Histoire de ne pas rire
Le surréalisme en Belgique, Bozar
Histoire de ne pas rire
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Histoire de ne pas rire

Giorgio de Chirico. Les plaisirs du poète. Histoire de ne pas rire

"Qu'est-ce que le surréalisme ? (…)
C'est l'œuf de coucou déposé dans le nid (la couvée perdue) avec la complicité de René Magritte. C'est réapprendre à lire dans l'alphabet d'étoiles d'E.L.T. Mesens. C'est la grande leçon de mystère de Paul Nougé"

André Breton

C'est sous le signe du poète belge Paul Nougé (1895-1975) et de son livre Histoire de ne pas rire (1956, publié par Marcel Mariën*), que le titre de cette exposition a été donné par Xavier Canonne (1). Voir notre entretien audio joint dans la page de cet article. Hommage implacable à l'initiateur du surréalisme belge. Voilà l'avertissement à cette exposition : En 1924, à Paris, lorsque le premier manifeste d'André Breton paraît avec les premières expositions, "l'aventure surréaliste démarre du côté belge avec les pamphlets audacieux du poète Paul Nougé, véritable fil rouge de cette exposition rétrospective exceptionnelle. Les surréalistes singuliers de Belgique vont au-delà de l'esthétique pure : ils et elles voulaient transformer le monde avec leur art subversif. Histoire de ne pas rire accorde une attention particulière à leurs contacts avec les surréalistes internationaux, au contexte politico-historique et aux femmes artistes." L'exposition est l'occasion de redécouvrir la richesse du mouvement avec ses artistes les plus connus et les moins connus, ou ceux que nous avons oublié.

L'histoire du surréalisme belge s'est écrite à partir d'une production de publications (textes et poèmes), de manifestes, de pamphlets, de contacts, d'interactions, de conflits et d'expositions dédiées, de revues devenues historiques, et de lieux de rencontres. Le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles est l'un de ces endroits. L'exposition de 1934 autour de la revue Minotaure – (pour laquelle Magritte fit une des couvertures restées célèbres) – est considérée comme la première manifestation internationale du surréalisme. La production française n'est pas en reste non plus. Nous verrons cela plus tard.

Dès l'entrée de l'exposition, nous avons assurément des œuvres emblématiques de Magritte, celles de Paul Joosten, Joseph Peeters, Ernst, De Chirico (italien), Frits Van den Berghe (1927), et sur les murs courent les phrases de Paul Nougé, extraites de ses livres, qui nous transportent dans une époque "révolue" où l'imagination et la poésie fulminante de ces textes nous illuminent, tout autant que l'ensemble des oeuvres du musée. Nougé ne se réclamera jamais être le chef de file des surréalistes belges, ou l'excommunicateur ; il est l'antithèse de Breton. Xavier Canonne précise la pérrenité du mouvement en Belgique : "Parler aujourd'hui du surréalisme n'est pas seulement faire œuvre d'historien. C'est se plonger dans l'une des aventures les plus originales de l'esprit ; c'est entendre, en un siècle qui connut deux guerres, la part d'insurrection d'une jeunesse qui se refusa au donné, et conduisit une action révolutionnaire hors des partis traditionnels, avec l'art pour arme de combat. C'est tenter enfin de retrouver en cette époque assez de raisons pour ne pas entièrement désespérer de la nôtre."

Un état d'esprit que l'on retrouve dans la création contemporaine, encore de nos jours. Le commissaire insiste sur le fait que cet état d'esprit s'est prolongé durant presque trois quarts de siècle par des expositions, des publications de toutes sortes ? Il est vrai que cet esprit reste un élément essentiel de la culture belge. Nous le retrouvons dans les nouvelles pratiques artistiques contemporaines. Et comme le disait Magritte : "Il faut encore scier un barreau de l'échelle.". Les œuvres de Max Servais, C'est un peu de rêve…, les photos-Écollages de Marcel Lefrancq (son fameux "Éloge du carnage"), Rachel Baes (elle dira : «"Je ne suis pas une peintre surréaliste, je suis une surréaliste qui peint"), Jane Graverol (Dans les années 1950, elle joue un rôle crucial dans la création de la revue Les Lèvres nues, dirigée par Marcel Mariën, son compagnon de l'époque, et entretient une relation étroite avec Paul Nougé.) Ces dernières années, l'œuvre de Graverol a connu un énorme succès, comme en témoigne, entre autres, l'intégration de son œuvre The Milk of Dreams à la Biennale de Venise en 2022, elles sont les deux principales figures féminines du mouvement ; laissez-vous emporter par Leo Dohmen, les Delvaux, bien sûr, Max Ernst, Raoul Ubac, Pol Bury, et les magnifiques Marcel Mariën, tranchants et pétillants d'humour. Marcel Mariën exposera son premier objet, L'introuvable (titre donné par Magritte), à Londres, pour l'exposition Surréalisme : ses lunettes, qu'il vient de casser, réduites à un seul verre et deux branches, qui est présenté dans cette exposition. (*) L'exposition est conçue comme une sorte de labyrinthe, ponctuée par des cimaises en bois tels des dazibaos, où les œuvres, peintures, collages, photos-montages, un ensemble frontal. Et très beau !

