Puzzle sur chambre blanche ou façons de dire, Katrin Bremermann à Jeune Création, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Katrin Bremermann, "Puzzle sur chambre blanche ou façons de dire"

Katrin Bremermann

L'important c'est










de communiquer










avec l'Autre






















Apprendre










à regarder










c'est changer










sa vision










du Monde




La toile, "c'est ma petite chambre blanche que je cherche pour être bien, où je peux déconnecter complètement" explique Katrin.

Katrin, est globe-trotter. La jeune femme native de Bremen en Allemagne quitte son pays il y a 20 ans, à dix-sept ans, pour un véritable tour du monde. Elle va de pays en pays, faisant de longs séjours dans les Caraïbes (4 ans), aux USA (périodes de 3-4 ans), en Espagne (3 ans), au Japon, à Cuba, en Inde et dans presque tous les pays d'Europe avant de s'établir à Paris, en 1997. Elle se sent chez elle partout et nulle part à la fois, "se débrouillant" dans toutes les langues : l'important pour elle c'est de communiquer avec l'Autre. Katrin est une "étrangère professionnelle" aux couleurs cosmopolites.

Autodidacte, elle peint depuis sa plus tendre enfance. Avec des yeux avides de comprendre, Katrin croque tout ce qu'elle voit. "C'est ma façon de m'expliquer, de me représenter les choses", confie-t-elle. Le monde est parfois un mur sans oreilles, aux féroces yeux de pierre. Elle voudrait parler, mais ne l'ose, car le regard de l'Autre la dévore à l'avance. Ainsi sa première période (1992-1997) est-elle traversée, transversée, par l'influence de Bacon et Vélikovitch : corps tourmentés, bouches dévorantes à la place des yeux, visages déformés par l'angoisse de l'attente : c'est le stade du miroir, où l'artiste ne peut appréhender son Moi qu'à la surface des autres, focalisant son attention sur les organes permettant la communication immédiate avec cet Autre (les yeux et la bouche), et laissant aussi entrevoir le voyage qu'elle va bientôt tenter d'effectuer de l'autre côté du miroir. Erotisme langoureux, danses ethniques, atmosphère de fête, peaux tannées, ridées par le soleil. Au rythme indolent des années Caribéennes, elle préfère bientôt la fièvre des mouvements underground américains et s'envole vers les gratte-ciels d'un rêve décadent.

Katrin Bremermann

Désireuse de démontrer son indépendance et d'affirmer son identité en donnant la parole à sa peinture, elle accepte de faire sa première exposition en 1992, à la Nouvelle Orléans, sur le thème "Sex and Soul" : exposition sur le thème de la sexualité lesbienne et de l'amour homosexuel. Elle ressent des affinités avec ces femmes et ces hommes dont l'objectif est d'afficher leur droit à la différence. A 27 ans; elle n'a plus peur de se prononcer. En 1995, elle réalise deux autres expositions notoires sur le sol américain : "Etching Today" au College of Arts de Santa Monica et "Paintings and Prints of Katrin Bremermann" à la Galerie Noire de Los Angeles. L'Art Scene de New York laissera une empreinte indélébile dans sa conscience : c'est à regrets qu'elle lève le camp. Entre-temps, elle aura fait de longs séjours en Europe (Londres, Madrid, Paris), au Japon, à Cuba, se sera essayée à de nombreuses techniques, dont la gravure, et aura "bricolé" de nouveaux moyens d'expression picturaux.

Sa deuxième période (1997-2001) coïncide avec son retour en Europe et son installation à Paris : la dépression est là, violente. Subitement, Katrin abandonne le figuratif pour une peinture franchement abstraite, plus intimiste : elle plonge dans le corps, dans un gouffre abyssal, noir, un désert blanc ; la toile est lacérée, cousue de fils blancs, striée de rouge, dans une tentative désespérée de "réparer" ses blessures, de colmater les brèches, de combler le manque essentiel, en tissant des liens… Sa peinture dénonce, énonce la solitude, l'incomplétude de l'Homme, l'absence de communication. Son âme se révolte contre l'injustice de sa condition, ses doigts s'agitent sur la toile pour masquer la béance… pourquoi ces creux, ces vides, ces interstices, cette multiplicité d'organes dont l'unicité la rassure et la terrifie : elle ne sait comment les assembler pour réaliser l'unité de son corps. Du désespoir jailli soudain une force créative nouvelle. Ce voyage intérieur à l'abris des figures tutélaires lui aura fait connaître une nouvelle joie de vivre, authentique et durable : celle d'accéder enfin à elle-même, à son Moi profond. Katrin commence à se sentir "bien dans sa peau".Trois expositions à thème : "Junge Wilde" à la Galerie Kammer de Hamburg en 1997, "Space in Time" à la Galerie Francs Bourgeois à Paris et "Gravure Contemporaine" chez Marie de Paris en 1998, et une quatrième exposition libre au Neuer Kunstmarkt de Muenchen en 1999.

Katrin Bremermann

Progressivement alors se dessine la troisième période (depuis 2001). Elle s'attache à décrire chacun des organes tour à tour, cherchant à comprendre leur fonctionnalité dans un tout. Constructions étranges, où douceur des formes et des couleurs contraste avec l'apparente irréconciliabilité de deux univers : la vie artérielle esquissée en toile de fond est maculée de tâches, "formes organiques insolites, monochromatiques, qui semblent avoir leur vie propre". Ces formes permettent à Katrin de montrer autant que de dissimuler ce qu'elle ressent pour "illustrer la différence entre l'extérieur et l'intérieur". La toile devient un contenant psychique pour le puzzle des organes disparates représentant ces émotions qui l'envahissent et que par la contemplation de ses propres œuvres elle parvient enfin à appréhender. Car Katrin "parle avec le ventre et non avec la tête". Dans sa "petite chambre blanche" elle fait le vide, inspire et "découpe, pour être plus claire", comme Louise Bourgeois, rencontrée récemment et dont elle admire le style limpide, à l'impact immédiat. Par la suggestion des espaces et des formes, Katrin crée une "impression de déjà vu" donnant à voir des choses familières aux contours volontairement flous, afin que les gens les identifient inconsciemment à des lieux, des situations, des émotions déjà vécues. C'est la technique du "reader response" appliquée au spectateur : à lui de créer par ses propres interprétations. Ainsi, elle entre en dialogue avec lui… même s'il ne vient pas toujours lui parler. Ce qu'elle veut lui communiquer, c'est que l'on peut "vivre avec des choses dont on ne sait pas ce qu'elles veulent dire ; apprendre à faire avec sans chercher à tout comprendre, accepter le mystère". Apprendre à regarder c'est changer sa vision du monde. En découvrant Katrin Bremermann chacun peut espérer démêler l'écheveau de son inconscient tout en ne perdant pas de vue "la dimension ludique" qui colle à son oeuvre. Deux expositions parisiennes en 2001 : "Mémoires, Mémoire…" à la Galerie et "Summershow" à l'Avivson Gallery, ainsi qu'une participation remarquée au Salon "Jeune Création" en 2002.

Charlotte Riedberger
Paris, février 2003

Katrin Bremermann

Katrin Bremermann


Katrin Bremermann
Jeune Création, partenaire exporevue, La Villette, Paris, du 21 février au 2 mars 2003

 
Katrin Bremermann, galerie virtuelle 2006 


Artistes choisis par la rédaction exposants à Jeune Création :
 Antonio Alcasser   Erick Derac   Delphine Ferré   Laurent Fiederhaiche   La Guardia   Sandra Musy 

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