Asger Jorn - Gabor Ösz, le "faire" du temps, sculptures et photographies


Gabor Ösz

Gabor Ösz, Scheveningen, courtesy Galerie Loevenbruck, Paris
Photographie - Sculpture









Geste - Matière









Sténopé









Camera obscura









Faire - Temps









Lumière - Densité









Substance - Absence









Architecture









Paysage - Tableau









Corps - Regard



Il est toujours rassurant et enthousiasmant de suivre la programmation d'une Galerie d'art contemporain sachant surfer avec bonheur sur le médiatique parfois tapageur et le construit souvent plus silencieux. Tel est le cas de la jeune Galerie Loevenbruck dans le quartier Saint Germain, qui après avoir exposé "l'agitateur" Olivier Blanckart, montre aujourd'hui en parallèle, 12 sculptures d'Asger Jorn et 3 grandes photographies de Gabor Ösz. Sans autre propos que le désir de cette confrontation inattendue, il n'est pas inintéressant d'en ressentir non pas la justesse mais le plaisir d'un travail sur le temps et la matière.

Plus connu pour ses peintures "Cobra" dont il a été le fondateur du groupe en 1948 aux côtés de Constant, d'Appel, de Dotremont, l'artiste danois Asger Jorn, retrouve dans ses sculptures en marbre et surtout en bronze des années 1972, la puissance caractéristique de son geste physique. Triturant la matière, malaxant les formes, il nourrit l'acte du faire par une énergie semblable à celle qu'il mettait dans ses œuvres picturales. Flirtant avec la figuration il n'en retient que l'aspect tourmenté d'une "pâte" broyée à la limite de l'informe, et pourtant résiste une idée de buste émergeant à chaque fois in extrémis de la masse compacte du bloc de marbre ou de la fluidité figée du bronze coulé.


Asger Jorn

Asger Jorn, testa, courtesy Galerie Loevenbruck, Paris


Peu montrées du vivant de l'artiste, ces sculptures sont aujourd'hui l'occasion de redécouvrir une partie de l'œuvre multiple de celui qui fut aussi créateur en 1954 du "Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste" puis membre de l'Internationale situationniste de 1957 à 1961.

Gabor Ösz est un jeune photographe allemand dont l'architecture est le terrain de formation et de réflexion. Ainsi a-t-il arpenté nos côtes atlantiques, de la Normandie aux Landes, afin de retrouver traces et histoire du "Mur de l'Atlantique". Dans le catalogue personnel qui lui est consacré, on peut lire un texte que l'artiste a lui-même écrit et dans lequel on perçoit l'engagement et la justesse de réflexion de sa démarche et de son travail. En effet, Gabor Ösz nous dévoile son intérêt pour la construction des bunkers, l'architecture de ces "postes de surveillance, de contrôle et de commandement" en même temps que leur familiarité en tant qu'architecture militaire avec les monuments funéraires de l'Egypte ancienne.


Asger Jorn

Asger Jorn, contemplazione faticata, courtesy Galerie Loevenbruck, Paris


Sensible à l'espace et au lieu de surveillance visuelle qu'étaient ces blockhaus, le photographe a renouvelé l'expérience du corps à l'intérieur de ces antres de béton. Tapissant les murs de bunkers de papier cibachrome, ménageant une ouverture adéquate à l'entrée de la lumière, -recréant ainsi le système primitif du sténopé et de la "caméra obscura"- le photographe rejoue l'expérience du voyeur contemplatif et du scrutateur de l'infini. Après une exposition pouvant durer de 4 à 6 heures, d'immenses paysages laiteux se dessinent à l'envers au fond du corps de béton.

Le temps crée l'espace-matière, et plus encore, la substance charnelle de ces magnifiques étendues vert-jaune-gris-bleu d'où une ligne horizon souvent basse ménage avec subtilité l'idée de paysage et où l'infini côtoie avec bonheur l'espace du tableau-panorama. Evitant avec maîtrise et finesse la facilité parfois du panoramique Gabor Ösz présente le calme de la densité et la profondeur de l'absence tels que l'être humain peut les éprouver lorsqu'il se laisse habiter par l'émotion vécue et étonner par la beauté de la révélation. Rencontre parfaite ici de l'homme et du médium face à la nature et à sa perception.
L'expérience de la vue se substitue à celle de l'infini et le regard n'est plus qu'humilité devant l'équation esthétique réussie du temps et de la lumière.

Michelle Debat,
mai 2002.
Gabor Ösz

Gabor Ösz, Batterie Vasouy, courtesy Galerie Loevenbruck, Paris
Galerie Loevenbruck, 40, rue de Seine, 75006 Paris, du 17 mai au 15 juin,  www.loevenbruck.com

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