Christine Rebet : The industry has finished
 
 
Au 60, rue Mazarine, Paris 6e, une bonne surprise nous a été réservée.
Celle-ci consiste en 24 petits dessins à l'encre et à l'aquarelle et un film d'animation de 2 minutes 30 secondes seulement (ce qui représente quand même plus d'un millier de dessins). L'ensemble a été réalisé à partir de 1999.
théâtre


de son


imagination
Christine Rebet
 
christine rebet, "transit zone", série "Made in Fire", © christine rebet. courtesy galerie kamel mennour
 
 
Il s'agit de la première exposition en France de Christine Rebet (1971, Lyon). Réinstallée à Paris après des séjours à New York et à Berlin, elle a fait ses études à Venise, puis à Londres. C'est à la St. Martin's School of Art and Design que le dessin est devenu le théâtre de son imagination. A la fois bizarres et poétiques, les saynètes ou situations qu'elle développe dans ce travail semblent s'approcher à la fois de l'illustration et du fun drawing, des contes de fée et des films d'épouvante, de la culture populaire en général.

Y figurent des créatures aux têtes et corps défigurés, dont le langage nous paraît étrange et familier en même temps. Malgré tout effort de notre part, on en cherche, en vain, le sens exact, comme celui d'un rêve. Ecrits à la main sur les dessins et le mur, les légendes et titres, souvent différents l'un de l'autre, renforcent la notion d'un doute existentiel. Pour en citer quelques-uns : La fille qui portait son cœur, Self Made Roulette, Two Rabbits in Trouble, Half a Future, L'indécis, etc. Aussi le titre de l'exposition semble s'inscrire dans cet esprit.
 
 
Christine Rebet
 
christine rebet, "only shoes can hold a secret", série "Made in Fire", © christine rebet. courtesy galerie kamel mennour
 
 
Dans les éclaboussures et traces noires et d'eau colorée, mises sur le papier avec un flux proche de l'écriture automatique et du dripping, on reconnaît une vraie maîtrise artistique. Dans le même temps violente et attendrissante, l'imagerie presque enfantine évoque chez le spectateur cette inquiétude permanente que seul le pire est certain. En raison du petit format des dessins et de leur matière, on est obligé de les regarder de près, de préférence tenus dans la main. Ici, dans ce rapport intime, la beauté est d'une qualité empathique, lorsque l'artiste nous démontre, visiblement non sans plaisir, les dangers et les profondeurs complexes de la condition humaine.

Dans le film "The Soul Hunter", réalisé en 2003 à Berlin, cette beauté est poussée vers l'absurde. L'histoire, celle d'un voleur d'âmes qui se trouve aux prises avec un enfant robinet kamikaze, se marie bien avec la technique artisanale de la réalisation. Filmés en 35 mm image par image, les personnages ont des contours incertains et gigotent constamment : une instabilité qui contribue à perturber la vision du spectateur. Le rythme décousu et saccadé est plutôt propre à ce genre de film d'animation fait à la main, mais chez Christine Rebet, ce langage visuel a une fonction formelle par rapport à l'histoire. Projeté en grand format, l'ensemble devient un grotesque, c'est-à-dire une irréalité qui, pendant quelques minutes, nous envahit.

Pour une fois, notre regard est tourné vers l'œuvre et non pas vers le contexte. Mieux : au lieu d'une prétendue recherche, Rebet nous fait un rêve.

Kamel Mennour présentera un choix plus large de ce travail à la prochaine Foire de Bâle.
Adriaan Himmelreich
Paris, avril 2005
 
Christine Rebet
 
christine rebet, "Bullet sisters", © christine rebet. courtesy galerie kamel mennour

Un bel ouvrage intitulé "Game Over", sur les dessins de Christine Rebet, a été édité en 2003, par la maison d'édition belge A Huge Book.

Galerie Kamel Mennour, 60, rue Mazarine, 75006 Paris,
www.galeriemennour.com, du 1er au 23 avril 2005

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