Eric Troncy a conduit la programmation de Coollustre, exposition singulière et originale à la collection Lambert en Avignon. Son auteur revendique le statut "d'exposition d'auteur" qui met en scène une sélection d'œuvres des trente dernières années. Chaque oeuvre raconte son propre récit. Les œuvres réunies dans les salles composent une histoire mais le spectateur reste libre de composer la sienne, même si on découvre vite que le projet est de dépeindre le monde contemporain.

Le succès de cette exposition vient de la juxtaposition des œuvres. En effet Eric Troncy n'hésite pas à imaginer et à confier aux artistes un espace avec des contraintes et surtout en leur demandant de créer chacun une œuvre qui devra cohabiter avec l'autre au point de n'en faire qu'une alors que les auteurs respectifs ne se connaissent pas.

Les récit se suivent et ne se ressemblent pas : religion, connaissance, séduction, peur, urbanisme, pouvoir, fête… autant d'histoires qui ne se résument pas en quelques mots, mais invitent le spectateur à en faire l'expérience entre rêverie et cauchemar. Prenons par exemple une salle : sur un papier peint est accroché un tableau au centre une sculpture, rien de plus classique. Mais quand ce papier peint reproduit en quinconce le portrait de Mao (Andy Warhol), que le tableau représente le portrait d'un homme politique Kadhafi (Bazile Bustamante) et que la sculpture à l'échelle 1 est la reproduction d'un canon (Pino Pascali), la salle ne peut que parler.

On retrouve de nombreuses œuvres riches en qualité et en histoire, le long du parcours. Tischgesellschoft, sculpture de Katharina Fritsch, long de seize mètres représente trente deux hommes assis de part et d'autre le long d'une table (l'œuvre a pas quitté le musée de Francfort (MMK), ou elle est déposée depuis douze ans, qu'une seule fois et ne devrait plus sortir pour des raisons de conservation). Ubermensch, est une sculpture monumentale de Jake et Dinos Chapman où le savant Stephen Hawking est dans un fauteuil roulant juché sur un imposant amas rocheux. Les structures gonflables/dégonflages de Wendy Jacobs, la Route Scoreboard n°4 de Xavier Veilhan, tableau animé lumineux impriment le fuyant d'une route. On découvre aussi les chariots dorés à l'or de Sylvie Fleury, les dernières toiles de Bernard Buffet et autant d'œuvres enthousiasmante.

Enfin, il faut évoquer, le choix du titre de l'exposition "Coollustre" qui peut renvoyer à l'idée que tout est cool dans notre société lustrée comme les années qui passent. Il s'agit en fait d'un nom emprunté à une crème de beauté de la marque Clinique qui fait tomber l'art dans le cosmétique : une fine couche de lustre efface les rides du temps qui passe, à moins qu'il ne s'agisse de mettre en exergue le pouvoir grandissant des œuvres d'art.

Clément Nouet
Avignon, octobre 2003