Balthus … centenaire
et plus… pour la peinture
Balthus
Balthus
Balthus
Balthus
Balthus
Balthus
Balthus
Balthus
Balthus
 

Balthus

Jeune fille à sa toilette. Huile sur toile.
Collection privée. © 2008, ProLitteris, Zûrich

 
 
 
 
 
Il faut venir à Martigny cet été pour un centenaire. Non pas en pèlerinage, mais en cure de jouvence.

Tous les amateurs de peinture et tous les curieux des choses de la vie. On y célèbre Balthus, qui aurait eu cent ans cette année. Peintre Français pour les Français, peintre Suisse pour les Suisses. A Martigny, c'est celui-là qui est célébré. Unique exposition pour son centenaire ! Les deux commissaires, Jean Clair, de l'Académie Française, et Dominique Radrizzani, directeur du musée Jenisch de Vevey, ont tenu à rendre hommage à l'artiste qui fût celui d'une affirmation centrale : la peinture est plus forte que tous les courants d'art du XXème siècle. Lorsque celle-ci puise sa source dans la grande tradition et qu'elle se double d'une lecture symbolique aux accents universels, rien ne peut lui résister.
Dans cet esprit, la peinture ne peut être que figurative. Elle ne peut être que longuement réfléchie, étudiée, composée.

Balthus se nourrit de Piero della Francesca, de Masaccio. De Poussin. De David et de Courbet. De Bonnard, enfin, grand ami de la famille, qui lui organise sa première exposition… Mais aussi de littérature. De contes, d'histoire, de psychanalyse. Sa famille, ses amis, les amis de sa famille comptent pour beaucoup dans la formation de son identité.
Ses premiers dessins à 11 ans, le rôle déterminant, providentiel, de Rilke, amant de sa mère, l'histoire est connue. Que serait-il devenu sans ? Question inutile. Il a la capacité, le talent. Il aurait pris sa place un jour. Excellent dessinateur, il a l'intelligence du style, de l'écriture plastique.

Dans le Paris de sa jeunesse, de son atelier, il peint la Cour de Rohan à vingt ans d'intervalle : La Rue, 1933, Le passage du Commerce Saint André, 1952-54. Composition savante, certes. Mise en scène. Citations, références, lectures à clé. A clé d'or… Lié à Antonin Artaud, pour se faire connaître - il le reconnaîtra plus tard - il joue de la provocation et peint La Leçon de guitare. Et le scandale réussit ! Il assume. Et se justifie en dénonçant toutes les hypocrisies. Les jeunes filles en fleur, nymphettes aux poses improbables… La veine durera dans toute son œuvre. Avec raison, Jean Clair dénonce l'obsession des commentateurs - et des médias - à propos de ce registre. Balthus, le "roi des chats" comme il se plaisait à se nommer, et à se peindre lui-même, joue des multiples facettes humaines et en fait son sujet – roi.

Dans le Morvan, à Chassy, la nature – et le rustique château, qu'il s'offre en 1953 grâce à un groupe de collectionneurs et de marchands - procurent des sujets moins lourdement chargés de sens. Le peintre n'est jamais loin de la scène, cependant, quand il n'est pas dedans. Le travail de la surface picturale, avec ses variantes et ses petits secrets…, prend alors toute sa plénitude.
Nommé directeur de la Villa Médicis par André Malraux en 1961, Balthus s'y installe comme dans un écrin ; ce n'est pas un sujet. Lors d'une précédente visite à Rossinière, Balthus nous expliqua qu'il en fît l'objet de recherches décoratives : il entreprit une importante restauration de la Villa et de ses jardins. Son but était de lui rendre son aspect originaire de maison de campagne, déchargée de ses lourdeurs et autres cuirs de Cordoue.

BalthusBalthus

 
Le Grand Chalet de Rossinière, le plus beau de Suisse, est son ultime résidence, à partir de 1977. Setsuko, Comtesse de Rola, a laissé l'atelier en l'état, mis à part les tableaux qui s'y trouvaient. Seul le dernier portrait de Setsuko en kimono est resté sur le chevalet. Un atelier aménagé dans un bâtiment agricole, de l'autre côté de la petite route, face au fameux chalet. C'est là, à la lumière d'une simple verrière à mi-hauteur, orientée au nord, dans un espace somme toute assez peu lumineux, que furent peintes les toiles de ses 24 dernières années.

BalthusBalthus

 
La Fondation Gianadda offre un cadre unique pour un tel accrochage. Dans ses coursives rampantes, une suite de dessins et de ses trop rares aquarelles sur papier peau d'éléphant – un palimpseste en soi - fait admirer toute la maestria du dessinateur. Des dessins au trait et à la gomme, la "griffe et le coussinet", selon l'image féline de Dominique Radrizzani, qui insiste sur le fait que Balthus est un des premiers, après Matisse et Giacometti, surtout après cet ami de son père, qui aura une forte influence sur son travail, le peintre vaudois René Auberjonois, à faire un emploi créatif de cet outi de latex, de diffusion encore récente.

A Martigny, d'un coup d'œil synoptique, le visiteur peut embrasser une belle série de tableaux et suivre l'évolution du travail du peintre sur plusieurs dizaines d'années. De plus, grâce à la verrière zénithale, c'est à la lumière du jour que l'on peut regarder Le passage du Commerce Saint André. Comme tous les peintres authentiques, Balthus insistait sur l'importance de regarder la peinture à la lumière naturelle…

Et si le détour valaisan n'est pas possible cet été, il faut lire le très beau catalogue publié pour l'occasion. Les textes de Jean Clair et de Dominique Radrizzani apportent un éclairage nouveau sur une œuvre riche et complexe. Une œuvre qui survivra à travers les siècles et les centenaires.
 
Olivier de Champris,
Martigny et Rossinière, juin 2008
 
 
Balthus – 100e anniversaire, du 16 juin au 23 novembre 2008. Fondation Pierre Gianadda, Rue du Forum 59, 1920 Martigny (Suisse) www.gianadda.ch
Ouvert tous les jours de 9h à 19h
Catalogue Balthus
Auteurs: Jean Clair, Robert Kopp, Raymond Mason, Dominique Radrizzani, Jean Starobinski, Camille Viéville, Frédéric Wandelère. 272 pages, français. Prix: broché CHF 45.–, € 31,50, relié CHF 58.–, € 40

accueil     art vivant     édito     écrits     questions     archives     Imprimer     haut de page