Time Zones, Tate Modern, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Time Zones, Tate Modern
 
C'est la première exposition que la Tate Modern consacre exclusivement aux films et vidéos. L'ensemble des films présentés traite du temps qui passe : temps du passé, temps circulaire et répétitif, temps linéaire, temps en temps réel…
 
temps passé
temps circulaire
temps répétitif
temps linéaire
temps réel

L'abandon de la narration et l'utilisation du plan fixe sont les tendances les plus intéressantes : attente sans but, non-évènement, déploiement lent de la temporalité lié en particulier aux éléments naturels.

A cet égard, Blinfold (15 minutes, DVD, 2002, Albanie) de Anri Sala est exemplaire : dans un quartier de Tirana, 2 panneaux métalliques sur les toits de petits immeubles reflètent, on pourrait dire précèdent, la lumière du soleil en train de se lever. Leur vision éblouissante relègue la ville dans le contre-jour agité des quelques mouvements de passants, mais le ciel peu à peu s'éclaircit cependant que les humains abandonnent leur statut d'ombres. Comme souvent chez Anri Sala (Entre chiens et loups, Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, 2004), le son souligne la tension, ici le staccato d'un violon qui interfère avec les bruits de la rue.

Francis Alys, Zocalo (12 heures, 35 mm, 1999), Mexique, plan fixe de 12h filmé en plongée sur cette vaste place centrale de Mexico City : l'ombre étroite d'un poteau porte-drapeau agit comme un aimant qui organise les déplacements des êtres humains venant s'y réfugier du soleil aux heures chaudes de la journée. Cette sorte de chorégraphie est juste ponctuée un moment par l'alignement géométrique de la garde, lors de la descente et du repliement du drapeau. Nous sommes attentifs à des mini-évènements : les oiseaux qui reviennent lorsque la fanfare a pris fin, l'arrivée incongrue d'un scooter au milieu de la place piétonne, dans ce qui constitue pour nous une performance involontaire (comme dans un travail antérieur l'évolution d'un trait humide sur un bloc de glace)…

Fiona Tan, Rain (vidéo en boucle, 2001, Indonésienne travaillant à Amsterdam) : deux moniteurs montrent une pluie torrentielle remplissant deux seaux bleus à côté d'un chien immobile qui s'abrite. Le niveau, différent dans chaque film (aux - dans l'un, débordant dans l'autre) ne se modifie pas, ce qui donne l'impression d'un cycle infini. Le temps ici n'est pas la temporalité, il n'a pas de conséquence sur la réalité immuable et notre anticipation se trouve prise de court, à jamais déçue.
Dans une autre pièce, la même artiste présente San Sebastian (vidéo en boucle, 2001) : deux projections de chaque côté d'un écran. L'une montre en gros plan la file des dos de jeunes filles japonaises en costume traditionnel se préparant à une cérémonie, le côté face nous révèle qu'elles se préparent puis tirent à l'arc sans que l'on puisse percevoir dans leur visage et dans leur corps les conséquences de leur action. Cette proposition plus narrative n'a nul besoin de l'induction du titre.

Enfin rappelons le magnifique panorama bifrontal du restaurant de la Tate Modern (en particulier sur Saint-Paul et la Tamise) qui s'inscrit en prolongement de l'exposition. Malheureusement quelque peu gâché par une nourriture médiocre et onéreuse.

Jean-Pierre Klein, Edith Viarmé
Londres, février 2005

Tate Modern, Milbank, London, SW1P 4RG  www.tate.org.uk
du 6 octobre 2004 au 2 janvier 2005, entrée £ 6,5, les expositions permanentes sont gratuites

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