Des vaches pour l'art contemporain
Cow Parade
 
 
Après Tokyo, New York, Barcelone, Londres, Moscou, Chicago et dernièrement Florence… la Cow Parade va bientôt envahir les rues de la capitale française (Rebaptisée Vach'art, certainement par "exception culturelle", la manifestation se tiendra du 10 avril au 16 juin 2006 dans les rues de la capitale française). Entre médiation culturelle, mécénat et bienfaisance, tour d'horizon d'une initiative de prime abord "loufoque".

"Art is not where you think you're going to find it"
Patrick Mimran, installation à la Biennale de Venise 2005.
Un

"moo-seum"

virtuel

pour suivre

l'évolution

de la

parade

Des vaches

caritatives

et

médiatrices

culturelles

Gian Paolo Tomasi
 
Gian Paolo Tomasi, 2005, Mucca vedutista
Sponsor Vanity Fair, Gare SMN, Florence
 
 
De la finance à la transhumance…

Tout commence en 1998 à Zürich. Peter Hanig, businessman américain en vacances en Suisse est subjugué par les "vaches". C'est peut-être leur aspect stoïque et élémentaire qui aura donné à cet industriel de la chaussure l'idée lumineuse de transposer la Cow Parade aux Etats-Unis. Le principe en est presque risible. Trois modèles grandeur nature en résine de vache créés par le plasticien suisse Pascal Knapp attribués à des artistes ; une sculpture lâchée en liberté dans les plus grandes villes du monde pour une période définie. De l'Art Public tout simplement. Alors pourquoi un tel engouement international ?
Certainement, car la Cow Parade ne se veut pas simplement une dénonciation de circonstance, voire tendance, du fonctionnement du système marchand de l'art contemporain. En effet, outre le financement par divers mécènes des ruminants, chaque œuvre sera par la suite mise aux enchères au profit d'une association caritative (A Florence les sommes récoltées servent à financer un hôpital pédiatrique ; à Paris, c'est l'Africa Alive Foundation qui en sera bénéficiaire).
 
 
Massimo Rossetti
 
Massimo Rossetti, 2005, Mucca bruca blister
Place de la Seigneurie, Florence
 
 
De plus, en aval, un merchandising de premier ordre s'organise autour de chaque événement. Le site internet de l'association propose des miniatures numérotées, de chaque collection, accessibles pour un prix modique (Les tarifs s'échelonnent de 15 à 150 USD). Entre aspect ludique et musée virtuel, ce site contribue indéniablement à la publicité et à la pérennité des expositions. Le succès est tel qu'il paraît presque impossible aujourd'hui d'entrer dans un commerce de décoration d'intérieur sans se trouver nez à nez avec l'un de ces herbivores décorés par des artistes internationaux, un mug, une boule à neige, tous les motifs ont été déclinés. Un véritable "chef d'œuvre" financier avec une idéologie loin d'être novatrice. L'art descendu de son piédestal muséal, divertissant, accessible à tous et partie intégrante de la vie quotidienne… (La liste des artistes ne pourrait qu'être exhaustive, mais le discours amorcé par les "post soixante-huitard", ou comme il est de coutume de les nommer aujourd'hui : post-modernistes, est ici repris avec talent)
 
 
Fausto Gilberti
 
Fausto Gilberti, 2005, Vaccaboia!
Place de la Gare, Florence
 
 
Florence et la Renaissance de l'art contemporain.

Le choix de Florence comme première ville italienne accueillant la parade tend à révéler, une fois encore, l'ironie de la manifestation. A quelques pas du David (Ou plus exactement de la fameuse copie désormais installée Place de la Seigneurie) de Michel-Ange, Mucca Bruca Blister de Massimo Rossetti vous indique comment élever une vache à l'époque de l'ère industrielle. Un mode d'emploi au dos, très explicite, ironise sur la société de consommation et la transformation de l'élément naturel et de ses composants en service purement et simplement lucratif.
 
 
Marco de Micheli et Leonardo Giovannetti
 
Marco de Micheli et Leonardo Giovannetti, 2005, la Fiorentina
Place Strozzi, Floerence
 
 
Les cinquante-huit vaches florentines résument assez bien l'esprit de la Cow Parade. Tour à tour références historiques, culturelles ou politiques arrêtent votre regard au cœur même du berceau de la Renaissance. L'ironie est certaine, le support le veut, mais même les badauds les plus incertains improvisent une halte devant ces créations originales. La Fiorentina de la Place Strozzi (Financée par Salvatore Ferragamo) en est un bon exemple : une vache masochiste, habillée en boucher, quasi humaine, qui tranche dans le vif un bout de viande, alors identifié par le titre, comme l'une des spécialités culinaires de la ville toscane. Devant le Palais Pitti, une jeune artiste prometteuse Maria Paola Coda propose un mammifère cannibale au pelage en herbe synthétique. Entre réflexion organique et interrogations auto-référentielles de l'habitat cette œuvre, simple mais efficace, interroge habilement l'indéniable évolution de la condition humaine. Alors qu'à l'aéroport, la Pac Cow de Ziqqurat joue sur l'aspect nomade de cet insolite transhumance. Emballée à la Christo, estampée du qualificatif "fragile" et timbrée, la vache prête pour le départ ou à peine arrivée accueille ou salue les voyageurs en transit.
 
 
Pablo Echaurren
 
Pablo Echaurren, 2005, Cow are you?
Place Michelangelo, Florence
 
 
Dans le très sérieux monde de l'art contemporain, l'initiative ne fait pas mouche et passe bien souvent pour une fantaisie sans fondement ni portée. Cependant, de plus en plus d'artistes déjà établis y participent. A Florence, Gian Paolo Tomasi, jeune artiste à succès, spécialiste des photos-montages, présente la Mucca vedutista, ou encore Fausto Gilberti, dessinateur minimaliste, qui nous propose l'une des esquisses qui a fait sa renommée. Pablo Echaurren (Qui présente par ailleurs une exposition collective à l'arrêt de métro Pyramide d Rome à partir de février) nous livre l'une de ces compositions énigmatiques et angoissantes alors que Marco Ferreri, célèbre designer, décapite sa vache pour la faire émerger d'une bouche d'égout en plein cœur du centre ville.
 
 
Marco Ferreri
 
Marco Ferreri, 2005, Ferreri's cow
Place San Marco, Florence
 
 
L'assertion semble alors totale. Il est vrai qu'un lâcher, même artistique, de bovins dans les pâturages citadins dénote obligatoirement. Reste qu'à une époque où penseurs et ministres se concertent indéfiniment sur les possibilités de la politique culturelle actuelle et de son implication dans le système social (La durée de mise en place et la difficulté d'application du programme "nouveaux commanditaires" en est un exemple. Par ailleurs, l'Italie a adapté le projet de loi à Turin dans la zone de Mirafiori Nord avec des résultats plus ou moins contestables) une initiative des plus anodines a connu un essor fulgurant en moins de dix ans. La reconnaissance d'un art doit-elle alors forcément passer seulement par une assise théorique ou politique pour atteindre son but ? Ou dans un idéal communautaire qui se voudrait à l'origine même d'un "art public" admettre la reconnaissance de néophytes comme un acquis deux fois plus probables ?
Sylvie Jaumes
Rome, janvier 2006
 
Ziqqurat
 
Ziqqurat, 2005, Pac-cow
Aéroport international de Florence

Cow Parade, Firenze, du 22 octobre 2005 au 20 janvier 2006  www.cowparade.com
Vach'art, Paris, du 10 avril au 16 juin 2006 www.vach-art.fr

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