'images de télévision Jean-Pascal Princiaux crée une fiction où le genre cinématographique et la matière de l'image numérique se rencontrent pour le plus grand bonheur des sens. Métaphore de l'espace, le paysage est aussi domestiqué lorsqu'il se réduit à une plante d'appartement aussi feuillue soit-elle. Les grandes photographies noir et blanc de Joachim Mogarra nous le rappellent non sans ironie comme la plupart de ses travaux. Et Saverio Lucariello, avec une légèreté certaine, met côte à côte, portrait et paysage en couleur…à nous d'y retrouver la sensation éphémère ou grinçante qui s'en dégage.

Mais le paysage, c'est le mental, la fiction, l'imaginaire, tel que Riwan Tromeur le décline magnifiquement dans le salon qui lui consacre une mini-rétrospective. Peinture, photo (de rien… mais le rien peut aussi être magique), installation, sculpture sur plaque de verre nous amènent à voyager dans des contrées dont la nature nous est contée et racontée. Nature du paysage-visage dans ses expressions du temps qui passe, évocation de l'homme dans la nature par les traces de pas sur le sol enneigé, sont mis face à face dans les vidéos sensuelles d'Holger Trüzsch. Alors, le promeneur-spectateur n'a qu'à déambuler au gré des espaces, pour appréhender une idée du paysage que nombre d'expositions contemporaines n'ont plus l'occasion de nous proposer - l'urbain, le social, le politique ont laissé place ici au poétique (même "méthodique") parfois oublié mais ici bienvenu - Et si la thématique reste encore pertinente c'est que la photographie peut y décliner l'image dans ses multiples occurrences en nous rappelant que le paysage n'est qu'une des multiples constructions que nous propose la nature et la perception que l'on en a.
Michelle Debat,
avril 2002.
Saverio Lucariello           Saverio Lucariello

Domaine Départemental de Chamarande, 10, route de Lardy, 91730 Chamarande, tél. : 0160826150

D'autres informations dans le GuideAgenda
Imprimer l'article

exporevue accueil     Art Vivant     édito     Ecrits     Questions     2001     2000     1999     thémes     haut de page