Flashback. "Alors qu'en novembre 1924 paraît à Paris le Manifeste du surréalisme d'André Breton, plaidoyer pour l'imaginaire, l'inconscient et l'écriture automatique, Paul Nougé, Marcel Lecomte et Camille Goemans entreprennent à Bruxelles la publication d'une série de vingt-deux tracts à l'enseigne de Correspondance. S'adressant à des écrivains renommés, en épousant parfois le style, ils sont comme des mises en garde contre toute tentation littéraire, toute recherche de notoriété. C'est avec cette action subtile et humoristique que débute l'activité d'un groupe surréaliste à Bruxelles". Mais le terme ne sera utilisé que plus tard. A Paris, Max Ernst entreprend alors la série des "tableaux- mots" dont la célèbre Trahison des images (1929), où il questionne le rapport entre l'objet, sa représentation et le langage. En 1929 paraissent deux revues où collaborent les surréalistes belges et français : le numéro spécial de Variétés, la revue du couturier, collectionneur et galeriste Paul-Gustave Van Hecke paraît en juin 1929, conçu par Breton et Aragon. Puis, en décembre, le dernier numéro de La Révolution surréaliste (où écrivait Robert Desnos abondamment, sa présence étant primordiale) montrant les surréalistes photographiés autour du tableau La Femme cachée de Magritte peint la même année. Après la guerre, Magritte, Magritte organise en décembre 1945 à la Galerie des Éditions La Boétie l'exposition Surréalisme rassemblant Belges et Français. Avec Mariën, il multiplie les tracts anonymes dont en 1946 : L'Imbécile, L'Emmerdeur et L'Enculeur.

Xavier Canonne insiste sur la figure de Marcel Mariën comme déclencheur et personnage très actif de cette époque, ayant notamment édité seul, "contre vents et marées, sans appuis ni subsides, mû par sa seule volonté, l'œuvre de Nougé, ce par deux fois, à dix années d'écart, sans s'être entretemps enrichi." Il fit paraître les Fragments dans Le Fait accompli, et les textes et documents épars dans les cahiers des Lèvres nues. Il fut le premier à publier les écrits de Magritte dont on ne considérait alors que la part picturale, avant le remarquable travail d'André Blavier (poète, critique littéraire et éditeur de la revue Temps mêlés, 1952, elle parut durant 25 ans. Il justifiait le titre ainsi : "Le mois est haïssable et la faim du moi difficile. Nous déclarons les temps mêlés."), ainsi que l'œuvre de Goemans.
Cette florissante exposition est remarquable en tous points par la réactualisation fondamentale de tout un mouvement qui surprend encore par son imaginaire radical.
 
Patrick Amine
Bruxelles, février 2024
Histoire de ne pas rire, Le surréalisme en Belgique
jusqu'au 16 juin 2024
Bozar, Palais des Beaux-Arts, Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles
Commissariat : Xavier Canonne
www.bozar.be

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René Magritte, Le Bain de cristal. 1946, gouache. Histoire de ne pas rire

Histoire de ne pas rire

Portrait de Xavier Canonne, commissaire Histoire de ne pas rire

 

Interwiew de Xavier Canonne commissaire Histoire de ne pas rire
 
Notes :

(1).Catalogue de l'exposition : Histoire de ne pas rire. Le surréalisme en Belgique, sous la direction de Xavier Canonne, Ed. Fonds Mercator-BOZAR Books. Notons également l'ouvrage que l'auteur avait publié : Le surréalisme en Belgique, 1924-2000. Ed. Actes Sud, 2007.

Note sur les revues belges :

"René Magritte et son frère Paul, E.L.T. Mesens, Camille Goemans et Marcel Lecomte constituent une première bande. Paul Nougé prend soin de les contrer, puis les rencontre et forme avec eux le projet d'une activité parallèle aux surréalistes français. Deux clans se recomposent, Magritte et Mesens d'un côté, Goemans, Lecomte et Nougé de l'autre. Œsophage (en 1925) publie Ernst et Arp, Tzara et Magritte, Mesens et Picabia ; dans Marie (1926-1927) signent Nougé, Man Ray, Marcel Lecomte ; Correspondance (1924-1925) invente le mail-art méthodique et pousse le pastiche jusqu'à l'admiration paradoxale : c'est un éventail de feuilles volantes colorées publiées en tracts que l'on adresse par voie postale, chaque tract étant désigné par sa couleur, signé, daté, mandaté. Les textes vont du manifeste enjoué au pastiche de Max Jacob, Larbaud, Paulhan, Proust, Valéry… ou Aragon, Breton, Morhange." Dès 1925, André Souris, Paul Hooreman rejoignent le groupe bruxellois. Viendront Scutenaire, Irène Hamoir, Paul Colinet, bien plus tard le jeune Marcel Mariën, Raoul Ubac, Christian Dotremont, à leur suite Jacques Wergifosse, Paul Bourgoignie, Tom Gutt. Les documents : revues, textes, photographies, sont sous vitrines.

