Olivier Mosset un "non peintre"
 
 
Le Carré d'Art - Musée d'art contemporain de Nîmes présente une monographie de 36 œuvres datées de 1966 à 1994 d'Olivier Mosset. A travers un parcours formel, l'exposition intitulée Travaux, se réfère autant à la réalisation matérielle, au "faire" mais aussi à ses recherches théoriques de ses débuts à aujourd'hui.
 


Vue d'exposition, Biennale de Venise, Pavillon Suisse, 1990
Sans titre, 1989, acrylique sur toile
Collection Andrea Caratsch, Zürich
 
Olivier Mosset
s'est placé comme
témoin privilégié
de l'évolution
et de la critique
de l'objet peinture

"Rendre visible le mécanisme dont la peinture procède" telle est la clef des œuvres de l'artiste suisse. En décembre 1966, quatre jeunes artistes forment le groupe BMPT, initiales de Daniel Buren, Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni. Ils s'associent jusqu'en décembre 1967 afin de dénoncer l'illusionnisme et la mystification de l'oeuvre d'art et son cadre institutionnel. Le groupe refuse de transcrire une vision ou une interprétation du monde nourrie par les émotions de l'artiste.

En 1964, Olivier Mosset troque le blanc intégral de ses toiles à l'inscription d'un A, première lettre de l'alphabet, degré zéro de la composition et du message. De 1966 à 1975, c'est la forme choisie qui devient signature : un cercle noir de 15,5 cm de diamètre et de 3,25 cm d'épaisseur, peint au centre d'un carré de 1m x 1m. On retiendra cette forme, ce signe, ce symbole de l'aventure BMPT. Chaque toile est exactement identique à la précédente mais est cependant intégralement réalisée pour elle-même (salle 3).

Des monochromes rouges, blancs, jaunes jouent avec l'espace. En effet, Olivier Mosset avec Red Square place l'œuvre dans l'angle de la pièce, tandis qu'un autre monochrome blanc White Ceiling Painting est suspendu au plafond. Ici l'artiste fait directement référence à l'histoire de l'art et aux recherches des artistes aux sources de l'abstraction tels que Malevitch, Vladimir Tatline, ou encore ceux du Bauhaus. Sur les murs trônent des grands monochromes. Ces œuvres sont une interrogation directe sur l'espace, l'espace de l'œuvre, de la peinture, de l'objet mais aussi celui de l'art et du visiteur. Chacune des positions choisies est autant de manipulation possible de l'objet peinture. Olivier Mosset réalise aussi des shaped-canvases, des toiles dont le bord extérieur suit exactement le motif peint. Les shaped-canvases sont le plus souvent des monochromes aux formes empruntées, l'étoile déclinée en rouge, rose et bleue par exemple. La référence à un logo ou un symbole est effacée par un changement de couleur, de position, qui oblige le spectateur à gommer ce souvenir et à ne voir que ce qui est face à lui. Autre jeu d'espace avec le visiteur : la sculpture placée entre les escaliers et l'entrée/sortie de l'exposition. Sans titre (Toblerones) sont six formes identiques, géométriques et imposantes (1.80 m de haut) qui reprennent une œuvre réalisée pour la première fois en carton en 1994 au Musée cantonal des Beaux-Arts de Sion. Enfantées à l'identique des barrages anti-chars conçus par l'armée suisse, elles évoquent également les célèbres barres de Toblerone. Leur fonction de demi barrage dans l'espace n'est qu'un jeu pour le visiteur qui y voit plus une succession de plans grisâtres que de véritables volumes, telle une sculpture leurre. Son oeuvre radicale, minimaliste, s'est prolongée en trois dimensions.



Sans titre, 1966, acrylique sur toile
Carré d'Art – Musée d’art contemporain de Nîmes



L'avant-dernière salle présente cinq très grandes toiles (4 x 6 m), toutes différentes, n'utilisant que des lignes ou des bandes verticales ou horizontales. Il semble qu'elles soient liées : une grande peinture rose à bande verticale rose plus clair se retrouve presque inversée dans une peinture blanche à deux bandes verticales rouges ; le vert d'une grande toile rayée régulièrement semble se décomposer dans les couleurs d'une toile jaune portant deux barres horizontales bleues. La composition joue entre les toiles qui sont autant d'unité qu'une seule et même œuvre.

La dernière salle fait référence aux collaborations de l'artiste. Par ces voyages, il quitte l'Europe en 1977 pour s'installer au Etats-Unis, ses rencontres sont riches et produisent des œuvres pour le moins surprenantes comme le petit monochrome jaune signé par Andy Warhol qui joue ainsi de sa notoriété. La collaboration avec Cady Noland aboutit à la superposition des "signes" de chacun des artistes : le mur de briques de Cady Noland et la cimaise de Mosset. Olivier Mosset se sert encore avec la signature de l'artiste, ou avec une certaine critique institutionnelle.

Olivier Mosset s'est placé comme témoin privilégié de l'évolution et de la critique de l'objet peinture. Il a traversé et troublé aussi bien les minimalistes que les conceptuels par une recherche incessante de la forme et du fond. Il n'y a pas d'œuvre meilleure ou plus importante que d'autres.
Ouvrez les yeux, tout ce qui est à voir est devant les yeux !

Clément Nouet
Nîmes, janvier 2005



Lila Square, 1990, acrylique sur toile
Galerie Les Filles du calvaire, Paris - Bruxelles

Olivier Mosset "Travaux 1966 - 2003",
Carré d'Art - Musée d'art contemporain de Nîmes,
Place de la Maison Carrée, 30031 Nîmes cedex 1
exposition du 15 octobre 2004 au 9 janvier 2005
 
musees.nimes.fr/carreart/ac-carre.htm

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