Anselm Kiefer, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Monumenta 2007
Anselm Kiefer au Grand Palais
anglais
 
Vision eschatologique du monde. "Le plomb et la terre vibrent sous la verrière diaphane et l'acier". Confrontation de mémoires, d'émotions et de gigantismes. Nous sommes face à nos passés. Anselm Kiefer explore et ravive nos souvenirs de douleurs et de culpabilité dans le choeur de la nef de lumière du Grand Palais.
Kiefer
recherche
à l'infini
les causes
du chaos et
nous soumet
sa quête de
l'éventuelle
absolution de
l'impensable,
par la
confrontation
du vivant à
la destruction

Anselm Kiefer
 
Anselm Kiefer, © Ministère de la Culture et de la Communication.
Photo Marc Domage
 
 
La majesté du lieu se prête naturellement à l'œuvre monumentale d'Anselm Kiefer, premier artiste à ouvrir une série de challenges attendus. Le sculpteur américain Richard SERRA en 2008 et l'artiste français Christian Boltanski en 2009 lui feront suite. Ce lieu grandiose, aérien, heureusement sauvé des outrages du temps offrira chaque année l'immensité de sa nef de verre à un public très large et proposera une confrontation monumentale à un artiste de renommée internationale. Cet événement majeur contribuera à replacer Paris au centre des grands mouvements de l'art contemporain européens.

Sous le ciel lumineux et changeant d'un après-midi d'orage, les installations brutes de Kiefer nous rappellent les champs de ruine de la dernière guerre, de toutes les guerres. Les émotions affluent, de natures différentes, l'émotion physique et brutale du gigantisme, du monumental promis et atteint, l'émotion plus cérébrale des textes, des allusions nombreuses aux poètes, aux écrits, à nos mémoires collectives et à ses fidélités intellectuelles, et enfin, l'émotion sensorielle issue de son approche des matières et des textures si proche de l'univers de l'Arte Povera.
 
 
Anselm Kiefer
 
Anselm Kiefer, esquisse du projet, Monumenta 2007
© Ministère de la culture et de la communication, Sandra Saab
 
 
L'approche pédagogique de l'exposition nous permet d'entrer dans l'univers labyrinthique de Kiefer, d'en comprendre l'origine, les étapes et l'essence profonde. Interviews de l'artiste, de critiques d'art, de spécialistes de ses sources d'inspiration, qu'elles soient dans la Kabbale ou ses attachements littéraires, s'enchaînent et nourrissent nos interrogations. La mise en scène nous permet de mieux appréhender l'ensemble de son œuvre et sa cohérence au travers de réalisations plastiques et de sujets éminemment variés.

Les 7 "maisons" comme il les appelle, ont chacune une mémoire, un sens et une histoire, elles s'incrémentent jusqu'à nous donner une notion profonde et plus globale de son univers post-traumatique issu de sa naissance en Allemagne sous les bombardements. Kiefer recherche à l'infini les causes du chaos et nous soumet sa quête de l'éventuelle absolution de l'impensable, par la confrontation du vivant à la destruction et une réflexion pluri-sensorielle autour de l'histoire, de l'homme et de la nature.
 
 
Anselm Kiefer
 
Anselm Kiefer, "Andromeda", 2001
© Anselm Kiefer et Editions du Regard.
 
 
Les tours, les ruines, les bunkers sont les allusions les plus représentatives à la guerre, œuvres de destructions, œuvres de grandeur et dévastation humaine, Babel n'est pas loin. Images empruntées à la Bible, à la Kabbale - réponse à l'angoisse de la Shoa, et au cosmos, tout son dispositif fascine par sa violence et sa lisibilité, il est narratif et parfois allusif, mais toujours d'une sensorialité brute voire brutale. Il nous happe dans un creuset de matières brutes, acier, plomb, rouille, terre, branchages.

Il ne manque que le sang. Le sien, le nôtre, la rouille est celui de la terre, porteuse de la mémoire de l'horreur. Terre pourtant fertile, au-delà de tout, elle engendre et efface en même temps, est-ce cette même terre qui nous donnera l'absolution ou nous emportera dans sa matière intense et éternelle, comme les fougères, ancestrales et mythiques de la maison du "Geheimnis der Farne"?
 
 
Anselm Kiefer
 
Anselm Kiefer, "J'ai vu le pays du brouillard, j'ai mangé le coeur du brouillard", 1997.
 
 
Les maisons s'enchaînent, Nebelland (le pays de brouillard), Geheimnis des Farne (le secret des fougères), la Voie Lactée, Aperiatur Terra (la terre s'ouvre), Voyage au bout de la nuit, Sternenfall (chute d'étoiles), Palmensonntag (le Dimanche des Rameaux). Chacune a sa propre monumentalité et son énergie singulière, son allusion à une période de l'histoire, à une civilisation, à un auteur (Céline, Ingeborg Bachman, Paul Celan…), à une mémoire, chacune a son propre volume et une esthétique particulière, toutes ont une présence monumentale, toutes sont denses, abruptes.

Cette exposition est saisissante, elle nous brasse, comme le dit Philippe Dagen, "On dirait une centrifugeuse où sont précipités tous les arts et tous les modes d'expression". Centrifugeuse, creuset, chimie, alchimie, l'univers Kiefer est la construction patiente et fertile d'un bloc d'émotion, de spiritualité et d'intelligence cohérentes.
Edith Herlemont-Lassiat
Paris, juillet 2007
 
Anselm Kiefer
 
Anselm Kiefer, "Dein Haus ritt die finstere Welle", 2006.
Photos André Morin et Charles Duprat, © Anselm Kiefer et Galerie Thaddaeus Ropac.
 
 
Anselm Kiefer
 
Anselm Kiefer, "Kain und Abel", 2006,
photos André Morin et Charles Duprat, © Anselm Kiefer et Galerie Thaddaeus Roppac.
 
 
Anselm Kiefer
 
Anselm Kiefer, Vue d'une installation d'Anselm Kiefer. Atelier de l'artiste, Barjac. Monumenta 2007
 
 
Anselm Kiefer
 
Anselm Kiefer, vue de tableaux en préparation pour la maison "Voyage au bout de la nuit".
Atelier d'Anselm Kiefer à Barjac, Monumenta 2007.
© Ministère de la Culture et de la Communication. Photo Marc Domage.

Monumenta 2007, Anselm Kiefer, du 30/05 au 08/07
Nef du Grand Palais, Porte principale, Avenue Winston Churchill, 75008 Paris
Tous les jours sauf le mardi, 10H-20H, lundi et mercredi, midi à minuit Jeudi à Dimanche.
www.monumenta.com

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