Man Ray, Palazzo Reale, MilanForme di Luce - Formes de lumière
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	 "J'essaie tout simplement d’être le plus libre possible. Dans ma façon de travailler ; dans le choix de mon sujet. Personne ne peut me dicter ses ordres ou me servir de guide. On peut me critiquer par la suite mais c’est trop tard. L’œuvre est accomplie. J’ai goûté à la liberté." Man Ray, Autoportrait, Robert Laffont, Paris 1964 
	
L'exposition Man Ray, Forme di Luce/ Formes de lumière, à Milan (une première) reprend d'une certaine manière le même parcours que celui réalisé au Palais Lumière à Evian (en 2023). Robert Rocca, le principal commissaire, nous explique pourquoi cette œuvre recouvre de nombreuses innovations. "Elle se traduit ici notamment à travers huit thématiques : autoportraits, portraits, les muses, le cinéma, les objets, la rayographie, la mode, les multiples, les nus. Comme il fallait tout synthétiser, la seule possibilité c'était d'envisager l'exposition sous la forme d'une rétrospective. Nous avions des œuvres rares telles que : L'énigme d'Isidore Ducasse (Lautréamont, l'auteur des Chants de Maldoror), dont il existait que neuf exemplaires ; et nous avions pu trouver trois exemplaires connus, emblématiques de son œuvre. C'est sa manière dadaïste. Comme vous savez, ce sont deux objets qui n'ont rien à voir ensemble. Totalement Dada ! Un collectionneur de Turin nous l'a prêtée. Il y a aussi L'objet non euclidien. L'ensemble de cette exposition regroupe, avec des vintages essentiels, plus de 250 œuvres de Man Ray. L'idée première consistait – de par le titre : Forme Di Luce – à initier une exposition purement visuelle, où le spectateur n'avait pas besoin de lire des textes, voir les nombreuses revues et magazines où les œuvres de Man Ray étaient reproduites, par de nombreuses photos et les divers textes historiques. Dans le catalogue, nous avons cité les sources."
 
	Cette exposition a vu le jour par la proposition des éditions Silvana Editoriale au Palazzo Reale de Milan, en la personne de Laurianne Barban qui avait pris connaissance de l'exposition à Evian, et bien sûr en accord avec Robert Rocca, et l'estate de Man Ray. "Nous avons proposé au Palazzo Reale auparavant une exposition de Brassaï ; il était intéressant pour nous de montrer une exposition monographique de Man Ray, tout à fait inédite à ce jour. Nous intervenons aussi dans des projets d'expositions, tout en éditant des livres d'art, des monographiques d'artistes et notamment par notre présence dans la librairie. L'accueil de cette exposition a été très positive. Le public est au rendez-vous, à ce jour, on peut compter en moyenne 1000 personnes les WE, parfois un peu moins, mais le musée est ouvert le soir (du mardi au dimanche jusqu'à 19 h 30 et le jeudi jusqu'à 22 h). Nous allons sans doute vers un succès de fréquentation. Nous sommes très contents." Raffaella Perna, auteur-contributrice au catalogue, met en lumière quelques points sur le contexte historique de Man Ray en regard de à notre contemporanéité. "Dans le contexte des avant-gardes historiques, et en particulier du surréalisme, le rôle des femmes a longtemps été limité à celui de modèles, de muses ou de présences marginales, selon un récit historiographique façonné par des regards et des voix masculines. Au cours des dernières décennies, notamment à partir des années soixante-dix, les études féministes et les Women's Studies ont remis en question cette vision : d'une part, elles ont mis en lumière le parcours de femmes qui, à des titres divers, ont contribué à façonner l'imaginaire artistique et culturel du surréalisme ; d'autre part, elles ont examiné les dynamiques, souvent ambiguës, qui régissent les relations entre artistes hommes et femmes dans le milieu des avant-gardes. Bien qu'évoluant dans un contexte historique et culturel marqué par de fortes inégalités de genre, Man Ray s'est distingué par sa capacité à reconnaître, et souvent à promouvoir, la force créatrice et le talent des femmes avec lesquelles il a partagé des moments importants de son parcours. Dans ses portraits, en effet, la présence féminine ne se limite pas à un simple objet de représentation : elle participe activement au processus artistique. Observer le dense réseau de relations affectives et intellectuelles tissé par Man Ray durant ses années parisiennes permet de restituer la complexité de sa vision du féminin et de mettre en évidence le rôle dynamique joué par des femmes qui lui furent très proches, telles que Kiki de Montparnasse, Lee Miller ou Adrienne Fidelin. Ces dernières, au-delà de leur rôle de modèles, furent également des interlocutrices actives et, à leur tour, des créatrices de premier plan. En 1963, alors que Man Ray est depuis longtemps reconnu comme une figure fondatrice de l'avant-garde et un photographe de mode acclamé, paraît — avec une introduction de Leo Fritz Gruber — le livre de photographies Man Ray : "Portraits", une élégante collection de portraits d'artistes, d'écrivains, de musiciens et d'intellectuels réalisés au cours des vingt premières années qu'il passa à Paris, entre 1921 et 1940." 
