Pur et profane
Mireille Liénard
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Mireille Liénard

Mireille Liénard

 
 
Pur et profane, un intitulé énigmatique pour aborder d'emblée par le biais d'un trait d'union, les œuvres récentes de Mireille Liénard. En un jeu de dialectiques, reflets d'oxymores typiquement humains, l'artiste propose de parcourir une mise en scène de ses créations récentes.

L'espace joue un rôle majeur dans l'élaboration de son œuvre. Cette notion est ici envisagée en tant qu'aire géographique déterminée mais aussi en tant que support de projections philosophiques et de fantasmes, en tant que lieu nourri d'histoires, d'anecdotes et de mythologies… Un espace spécifique et mystérieux pensé, réfléchi,exploré, senti, révélé ou découvert… En l'occurrence, l'artiste a alimenté ses dernières créations d'un ensemble de recherches propres au site grec de Délos. Exploratrice, elle a fouillé les spécificités de ce site archéologique mythique ; elle a savouré sa luminosité et ses matériaux ; elle a décanté ses caractéristiques, ses croyances, ses symboles, ses énigmes, son vocabulaire typographique… Elle a tissé un rapport intime avec un imaginaire, une religion et des rituels particuliers, pour les transcender. Mettant en exergue une liaison formelle et symbolique entre la Grèce antique et notre société contemporaine, elle a progressivement donné corps à un ensemble de sculptures sensuelles.

Le vocabulaire formel de ses œuvres répond à ce qui façonne l'identité de ce site. Il s'inscrit certes dans un répertoire que Mireille Liénard a déjà mis en œuvre dans ses réalisations précédentes en acier mais il rejoint ici plus encore une symbolique universelle. Ses recherches l'ont en effet amenée à redécouvrir sa typologie, à la nourrir d'autres dimensions. Ici le cône, l'hélice, la spirale, le coquillage, le cercle… évoquent tout autant un volume qu'un espace spirituel et rituel. Dans ses sculptures, délicates et épurées, le féminin et le masculin s'unissent pour engendrer des formes androgynes. Ce processus de complétude évoque un accouplement perpétuel. Il engendre des formes organiques, voire viscérales, qui nous entraînent en une vrille étourdissante.

Si l'artiste éprouve les limites de l'espace et les métaphores de son répertoire formel, elle investit également celles des matériaux qu'elle s'approprie. Pour ses nouvelles créations, elle a expérimenté les propriétés du plâtre, de la cire, de la chaux… des média caractéristiques de son site d'élection. Pour ce faire, elle s'est immergée dans l'utilisation des techniques artisanales auprès des métiers locaux de la construction, un savoir-faire qu'elle a parfait dans son atelier-laboratoire pour engendrer un ensemble de textures appropriées. Mireille Liénard maîtrise la volupté et la luxure de ses matériaux ; ses créations invitent à un plaisir du toucher, à des digressions… Ici aussi, elle alimente ses réalisations de nombreux jeux de dialectiques, notamment dans la mise en œuvre d'un dialogue entre la douceur virginale et lustrée du plâtre et l'épaisseur de ces cires rouges semblant s'écouler perpétuellement.

Ces objets, épures condensées et charnelles, sont mis en espace dans ce qui évoque le capharnaüm d'une réserve de musée. Au visiteur de s'approcher, de cheminer et de se laisser surprendre à son tour, dans ce dédale de caisses de transports au sein desquelles sont disposées ses œuvres. Similaire à un dépôt en attente de classement, d'organisation, d'un regard… l'exposition devient site de fouilles où l'esprit curieux peut s'adonner à la magie de la découverte, à la re-construction de son imaginaire.

Pour compléter le dispositif, quelques dessins ainsi que des relevés sur papier caque ont été disséminés dans le lieu. Ces derniers permettent de localiser, voire de transposer, dans une autre dimension encore les sculptures exposées. Mireille Liénard invite en effet à un cheminent spatial, formel et sensuel, à un parcours visuel et tactile au sein de ces formes bisexuées qui naviguent entre matériel et spirituel… Des formes qui s'unissent en un mouvement dynamique reflet du devenir perpétuel de l'être humain et de ses aspirations mystiques.

La seule photographie présente dans l'exposition semble constituer la clef de voûte de l'énigme de cette quête sensorielle et sensuelle. La notion de sacrifice, intimement liée au site de Délos, est en effet au cœur des recherches récentes de Mireille Liénard. Un rituel qui selon l'artiste "consacre la distance infranchissable entre les Hommes et les Dieux", ces dieux de l'Olympe aux caractères pourtant si proches des velléités humaines. Le sacrifice, un rituel d'offrande et de renaissance, d'abandon et de purification, qui témoigne également de la volonté de dépassement de l'homme, de son aspiration à une ascension extatique. Le sacrifice une notion qui renvoie aux fantasmes et angoisses de la tragédie humaine, entre sacré et profane.
 
Bénédicte Merland
Bruxelles, mars 2008
 
 
Galerie Libre Cours, 00 rue de Stassart, 1050 Bruxelles, jusqu'au 20 avril 2008, www.galerielibrecours.eu
Espace Galerie Flux, 60 rue du Paradis, 4000 Liège, tél : +32 42 53 24 65
Galerie Arte Coppo, 83 rue Spintay, 4800 Verviers, tél : +32 87 33 10 71

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