Marcos Avila Forero
Digne-les-Bains
Marcos Avila Forero
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Marcos Avila Forero

Marcos Avila Forero

 
 
 
 
Le CAIRN Centre d'art a présenté jusqu'au 30 novembre 2015 l'exposition "Paisajes Subversivos" (Paysages Subversifs) de l'artiste colombien Marcos Avila Forero.

Au delà de son pays d'origine, c'est également en Corée du Sud, au Maroc et en France où il vit depuis quinze ans que l'artiste a entrepris ses projets et recherches. Son implication dans les luttes sociales et dans d'autres problématiques géopolitiques tels que les mouvements de populations et les déplacements culturels qui en découlent conditionne l'ensemble de son travail. Ainsi, ses œuvres se retrouvent parfois être le prisme de combats politiques menés par des groupes à travers le monde. Ici, dans l'espace du CAIRN, six œuvres sont présentées. Trois d'entres elles évoquent la Colombie : À San Vicente, un entraînement (2010), À Tarapoto, un manati (2011) etEstenopeicas rurales (2015). Les trois autres : Cayuco (2010), Colina 266 (2015), et Estenopéicas rurales – Le Poil(2015) ont été respectivement produites à la frontière entre le Maroc et l'Algérie ; à la frontière des deux Corées ; et enfin en France, près de Digne, sur le site de l'ancien village du Poil, à proximité de Majastres.

À seulement 32 ans, Marcos Avila Forero passionne par l'inventivité et la profondeur éminemment altruiste de ses travaux. Prolifique, cet artiste de terrain est habité par des idéaux qui sont également ceux d'hommes et de femmes qui se battent pour maintenir leur culture intacte, luttant parfois contre un "génocide culturel", que ce soit en Amazonie ou ailleurs. L'enjeu de son travail qu'il qualifie de "contextuel" se porte en conséquence sur des thèmes foncièrement actuels tels que les flux migratoires de populations, souvent clandestins et dus à des conflits armés. Il nous interpelle et nous pousse à penser la notion de frontière, physique ou culturelle. En immersion, il nous interroge ainsi sur l'histoire des conflits entre certains pays séparés d'une ligne imaginaire qui marque la barrière entre différentes cultures qui se côtoient, ou alors d'une ligne bien réelle : la Frontière avec un grand F, avec tout ce qu'elle implique d'ostracisme et de contraintes.

La vie de Marcos Avila Forero, ainsi parcourue d'une œuvre multiple et féconde, nous révèle de façon consciente qu'avoir un discours lointain et non informé sur des sujets géopolitiques et anthropologiques de cette nature, s'avère hasardeux. Et qu'il est de mauvais augure de n'en avoir qu'une vision double. Il n'y a en effet aucune conception manichéenne dans la résultante de ses projets. Marcos Avila Forero pose plutôt les bases de la réflexion pour ensuite défendre une idée, ou une action, ayant plusieurs niveaux de discours, sujette au débat. Bien que ses projets soient prédestinés in fine à être montrés dans des lieux d'expositions d'art contemporain, ils sont d'abord pensés puis réalisés de façon plus artisanale avec les communautés in situ. La réussite du projet reflète souvent l'implication des populations. Il dit lui-même : "Je travaille à la manière d'un anthropologue, et mes œuvres, que je vois comme des prétextes aux rencontres, sont les conséquences de ce qui m'a animé sur place." Le transfert de cet univers vivace et de ces situations politiques si lointaines dans la sphère de l'art pourrait sembler incongru ou hors de propos. Pourtant, c'est précisément en pointant du doigt ces problématiques, que Marcos Avila Forero les met en perspective avec des partenaires sur place, pour ensuite les ériger au rang d'œuvres. La preuve est ainsi établie : l'artiste se déclare d'un combat qui n'est plus indéfectiblement le sien, mais celui de populations distinctes qui tentent d'évoluer et de faire bouger les lignes dans une société à la fois globalisée et individualiste.

Qu'il s'agisse d'un sujet ou d'un autre, la teneur anthropologique des recherches de Marcos Avila Forero est claire. Les revendications sociales et politiques des protagonistes volontaires qui l'aident dans l'élaboration des projets transparaissent dans ses œuvres. Il ne cherche évidemment pas à imposer sa vision des choses, mais plutôt met en place un dispositif de monstration dans lequel les revendications objectives (dans la profondeur de son discours) et subjectives (dans les formes de ses pièces) des groupes de populations avec qui il collabore sont rendus visibles. Car au-delà de son engagement tout au long du processus, la finalité – définie par ce qu'il appelle des "conséquences collatérales" – reste un corpus d'œuvres qui marque par son propos militant, voire subversif.
 
Pascal Vrignaud
Paris, novembre 2015
 
 
Marcos Avila Forero "Paisajes Subversivos"
CAIRN Centre d'art, 10 montée Bernard Dellacasagrande, 04005 Digne-les-Bains
musee-gassendi.org/le-cairn/

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