Sophie Podolski au Wiels Brussels
Le pays où tout est permis
Sophie Podolski
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Il est inattendu que l'on reparle de Sophie Podolski (1953-1974), météore littéraire et dessinatrice qui avait publié en 1972 un livre étonnant de force et écrit tout à la main, Le Pays où tout est permis ! Le début du livre commençait ainsi : "Les cheveux du soleil sont nos mains aussi. L'écriture pompiérise tout signe alarme continue. Lettre à tous les mondes. Vous êtes tous des cons - ou bien vous êtes pas défoncés ou vous flipez comme des cons - parce que c'est ici une planète de cons qu'on comprendra jamais et on y comprend rien à rien." Il devait reparaître ensuite dans une version dactylographiée aux éditions Belfond. Elle s'est suicidée à l'âge de 21 ans. Et son livre connut un destin insolite et souterrain, comme on dit ! si ce n'est que Philippe Sollers en avait publié des extraits dans Tel Quel, en 1973, et quand le livre parut en France, il le présenta chez Bernard Pivot à la télévision française en révélant sa force dans un contexte où la littérature pataugeait dans le conformisme le plus total. Il écrivait à ce propos de Podolski : "J'ai la manie dans mes rêves d'ouvrir des fenêtres voilà pourquoi j'aime ce livre qui n'est pas un livre". Et en exergue du numéro de la revue en question, il notait : "Sophie Podolski est née en 1953. Cette date permet de mesurer la rapidité avec laquelle un certain bouleversement est en cours. Et en guise d'avertissement pour ceux qui croient qu'écrire ne vient pas d'abord d'une certaine façon de vivre." N'oublions pas que Sollers avait publié son fameux H : livre sans ponctuation dont Sophie avait pris connaissance par des extraits parus dans Tel Quel. La relation est certes de cause à effets !

C'est sous la houlette de la jeune curatrice Caroline Dumalin que l'on doit ce retour à la surface d'une jeune étoile filante de la littérature des années 1970 ! La conservation des documents est due en grande partie par Joëlle de La Casinière (qui appartenait comme Podolski au groupe du Montfaucon Research, communauté en Belgique) et de quelques amis qui ont collectionné ses dessins. Dans cette exposition, très bien conçue, on prend connaissance du fac-similé de son livre : Le pays où… et il y a environ 200 dessins à l'encre de Chine superbes, aux formes hallucinatoires si l'on peut dire, des lèvres dessinées sur des feuilles blanches, des machines avec des seringues, des pastels, des dessins aux crayons de couleur, des collages de toutes sortes liés à son livre, et 2 céramiques : des têtes superbes… Tout un monde qui nous plonge dans une ambiance intense. Sophie Podolski a fait l'expérience des états peu ordinaires de la réalité et surtout "l'expérience des limites" ! En pénétrant dans cette œuvre, nous avons l'impression d'être des archéologues d'un Temps hors du Temps ! Podolski usait de drogues diverses, elle était "psychotique", et s'intéressait notamment à l'antipsychiatrie, aux livres de Laing, aux œuvres d'Artaud et à la poésie en général.

Nous avions pu lire ce livre dès qu'il fut réédité, à sa mort. Et j'ai pu l'évoquer dans art press à cette époque et dans Libération. Ce qui est incroyable dans l'histoire de ce livre underground, c'est sa trajectoire à travers le temps : les écrivains et les artistes qui en parlèrent, puis un jour, Roberto Bolaño (1953-2003), le romancier chilien décédé il y a quelques années, le cite dans son Les Détectives sauvages… Improbable situation ! Comme il parla plus tard du groupe Tel Quel dans une nouvelle, sans jamais les rencontrer à Paris ou ailleurs en Europe ! Juste en regardant une photo de groupe.
Il faut absolument voir cette exposition et lire le livre de Sophie Podolski, si vous le trouvez. Cette exposition fera un tour à Paris vers la fin du mois d'avril, à la Villa Vassilieff (Bétonsalon), dates à préciser.
 
Patrick Amine
Paris, mars 2018
 
 
images : Coutesy Joëlle de La Casinière (1970-1972)

Sophie Podolski
Le pays où tout est permis
20.01 - 01.04.2018
WIELS, Avenue Van Volxem 354, 1190 Bruxelles
www.wiels.org

Notes :
La revue luna park avait publié en 1980 un inédit de Sophie Podolski, Snow Queen – Reine des neiges — (édition établie par le regretté Marc Dachy).