Paul Nougé : Né de père français d'origine charentaise et de mère belge, Paul Nougé suit l'enseignement du lycée français de Bruxelles où son père est professeur puis s'engage en 1909 dans des études de chimie biologique à l'Institut Meurice (Anderlecht) et travaille de 1919 à 1953 comme biochimiste dans un laboratoire médical, rue Belliard, 194. Nougé figure parmi les fondateurs du Parti communiste belge en 1921. En novembre 1924 il crée la revue Correspondance qui publie 26 tracts jusqu'en septembre 1925, avec la collaboration de Camille Goemans et de Marcel Lecomte, exclu du mouvement en juillet 1925. Nougé rencontre la même année les surréalistes français, Breton, Aragon et Eluard, signe ainsi le tract La Révolution d'abord et toujours, et fait en 1926 la connaissance de Louis Scutenaire, le remarquable auteur de Mes inscriptions. Nougé et Goemans, René Magritte et E. L. T. Mesens se rapprochant, septembre 1926 marque l'ébauche de la constitution du groupe surréaliste de Bruxelles à travers la confection de tracts communs, auxquels André Souris s'associe. On peut voir ces nombreux documents dans cette exposition qui fait une part belle aux poètes, aux écrivains, créateurs de revues historiques.

Entre décembre 1929 et février 1930 Nougé réalise dix-neuf photographies qui seront publiées en 1968 sous le titre Subversion des images. En 1931 il préface l'exposition qui suit le retour de Magritte à Bruxelles. Des extraits des Images défendues sont publiés en 1933 dans le cinquième numéro du Surréalisme Au Service de la Révolution. En 1934 Nougé cosigne L'action immédiate dans Documents 34 dont Mesens est le rédacteur, en 1935 Le Couteau dans la plaie et publie en 1936, dans Les Beaux-Arts de Bruxelles, René Magritte ou la révélation objective. Il est alors avec E.-T. Mesens à l'origine de l'exclusion du groupe d'André Souris.

*Marcel Mariën (1920 à Anvers-1993, à Bruxelles) publie en 1956 l'œuvre théorique de Paul Nougé, sous le titre Histoire de ne pas rire. En 1957, Paul Nougé, ayant été licencié par son laboratoire, travaille sous statut d'ouvrier à l'imprimerie l'Asar. En 1966, Marcel Mariën publie l'œuvre poétique de Nougé sous le titre L'expérience continue. Marcel Mariën expose son premier objet, L'introuvable (titre donné par Magritte), à Londres, pour l'exposition Surréalisme, ses lunettes, qu'il vient de casser, réduites à un seul verre et deux branches. Reproduit en couverture de Xavier Canonne, Le Surréalisme en Belgique, 1924-2000, Actes Sud, Paris, 2007.

Note sur la revue les Lèvres nues :

"Une brouille survenue au début des années 1950 entre Magritte et Nougé voit le groupe surréaliste se fractionner, Magritte se détournant de toute préoccupation politique. En avril 1954, Marcel Mariën fonde avec Jane Graverol et Paul Nougé la revue Les Lèvres nues, nom qui sera également l'enseigne de ses éditions. Les Lèvres nues, qui continuera d'exister jusqu'en 1975, se caractérise autant par son exigence poétique que par sa virulence politique. De nouveaux collaborateurs, tels Leo Dohmen ou Gilbert Senecaut, y font leur apparition, Mariën entreprenant la publication des écrits complets de Nougé (intitulé "Histoire de ne pas rire"). Il passe en 1959 à la réalisation. Son film L'Imitation du cinéma, suscite à sa sortie en 1960 un fort scandale, menant à sa censure en Belgique et son interdiction en France. Avec Dohmen, Mariën confectionne en 1962 le tract Grande Baisse où il prête à Magritte la décision de brader ses oeuvres face à son succès. Ce canular entraîne la brouille définitive avec le peintre. Mariën voyage ensuite aux États-Unis, puis en Chine. La voie est donc libre pour l'éclosion d'une nouvelle génération, la troisième depuis 1924." à revoir…
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