n + n Corsino
Création de 7 mesures par seconde
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Rappellons que Nicole Corsino et Norbert Corsino sont des artistes chorégraphes et chercheurs (voir nos articles précédents et entretiens divers sur le site du magazine). Depuis plusieurs années, leurs recherches artistiques sont orientées vers les nouveaux développements des images numériques, de la 3D, de la réalité augmentée. Ils mixent habilement dans leurs scénarii la cinétique des corps dans les paysages et de l'architecture des villes : ce sont des récits poétiques mouvants et originaux. Leurs créations se présentent sous la forme de navigations chorégraphiques interactives : installations diversifiées, films, smartphones, tablettes numériques, écrans divers où le spectateur peut participer.

Cette nouvelle exposition, surprenante par sa dimension à tous les niveaux, présente un superbe film interactif : Event By Eleven, sur un écran de 12 m sur 4 m, où le spectateur peut intervenir sur la fiction tout en se déplaçant sur 3 sols interactifs ! Ce film de 22 minutes déploie un remarquable scénario avec de la musique (Jacques Diennet) et de l'écriture sur les images. Les artistes préconisent de faire le voyage tout au moins 3 fois pour ressentir totalement cette création aux différentes phases.

Nicole et Norbert Corsino avaient évoqué leurs conceptions de leurs précédentes créations telles que Bangalore Fictions (réalisé en Inde et en France), ainsi que leurs diverses installions telles que Signs, Winds, Clouds, présentes dans cet ensemble. "La création artistique vient se nicher dans de nouveaux espaces de représentation grâce à la numérisation des données et à l'appropriation scénique d'objets tels que smartphones, tablettes, réseaux (abusivement traités de sociaux) pratiqués par un public global."
Ces créations interactives nommées 7 mesures par seconde (constitue un cycle inédit à la croisée des arts vivants, plastiques et numériques) font référence au rythme qui fournit l'intensité suffisante à notre attention pour offrir une représentation continue.

18 battements par seconde sur la peau, c'est le nombre à partir duquel on ressent une pression constante. 24 images par seconde, c'est le cinéma. Image et mouvement sont la clé de voûte des créations de n + n Corsino. "Affiner les aptitudes de nos sens, étendre le champ de nos perceptions en explorant les possibilités de la réalité virtuelle et augmentée et de l'intelligence artificielle, tel est l'enjeu de ces œuvres ciné-chorégraphiques." Ces deux nouvelles créations, Event by Eleven et DragonFly viennent s'ajouter à la dizaine de pièces, dont certaines visibles pour la première fois en France.

Il s'agit, pour ces artistes, d'intégrer des technologies dans la vie quotidienne. "Il y a une transition des états de l'art, comme on dit transition écologique, apportée par les processus numériques : extension du domaine de la représentation, variation de l'échelle humaine et actualisation constante.", disent-ils. Elle capte l'attention et permet à chacun d'amorcer ses propres scénarios : c'est un regard actif… "Mes neurones jouent : c'est leur récréation." n + n Corsino DragonFly est un voyage dans le voyage, c'est une navigation immersive en réalité virtuelle (avec port d'un casque). Cette première pièce en immersion "pulvérise les limites de notre définition physiologique, notre 3D humaine, et s'y rassemblent et se répondent la somme des topos (l'alphabet des deux artistes). Cet espace multidirectionnel est composé de sept mondes qui offrent une balade intersidérale. DragonFly est une composition sophistiquée que le scénographe 3D, Patrick Zanoli, a scénarisé, ce dernier travaille avec n + n Corsino depuis de nombreuses années. Il est l'artisan de cette maîtrise technologique. Mais c'est aussi une composante intrinsèque d'une poétique de l'imaginaire que les Corsino ont créé à chaque étape d'une nouvelle création où les limites sont repoussées. On pourrait comparer leur travail – avec quelques différences de processus et d'intention, bien sûr – à l'élaboration d'un film tel qu'Avatar, aujourd'hui, par James Cameron. DragonFly nous plonge dans une forêt de libellules irrésistibles : avions de papiers, hélicoptères colorisés, papillons, essaim de mouettes… Danseuse et danseur se mêlent à cette faune et flore volatiles et malicieuses, ils apparaissent et s'évaporent, tandis que nous reculons jusqu'aux limites de leur miniaturisation. On peut soi-même, à l'aide de manettes, voyager dans tous les sens, en franchissant des portes, des lieux… On ressent un "renversement cognitif et sensitif". Ensuite nous pénétrons dans la salle d'un musée numérique imaginaire où se déploient d'immenses figures aux couleurs acidulées, héritières de Matisse et voici qu'un livre géant s'ouvre, les pages s'animent : un nouveau jardin des délices ? Le livre disparait. Dans DragonFly, tout évolue et se contamine par des images. Tout se transforme. Le voyage s'achève dans une nuit de coquelicots mauves, une forêt d'herbes flottantes… La partition sonore de DragonFly est composée par Jacques Diennet. Tout fait corps avec cette navigation. Le spectateur réalise une expérience des sens très singulière et très dense !