Archive de Philippe Sollers :

BIOLOGIE : La préface de Philippe Sollers (1973)
"L'expression prendre son pied est récente principe de versification tourné à l'envers je voudrais souligner que l'événement sur la page n'arrive jamais isolé reste à fond dans son ombre un arbre ne doit pas cacher la forêt les paroles dit artaud sont un limon qu'on n'éclaire pas du côté de l'être mais du côté de son agonie et encore on ne reproche pas à un écrivain un mot obscène parce qu'obscène on le lui reproche s'il est gratuit je veux dire plat et sans gris-gris et encore je ne supporterai pas éternellement que la sexualité universelle me carapace et me draine de la tête aux pieds voilà c'est tout à fait clair maintenant aucun vagin cuit recousu aucune fesse entrecul ne pourra barrer nos naissances donc elle dit la vie est castrante la mort décastrante formules condensées le rythme pense tout seul souffrance et encore souffrance ne prenez pas votre air amateur du menu folie pour les autres ça part de l'intenable ça y reviendra quelqu'un qui a mal au-delà du mal qui jouit par-delà le joui est facilement aujourd'hui l'objet d'un encadrement nouveau style profs journaux éditeurs maquereaux politiques fils de zofs sourds muets amputés en tous genres c'est qu'on en a marre écrit-elle encore marre marre d'habiter sur quelque chose de pourri et non seulement archi-pourri mais en plus sphérique amusante cette prétention théorique de broder à côté d'la pratique la pensée pour eux ne ressemble pas au tonnerre finalement ils gardent leurs intonations d'autrefois on voit bien tout de suite ceux qui parmi eux vont renaître rendez-vous au prochain cycle bonsoir elle dit aussi je vois dans mon cerveau et pas ailleurs même si ailleurs il y a j 'en ai marre marre des cons des culs des bites des couilles marre marre pensez-y des culs des bites des couilles marre marre pensez-y quand vous f'rez vos petites cochonneries du jour dans la nuit le tout écrit-elle encore est de savoir comment un poème inachevé peut-il achever un poème inachevé pour justement être un poète cette glace ne se prend pas dans la main le vice d'écrire au service du vice libre vice au service de la liberté vous ne croyez pas vraiment que la vérité va se dire en clair tout de même ceux qui le prétendent sont employés par la reproduction sans raison l'espèce peut en devenir élastique après tout le cercueil est à peine plus grand qu'un étron j'ai la manie dans mes rêves d'ouvrir des fenêtres voilà pourquoi j'aime ce livre qui n'est pas un livre quelques débiles croyant en majorité qu'il y a des livres ou encore que leur tête existe mais la faux passe est passée repasse chaque phrase aiguisée courbe tranchée la méthode consiste à ne jamais être d'un seul coup lucide oui exactement comme si on avait plusieurs vies d'un cynisme absolu un système d'auto-régulation crache ton venin et autres conseils d'urgence parce que voyez-vous il est temps drôlement temps dans le temps de sauter à côté mais oui juste à côté de vous-mêmes je ne veux plus voir personne assis couché debout comme autrefois dans la loi nous n'avons jamais été des écrivains et pas non plus le contraire la musique dit beethoven est une révélation qui dépasse toute sagesse et toute philosophie de nouveau je vois la cour jaune"
Philippe Sollers


Document original du site de Philippe Sollers : Lettre de Sophie Podolski à Philippe Sollers

Bruxelles - Le 29 novembre 1972
phillip Solers,
Je vous jette des grands signes de loin en patin a roulettes. toute petite verte glissant sur le plafond en criant il flotte le monde etc… arrivée à côté de vous vous me racontez l'étrange aventure. nous décidons d'aller la trouver dans la crique ou elle se repose de la magnifiquence de ses derniers trajets. nous rions tous aspiré par la gluante fraîcheur du fumier orduriel. (haletera un long spasme qui nous donne le sommeil). une nourrice explique notre oubli en carré noir. l'éttouffement soudain s'empare de la gorge et nous maintient siddéré sur un thème de magie noire où il y a victoire. Je ne crois pas que demain il faudra acheter ou ne pas acheter du pain ou autre chose. heu... c'est équivoque ceux qui parle du savoir savent connaître le savoir comme une methode énergique motrice. Je suis un merle parleur. je suis une flaque d'huile. Je suis un enfant assis par terre qui attend une recompense. tu as vu des cerveaux les uns dans les autres. c'est vrai qu'ils crient ? l'escadron déboutonné des chats sur l'échelle se rendent chez moi. nous irons à la chorale des chameaux bouddhistes qui se rendent sur le bateau des naufragés de la névrose des blancs dégénérés. (nous ne sommes jamais que les assistants du vide). Je veux voir que nous sommes aucun mais au moins nous sommes deux chacun dans la ligne qui nous rejoint en nous internant deux dans chacun aussi Bien qu'autant deux dans aucun.
Amicalement
Sophie

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