	
L'œil de Man Ray
 
Un peu d'histoire biographique de l'artiste. Le photographe et peintre américain Emmanuel Radenski, dit Man Ray (Philadelphie 1890-1976, Paris 6°) fut l'un des premiers à utiliser la photographie, non pas comme un simple moyen de reproduction, mais comme un véritable médium de création à part entière, faisant de cette technique un art. Ce grand créateur d'œuvres polymorphes a été aux côtés de Marcel Duchamp dès ses débuts, à New York, de Paul Eluard avec lequel il illustra des livres de poèmes de ses photos et de Picasso, bien sûr ; ils passèrent ensemble des vacances à la Garoupe (Antibes-Juan-les-Pins, comme en témoignent de nombreuses photos. Comme Duchamp et Picabia, il a été un pionnier du mouvement Dada et du surréalisme, le mouvement le plus radical de l'art moderne – voir le photo-montage de son autoportrait – (composé de deux ouvertures tels des yeux, une empreinte d'une main en rouge, et de chaque côté un dessin représentant les formes d'un violon, en 1916 ; cette sérigraphie sur altuglas, un des premiers objets Dada. Man Ray fit à partir de cette photographie créée en 1963 une réplique de son assemblage, et en 1970 une sérigraphie sur plexiglass. Il avait découvert Cézanne, les masques africains et Brancusi dès 1911, à la galerie d'Alfred Stieglitz à New York, avant de voir les œuvres de Duchamp et de Picabia à l'Armory Show de 1913. Il rencontrera en 1915 Duchamp, puis Picabia. Notons que cette exposition rétrospective de Man Ray est exceptionnelle et riche : Forme Di Luce, au Palazzo Reale de Milan, dans une nouvelle scénographie. Elle nous permet de prendre vraiment connaissance des vintages (originaux) et de nombreuses séries de photos ainsi qu'un très grand nombre de documents : lettres ; livres de poèmes avec Eluard, quelques correspondances avec les artistes de son temps et ses amis ainsi que ses propres textes sur la photographie et l'art. Elle met aussi en avant le travail moins connu de l'artiste. Notamment avec ses peintures, ses dessins, ses assemblages, ses lithographies et ses objets. Parmi les objets, on retrouve Cadeau, la sculpture qui représente un fer à repasser en fonte dont la semelle est garnie de 14 clous. On retrouve ici des œuvres emblématiques, les portraits, les solarisations, les collages et les objets divers, les photos originales de petits formats, les vintages, les photos des œuvres de Duchamp, etc. "Man Ray ; n.m. syn. De Joie, Jouer, Jouir." Définition donnée par Duchamp. De nombreux portraits de femmes dessinent cette exposition : Lee Miller, Meret Oppenheim, Kiki de Montparnasse, Juliet Browner, Nusch, et Ady la dernière femme de Man Ray, photographiée en couleur, la marquise Casati, avec ses double-yeux… À l'heure de l'Observatoire, les amoureux (1932-1934) et Soleil de nuit (1943) / le dos de Kiki intitulé Violon d'Ingres, image iconique à présent, fut prise à la suite d'une dispute avec elle, demeurera comme les Joconde du XXe siècle. Hemingway, Stravinski, René Crevel, Kiki au masque africain. Robert Rocca, le commissaire principal de cette exposition souligne dès le début dans son texte Portrait de soi : "De nombreuses expositions lui sont consacrées dans le monde entier et certaines de ses photographies comme Le Violon d'Ingres (1924) ou Noire et blanche (1926) sont devenues des icônes au même titre que la Marylin de Warhol. Depuis de nombreuses années, les