Intimité du peintre
Simon Mondzain

Mondzain

 
"L'intime n'est pas le privé" écrit Roland Barthes, dont l'œuvre théorique traversée par sa biographie a su maintenir l'écart nécessaire entre vérité et fiction de la vérité. Voir à ce propos les pages concernant sa mère dans la Chambre claire, mais plus encore ses Fragments d'un discours amoureux.

Que raconter alors de familial et personnel sur Mondzain, quand on a déjà regardé ses toiles avec l'œil plus avisé de celui qui peut en répondre autrement, c'est-à-dire par un travail de critique ? Si la théorie et l'analyse dans le champ esthétique, ne peuvent advenir que parce qu'on suppose qu'elles partent aussi de la description sensible d'une expérience vécue avec l'œuvre d'art, a contrario l'idée de succomber au document, et à l'anecdotique recomposition du réel, pour en faire un hommage vraisemblable, me semble un écueil, pour qui voudrait vouloir faire coïncider l'art avec la vie de l'artiste.

En vérité, on n'attend pas habituellement des enfants et des petits-enfants des peintres, qu'ils parlent de leurs parents ou grand-parents, pour interpréter leur travail d'artiste - de peintre en l'occurrence - mais plutôt qu'ils en témoignent.

En cela, ce témoignage, sera donc pour moi, qui suis une des petites-filles de Mondzain l'expression d'un geste, de parole différée, donc forcément fragmentaire, voire au bord de la fiction.
Je l'ai connu trop peu de temps pour m'en faire une idée claire. Mais ce que je retiens de lui est une forme de plénitude diffuse, qui imprégnait à la fois ses tableaux, et sa personnalité.
Il a longtemps habité mes murs et plus particulièrement une chambre, où j'ai dormi enfant, avec un tableau représentant un arlequin jouant de la flûte, ce tableau habite toujours une chambre d'enfant en 2012, non plus en France mais en Belgique.

Cette toile que je voyais s'animer dans la pénombre quand le soir tombait, comme une nouvelle version de la légende du joueur de flûte de Hamelin, me faisait l'effet d'une présence humaine auprès de moi, plus que celui d'un véritable tableau. Alors, on redevient enfant, et on se souvient. Et de quoi se souvient-on ? Le jour de son enterrement, il n'y avait rien de plus qu'un ciel couvert, un rabbin psalmodiant en langue rare, sans que je sache sous quel Dieu, des enfants que l'on tenait par la main pour éviter qu'ils ne bougent.
Il reste avant , toutefois, d'autres souvenirs : des mots dits avec un accent, une stature lente qui s'assoit dans une fauteuil à bascule, et n'entend plus distinctement.

Un vieil homme qui peint, et qui sommeille, qui apporte des petits fours en forme de souris en pâte d'amande rose claire, le dimanche après-midi. Et puis c'est un arlequin encore, s'efforçant de tenir en équilibre entre ciel et terre sur les marches d'un grand escalier en colimaçon, que je le vois peindre et tenter d'achever dans son immense atelier de la rue Campagne Première. Il est assis face à un chevalet, l'espace et la lumière l'entoure. On vient lui rendre visite, il porte un costume de peintre et de grand–père en même temps , c'est-à-dire un veston de velours avec une montre à gousset qui dépasse de sa poche. Le temps lui appartient, il est là, et maintenant c'est encore lui.
 
Raya Baudinet-Lindberg
Bruxelles, septembre 2012
 
 
Exposition Mondzain
Villa la Fleur, Konstancin-Jeziorna
du 21 septembre au 31 décembre 2012
www.villalafleur.com
Musée de la Terre à Chelm Chelm
du 14 Janvier au 30 avril 2013
Pologne

www.mondzain.com

Raya Baudinet-Lindberg, petite fille du peintre Mondzain. Critique d’art (AICA), enseignante en Philosophie, Conférencière au Musée Juif de Belgique www.new.mjb-jmb.com et à L’ISELP www.iselp.be. Dramaturge.

autre texte : Simon Mondzain, une identité étoilée

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