Comprendre la Peinture,
"Francis Bacon et la tradition de l'art" à la Fondation Beyeler - Riehen/Bâle, Suisse

Francis Bacon

Francis Bacon, Figure with Meat, 1954, huile sur toile, Art Institute of Chicago
© 2004 The Estate of Francis Bacon, ProLitteris, Zurich

Chaim Soutine

Chaim Soutine, Bœuf écorché, 1925, huile sur toile,
© The Minneapolis Institute of Arts, Minneapolis, © 2004 ProLitteris, Zurich

Francis Bacon









violence







Scénographie de

Barbara Steffen


Comprendre et faire aimer la peinture, telle est la difficile mission que s'est assignée la Fondation Beyeler. Elle a notamment organisé des expositions aussi prestigieuses que "Cézanne et l'art moderne", "Claude Monet", "le Blanc en peinture", "Mondrian et Malevitsch", et aussi l'étonnante "l'impressionisme numérique"…

A présent on peut y voir Francis Bacon face à la tradition picturale et constater combien cet artiste s'est nourri de la période classique, accumulant dans son atelier londonien des reproductions de Velasquez, du Titien, de Gericault, de Giacometti… L'exposition démontre ces emprunts, pas à pas. Des toiles mondialement connues de Velasquez, telles que les portraits du pape Innocent X et le roi Philippe IV d'Espagne, côtoient ses autoportraits. Des crucifixions de Bacon (1944) voisinent avec Guernica de Picasso (1937), mais aussi des crucifixions des 15ème et 16ème siècles. Des études du corps humain selon Johann Heinrich Fussli (1788) rencontrent "Body" peint en 1970… On lit comment Bacon a ausculté ces reproductions de toiles célèbres pour s'en imbiber jusqu'à en extraire leur force, leur substantielle moelle, jusqu'à les déchirer, donc les détruire, ces photographies de toiles étant pour lui des images mortes.

Or Bacon veut, lui, donner à voir la vie, avec sa violence, cette violence qui l'agresse et qui lui "fait peur" (entretien à la télévision Suisse romande en 1964). Il va tenter d'exorciser cette peur en la magnifiant par une peinture qui prend en charge le mal être de sa propre vie. Une peinture de l'exaltation, de la déformation. "Je suis presque alcoolique" avoue-t-il et "mon travail est le reflet de ma vie". Mais il serait trop rapide de ne voir dans ces tableaux brouillés que les hallucinations d'un alcoolique qui feraient de Bacon un adepte de l'Art Brut. Non, quand il peint, c'est pour lui même, pour se pencher en toute lucidité sur sa vie, cette vie intime qui, selon Confucius, reste un mystère.

Francis Bacon

Francis Bacon, Study after Velázquez's Portrait of Pope Innocent X,
1953, huile sur toile, Des Moines Art Center, Iowa,
© 2004 The Estate of Francis Bacon, ProLitteris, Zurich

Ce que veut Bacon, c'est parvenir à dépasser sa première impression pour atteindre une réalité objective du sujet. Or c'est en étudiant ses grands prédécesseurs, jusqu'à parfois en imiter le geste, qu'il aurait découvert combien l'artiste a usé de l'artefact : "plus ils travaillaient dans l'imaginaire et usaient d'artifice, meilleurs ils étaient". Selon lui, van Gogh s'est détruit par l'alcool pour exceller dans son travail : "ainsi, il pouvait encore mieux capter la lumière … et peindre de magnifiques horreurs".

A la fondation Beyeler le visiteur est conduit d'un thème à l'autre : le portrait, la chair, le cri, la cage, miroir et reflet, l'ombre…

La scénographie de l'exposition -la couleur lilas des murs, les spots éclairant confidentiellement les toiles, plongeant les salles dans une demi pénombre- donne au visiteur l'impression d'entrer dans l'intimité du peintre. On y éprouve ce sentiment d'étrangeté que procure encore aujourd'hui ces cabinets de curiosité où se dévoilent et s'affrontent les couleurs et formes d'une violence sublimée.

Liliane Touraine et Bernard J. Blum
Bâle, février 2004

Francis Bacon

Francis Bacon, Study for Portrait of Van Gogh V, 1957, huile et sable sur toile,
Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington D.C., photo: Lee Stalsworth
© 2004 The Estate of Francis Bacon, ProLitteris, Zurich

Francis Bacon

Jean-Auguste-Dominique Ingres, Œdipe et le sphinx, vers 1826-1827, huile sur toile,
© The National Gallery, London

Fondation Beyeler, Baselstrasse 101, 4125 Riehen, Bâle
tél. : +41.61.645 9700,  
www.beyeler.com
du 8 février au 20 juin 2004 - ouvert tous les jours de 10h à 18h, le mercredi jusqu'à 20h
Catalogue : 380 pages, Illustrations noires et 210 couleurs, 24,5 x 27
Edition Skira 2003, Prix CHF 58.00 - ISBN 3-905632-28-4
The Minneapolis Institute of Arts, Minneapolis, www.artsmia.org

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