FIAC 2005
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Pour sa 32ème édition, la FIAC consolide ses acquis et confirme le mouvement amorcé en 2004. Plus internationale, ouverte sur le design avec neuf exposants triés sur le volet, la FIAC investit aussi l'art contemporain avec les secteurs "Perspectives" et "Future Quake". Complémentarité d'espaces, d'œuvres et de générations.
galeries
émergentes

prix
Marcel
Duchamp

ADIAF

Kader Attia
 
Kader Attia
 
 
Le hall des galeries émergentes offre quelques moments forts : celui de l'installation de la Galerie Suisse Synopsism sur l'enfermement, celle de Jocelyn Wolf avec son ginko biloba de bronze flottant dans l'espace réalisé par l'artiste Guillaume Leblon, la galerie art-net-art affirme son flair et développe sa collection de DVD (dont un sur Closky créé l'année dernière) et continue son attitude originale permettant de mettre à la portée de tous des œuvres numériques d'artistes reconnus dans des séries illimitées, la galerie des Multiples, et enfin, la belle constance passionnée et engagée de Magda Danysz. Cet espace offre une petite chance de repérer les artistes de demain encore accessibles et les futures valeurs sûres.

Le grand hall nous présente les "historiques" de l'art moderne, les grandes œuvres d'Alechinsky, de Rebeyrolle (œuvres ultimes de ce géant rebelle chez Claude Bernard), Soulages, M. Valdez…
Un chemin de découvertes ouvert sur la ville en synchronisation avec le Grand Palais, prolonge la Foire avec des films, installations et vidéos, et ouvre un lien avec les autres grandes institutions tendant à donner à l'événement un foisonnement festivalier.

Le prix Marcel Duchamp, commissionné par l'ADIAF, apporte une dimension événementielle dans l'esprit du Turner Prize… Subversif et dérangeant à souhait… jusque dans le choix du lauréat. Il fut créé en 2000, à l'initiative de l'Association pour la Diffusion Internationale de l'Art Français. Elle rassemble sous la Présidence de Gilles Fuchs 200 collectionneurs et passionnés, et a pour but de confirmer la notoriété et le rayonnement d'artistes résidant en France. Cette année le choix des artistes avait une couleur étrange, particulièrement les performances de Kader Attia et Gilles Barbier qui nous offraient un beau sujet de polémique et de réflexion promettant une plongée dans l'intense, la mémoire ou l'humour.
 
 
 
Gilles Barbier
 
Gilles Barbier, "l'orgue à pets"
 
 
Kader Attia, partait grand favori du prix 2005. Nourri d'une triple culture, Musulmane, Juive et Chrétienne, éclectique, élégant, foisonnant. Son installation "Flying Rats" nous avait déjà saisis à la Biennale de Lyon. Il nous présentait ici un travail à première vue glacé, parterre en miroirs, à briser, impeccable avant d'être définitivement ravagé sous nos pas, toboggan rose bonbon transpercé de métal effilé, savons incrustés de lames de rasoir et douches d'une propreté clinique, blanches, immaculées où flottent des cheveux bruns au dessus de colliers en cuir ancrés dans le mur. Allusion aux tortures, aux abandons, à l'excision, aux circoncisions, à la mémoire d'une violence historique ancrée dans une culture archaïque traditionnelle. Mémoires intimes aussi avec un contraste saisissant entre la sobriété glacée de l'installation et ses images implicites ravageuses.
Il m'évoque Grayson Perry, et la subversion de son travail infinie et poignante, puissante et courageuse aurait à mes yeux mérité le prix.

Gilles Barbier, entre BD et science fiction, mobile, embarrassant, s'attache aux corps, flirte avec la "Pornosphère". Il nous présente une anatomie animée, vivante, expressive de nos intérieurs, nous confronte avec un humour dévastateur à nos espaces corporels intimes, s'attarde à un stade anal revisité et détourné. Textes, dessins, noir au blanc, personnages grotesques et proches des cartoons, avec ce qu'il faut de rondeur pour leur conférer une grande humanité. "Il construit une œuvre qui traduit l'éclatement tragique de l'être et son expulsion violente hors du sujet". C'est la distance élégante et l'approche humoristique qui donne son panache à cette œuvre dont la permanence devient un vrai travail de patience. Son "orgue à pets" est une pirouette allusive et ironique aux conventions et nous évoque les grands pétomanes du début du siècle.

Olivier Blanckart, a réalisé une présentation trash d'une déesse forniquant sur une tête de lion, vision onirique et ré-interprétation  contemporaine de l'Apocalypse de Saint-Jean. Première œuvre d'une série "eschatologique",  "whore and the beast" ou "l'effroi de Saint Virilliard", raccourci iconoclaste des prophètes des temps modernes, Virilio et Baudrillard, est une installation cacophonique, baroque et grotesque. Dérangeante, provocatrice, politiquement et artistiquement profondément incorrecte, irrévérencieuse à souhait.

Le jury a finalement retenu en dépit des pronostics, Claude Closky, présenté pour la deuxième fois par l'ADIAF. Celui-ci a probablement bénéficié, lors du vote, de son background par rapport aux autres. Cet artiste "fraye avec l'immatérialité", les œuvres multimédia minimalistes, il a été récompensé pour "la complexité de son langage visuel et la multitude des supports employés (livres, sites Internet, travaux vidéo, photographies, peintures) et son usage anticipé du langage des medias actuels". Son exposition-vidéo, sur la médiatisation enchaînait des mini scènes visuelles syncopées de l'actualité récente et des représentations d'un monde éclaté. Entre journal intime et journal télévisé, il nous interpelle sur la saturation d'images dont nous sommes envahis, abreuvés à en devenir des spectateurs décérébrés et aveugles. Cette œuvre de compilation plus que de création, nous place face à notre consommation effrénée de sons et à la de perte de sens issue de la sur-puissance de l'image animée.
Edith Herlemont-Lassiat
Paris, octobre 2005
Olivier Blanckart
 
Olivier Blanckart, "whore and the beast"

Fiac, Paris www.fiacparis.com

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