historiens, et tous ses biographes ne manquent pas de rappeler que Man Ray est, certes, un photographe reconnu pour avoir révolutionné l'art de la photographie, mais qu'il est également un peintre, un dessinateur, un assembleur d'objets, un sculpteur, un écrivain, un cinéaste ; que les différents aspects de son œuvre sont indissociables et qu'ils se nourrissent les uns les autres. Et pourtant, Man Ray reste mal-mé-connu du grand public. Il est vrai qu'il n'est pas aisé d'être un "inclassable" dans l'histoire de l'art. D'autres et non des moindres l'ont précédé." Avec son co-commissaire, Pierre-Yves Butzbach qui est en charge de la photothèque de Man Ray, cette combinaison du travail curatorial est des plus imaginatifs et des plus denses. Man Ray rencontre la poétesse belge Adon Lacroix qu'il épousera plus tard (il fit son portrait). Elle lui fait découvrir Rimbaud, Lautréamont et Apollinaire et prend ainsi la puissance poétique de la révolution de l'art moderne. Il avait passé sa jeunesse à Brooklyn, et fréquenté le "Ferrer Center", qui fonctionnait à New York selon les principes de l'éducateur anarchiste catalan Francisco Ferrer Guardia. Man Ray, qui avait commencé par la peinture, s'est mis immédiatement à la photographie puis plus tard à la caméra. Dans son superbe livre, Autoportrait, Man Ray raconte précisément ses choix esthétiques et sa pratique de la photographie. Il arrive à Paris en 1921, en ayant déjà réalisé de nombreuses œuvres déterminantes. Alain Jouffroy souligne quelques faits. "La Danseuse de corde s'accompagnant de ses ombres, de 1916, ont été préparés à l'aide de papiers découpés. Contrairement aux futuristes, Man Ray y évoque le mouvement avec la froideur d'un géomètre, et les aplats de couleur y devancent non seulement les papiers découpés de Matisse, mais l'abstraction géométrique. Transmutation, un collage réalisé la même année que la naissance de Dada à Zurich (1916), bafoue l'esthétique des papiers collés cubistes en utilisant comme fond la page entière d'un journal, sur laquelle sont peintes des lettres, des chiffres disposés au hasard autour du mot Theater." Il faut se souvenir aussi du fameux : Objet à détruire de 1923 (rebaptisé Objet indestructible en 1957), un métronome dont le balancier est paré de la photo d'un œil de femme, L'Énigme d'Isidore Ducasse, un empaquetage, en couverture et ficelle. Dans l'exposition, c'est surtout le mythique portrait imaginaire de D. A. F. Sade (1938) que Man Ray représente en figure monumentale de pierres, dessiné et peint, avec en fond la Bastille qui brûle, où l'on a retrouvé le manuscrit-rouleau des 120 Journées de Sodome… Les Films : L'Etoile de mer … Entr'act de René Clair et Francis Picabia (1924). Maëlstrom imaginaire, vertige de l'image produite… ETC. Sur Man Ray, Robert Desnos écrivait, dans ses essais sur les peintres que l'artiste avait reçu une révélation. "Quelle qu'ait été son initiation, Man Ray relève de la poésie et c'est à ce titre qu'aujourd'hui j'ai vécu sur son domaine ouvert comme l'éternité." (1923). Pour Desnos, Man Ray illustre un pays indiscutablement matériel au même titre que la lumière, la chaleur, l'électricité. Il est le peintre des syncopes. Ses photographies abstraites font participer le spectre solaire à ses manipulations-constructions "aventureuses". On dirait plutôt insolites ou singulières, aujourd'hui. Man Ray avait conquis Paris