La suite des œuvres présentées : Triptyque [Z]. Les corps se muent en signes calligraphiques. Passage du réel au virtuel, du jour et de la nuit. Ici, c'est le paysage qui vient vers nous. Il y a toujours un rapport entre l'environnement, l'architecture et les corps. Triptyque [Z] comme DragonFly sont "de nouvelles fables pour l'humain." Clouds & Leaves, sont des extensions du triptyque [Z], invite les spectateurs à circuler et jouer avec le binôme, dans l'espace réel du lieu où ils se trouvent, grâce à une application en réalité augmentée. Nous pouvons voir ou revoir aussi Bangalore Fictions, un roman graphique pour smartphones et tablettes, où l'utilisateur agit sur les séquences et traverse le mouvement chorégraphique des danseurs en manipulant l'application en temps réel. Self Patterns, la création en réalité augmentée fut créée en 2019. "Self Patterns aujourd'hui est un autre modèle de processus. La technologie que nous employons doit nous aider à nous libérer des harnais en vigueur et relatifs au numérique. Nous essayons d'alléger les procédés de toutes sortes. Self Patterns, fait appel à la réalité augmentée, donc à un décor extérieur, à "un champ visuel" choisi par l'utilisateur, qui peut être sa maison, la ville et ses architectures : puis on navigue avec son smartphone à la main en suivant les mouvements et les formes qui surgissent dans les séquences (Note : des animaux, des oiseaux, une pluie de feuilles étranges qui volètent, des femmes dont les formes sont recouvertes de nuages, etc.) L'utilisateur créé lui-même ses motifs de déplacements et sa projection dans les deux espaces, l'un réel et l'autre, virtuel. Quand on se déplace dans l'espace de son choix pour se rapprocher des danseurs qui apparaissent dans les séquences, il y a un net plaisir de se retrouver dans ce cadre soi-même acteur en mouvement !" Aujourd'hui les Corsino ont réalisé une autre étape de ce travail sous le nom de "Miniature", incluse à présent dans le processus créatif de Self Patterns. Elle peut intégrer des lieux précis avec de grands formats de visualisation (écrans). Cette version peut s'appliquer pour un musée par exemple, un lieu d'art, avec des scénographies bien définies ou sur des supports divers, plastiques par exemple … Il y aurait la possibilité de faire des "récoltes" d'images avec en fond des œuvres particulières de musées (Rubens, Picasso, Rodin, etc.) avec des danseurs en mouvement, en situation. Nous avons toujours la possibilité de faire des films et des photos avec son appareil pour "immortaliser" cet instant de réalité augmentée avec les séquences préétablies dans ce corpus.

Flashback. P. A. : Et si nous prenons par exemple : Le déjeuner sur l'herbe de Manet ou bien Le Baptême du Christ de Rubens qui se trouve à Anvers (KMSKA, Musée des Beaux-Arts) ?
N+N Corsino : "Pourquoi pas ? On peut prendre aussi une peinture de Picasso ou de Pollock par exemple… Ces images deviennent des fenêtres, et cette fenêtre, par les divers développements que nous pouvons créer, le public s'en empare et capture ainsi une œuvre à travers son Smartphone. Il saisit cette "découpe", dans un espace virtuel pré-filmé au départ à 360°. Puis les danseurs s'animent. Et pendant la visite d'exposition, le public passe cette "porte" et se retrouve dans le musée Picasso ou dans le musée d'Orsay avec Manet. L'intérêt, c'est d'être dans l'espace d'exposition et de se transposer dans ce cadre… On leur fournit des Smartphones, on les équipe, on les initie à cette réalité augmentée dont ils sont aussi les acteurs. "Les changements de territoires déterminent d'autres visions du corps et, à l'inverse, appréhender le vivant et le concevoir avec d'autres perceptions, naviguer avec des rapports d'échelle infra ou ultra la norme unité, font que les catégories passées s'estompent." Dixit les Corsino.

Il faut absolument voir et s'immerger dans l'exposition plurielle et riche de ces artistes dont les créations poétiques n'ont pas d'équivalent dans la sphère des arts plastiques, de l'image, de la technologie et de la réflexion philosophique. Les nouvelles œuvres : Event By Eleven et DragonFly, nous offrent des expériences inédites visuelles et interactives.
 
Patrick Amine
Marseille, janvier 2011
 
 
n + n Corsino - Création de 7 mesures par seconde
Pôle Média Belle de Mai – Scène 44 : 37 rue Guibal 13003 Marseille
10 novembre 2022 > 22 janvier 2023
Friche la Belle de Mai 41 rue Jobin 13003 Marseille.
Avec 2 Nouvelles créations Event By Eleven, DragonFly & 6 autres pièces.
Dans le cadre des CHRONIQUES de la Biennale des Imaginaires numériques

Générique : conception et chorégraphie : Nicole Corsino, Norbert Corsino
scénographie 3d : Patrick Zanoli création clones : Anaël Seghezzi, Patrick Zanoli
création musicale : Jacques Diennet
voix : Annabelle Playe, Claudine Galea
textes : Claudine Galea,
traduction : Peter McCavana
développement GOLAEM : Nicolas Chaverou, Stéphane Donikian
développement IMMERSIA : Florian Nouviale, Ronan Gaugne
développement Unreal : Nicolas Hayat
développement AR/VR et développemen Androïd/iOS CINETic and Augmented Space Agency : Dan Facaeru, Sabin Serban
motion Capture Quantic Dream : Florence Fournier, Pierre Tauvel


www.lafriche.org
www.nncorsino.com
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