Ken Lum

Ken Lum

Ken Lum, Leonida Pizzeria

De la dialectique




sociale à




l'ambivalence




du langage




toujours




en diptyque



Philip Nelson expose jusqu'au 31 décembre, l'artiste canadien d'origine chinoise : Ken Lum. Comme ses camarades du groupe de Vancouver, Ken Lum se veut avant tout un artiste critique et engagé. Rassemblés autour de la figure prestigieuse de Jeff Wall, les artistes de Vancouver se réclament d'une pratique conceptuelle et d'une tradition moderniste retrempée dans la réalité par le biais de la photographie. Pour eux, les questions posées par les avant-gardes de la fin des années soixante à propos des rapports entre l'art et la société de consommation restent d'actualité. Elles ne se dissolvent pas, bien au contraire, dans l'équivalence généralisée des images prônée par le post-modernisme.

Qu'il pratique la photographie, la vidéo, l'installation ou la sculpture, Ken Lum se tient toujours au plus près de la vie quotidienne. Il oppose la subjectivité de l'individu aux "images" entendues au sens large du terme : logos, slogans publicitaires, expressions toutes faites, gestes, photographies, meubles, styles… passés au moule de la représentation médiatique. La composition en diptyque lui permet de présenter cette dialectique entre le stéréotype et la personne, le public et le privé, l'économique et le psychologique où se révèlent les contradictions à l'œuvre dans la société.

Cette dialectique est particulièrement évidente dans les œuvres de la série "shopkeepers" (les commerçants) visibles au rez-de-chaussée de la galerie Nelson, côté rue. Collé à un panneau publicitaire vantant les mérites d'un garage ou d'un restaurant, un texte à lettres amovibles exprime les sentiments intimes du commerçant. Le garagiste avoue son homosexualité ; le propriétaire de la pizzeria se voit obligé de servir de la nourriture chinoise pour s'adapter aux goûts d'une clientèle nouvelle ; le vendeur de produits canadiens exprime son amertume de devoir fermer boutique. Contrairement aux phylactères médiévaux ou aux bulles des bandes dessinées généralement reliés à un personnage, ici c'est son slogan commercial qui représente le sujet. Ken Lum exploite ce procédé narratif avec un humour qui révèle plus qu'il ne dissimule le malaise d'une société en proie aux mutations douloureuses que provoque une immigration massive.

Côté chambre, à l'étage, on quitte le domaine du social pour se retrouver face à soi-même, devant des paires de miroirs en pied gravés de textes qui expriment les pensées conscientes ou inconscientes qui surgissent dans le dialogue avec sa propre image. Pensées en deux temps du type : "Je dois perdre la tête" suivie de "Est-ce que je perd vraiment la tête ?". Entre les deux : un espace sans reflet qui représente ce moment d'introspection où l'esprit cherche les mots qui vont l'amputer d'une partie de lui-même et le constituer en sujet. De la dialectique sociale à l'ambivalence du langage, toujours en diptyque.

Pauline de Laboulaye
Paris, decembre 2003

Ken Lum

Ken Lum, Paul's Auto Repair

Ken Lum

Ken Lum, l'exposition

Galerie Nelson, 40 rue Quincampoix, 75004 Paris
jusqu'au 31 décembre, ouvert du mardi au samedi 14 h à 19 h
tél : 00 33 (0)1 42 71 74 56
info@galerie-nelson.com

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