dès 1925-1926. Les surréalistes l'adoubaient pour son esprit extrêmement inventif ; il exposa à la galerie Surréaliste. Il fit usage de tous les nouveaux moyens d'expression : le cinéma, les transformations des objets trouvés et leur métamorphose, la peinture au pistolet, les objets mathématiques et tous les matériaux nouveaux. Ses photographies étaient d'une tonalité nouvelle et les plus expressives du XXe siècle. Il aurait fait plus de trois mille photographies…et mille peintures. Et bien d'autres créations avec ses amis artistes. "Son œuvre lourde de poésie et d'émotion, diminue, comme toutes les œuvres émouvantes et poétiques, les trésors inconnus dont nous soupçonnions l'existence, dont l'existence mal définie alimentait nos rêves." Desnos "En août 1937, le peintre et sa compagne d'alors convient trois couples d'amis à Mougins, parmi lesquels Paul Eluard et Man Ray. Un documentaire fut diffusé sur France 5 qui racontait les plaisirs et tensions qui ont traversé cette célèbre bande. Quatre couples, qui se retrouvent en août 1937 dans le Midi de la France, à la pension de famille Vaste Horizon de Mougins (Alpes-Maritimes), à l'invitation du peintre Pablo Picasso, alors en couple avec Dora Maar. Sont conviés le poète Paul Eluard et sa femme Nusch, le collectionneur britannique Roland Penrose avec sa future épouse, Lee Miller, et le photographe et cinéaste américain Man Ray, venu en compagnie d'Ady Fidelin, jeune danseuse guadeloupéenne." Patrick Amine 			
			
Milan, novembre 2025 NOTES Catalogue : Man Ray, Forme di Luce, 232 p. Ed. Silvana Editoriale. Sept. 2025. Palazzo Reale & Silvana Editoriale. Textes de : Robert Rocca, Pierre-Yves Butzbach et Raffaella Perna. "C'est parce que la foule est une masse inerte, incompréhensive et passive, qu'il faut la frapper de temps en temps, pour qu'on connaisse à ses grognements d'ours où elle est — et où elle en est. Elle est assez inoffensive malgré qu'elle soit le nombre, parce qu'elle combat l'intelligence. "Tristan Tzara. Dada & les dadaïsmes, par Marc Dachy, Folio Essais, Ed. Gallimard, n° 540.Desnos : "MAN RAY : Ciseaux de la loi, brisez-vous comme verre sur le cil des oiseaux." Le précédent catalogue édité : Man Ray, Maître des lumières, 232 p. Ed. Silvana Editoriale, Palais Lumière Evian, juin 2023. "C'est parce que la foule est une masse inerte, incompréhensive et passive, qu'il faut la frapper de temps en temps, pour qu'on connaisse à ses grognements d'ours où elle est — et où elle en est. Elle est assez inoffensive malgré qu'elle soit le nombre, parce qu'elle combat l'intelligence." Tristan Tzara. Durant l'été 1935 chez Lise Deharme, André Breton, Paul Eluard et leurs épouses tentent de tourner un film surréaliste, mais la petite caméra de Man Ray s'enraye. Il n'en reste que des images dont 7 sont parues dans Cahiers d'Art, n°5-6, 1935, p.107, sous le titre : "Essai de simulation du délire cinématographique, scénario d'André Breton et Paul Eluard, réalisation de Man Ray". (in catalogue MNAM 1981). Voir le livre de poésie qu'ont réalisé Paul Éluard, May Ray, Nusch et Guy Lévis Mano, Facile. Il sort le 24 octobre 1935 : douze photographies sont reproduites en héliogravure, plus celle de la couverture, dans un format de 18 x 24,5, avec un tirage limité à 1 225 exemplaires. Trois films majeurs : Emak Bakia (1926), L'Etoile de mer (1928) et Les Mystères du château du dé (1929).  |