Antoine de La Boulaye
Chevomobiles Lexus

Antoine de La Boulaye Chevomobiles Lexus

Antoine de La Boulaye Chevomobiles Lexus

 
 
Le cheval hante les œuvres de cette exposition comme les rêves hantent le sommeil. Pendant longtemps, cet animal a vécu avec l'homme. Que ce soit pour la guerre, les communications, le transport, les sports et les loisirs, il était au cœur de toutes les activités culturelles humaines. Si bien que les hommes en firent un être mythologique par excellence et les histoires fabuleuses à son propos sont innombrables. Représenté dans la peinture et dans tout ce qui a trait à cette antique idylle, le cheval est devenu une icône classique, voire passéiste pour certains.

Aujourd'hui, le cheval ne serait plus une figure prédominante de l'art comme il n'est plus un acteur de la modernité. Il a été remplacé par la voiture, le téléphone, le GPS, bref toute la panoplie de ce que l'homme maîtrise techniquement. Mais son nom a continué de hanter le vocabulaire du monde moderne comme dans l'expression "cheval-vapeur". Dans les années 1950, la deux-chevaux devenait une légende automobile. Et le cheval fiscal ne désigne plus que l'unité de calcul basée sur la cylindrée et la transmission. Comme quoi, avec le temps, tout peut changer de signification.

Pourtant, depuis les années 1960, depuis que des bouleversements gigantesques dans les domaines de l'agriculture, des transports, de la santé, de la démographie, de l'informatique, des conflits ont transformé notre condition humaine d'une manière vertigineuse, l'homme interroge son rapport avec la nature. Si certains artistes contemporains reviennent sur le thème de l'animal, rares sont ceux qui s'interrogent sur le cheval dont la charge symbolique est puissante. Mais on peut citer Joseph Beuys, Enzo Cucchi, Richard Prince, Anri Sala.

Dans les œuvres ici exposées, le peintre transfigure l'image du cheval. Depuis une dizaine d'années, dans son atelier, à l'écart du monde en accélération, La Boulaye a enfermé ce sujet dont il s'était trouvé aliéné durant la première période de sa vie de peintre. À l'époque, inspiré par Degas et Lautrec, reconnu comme virtuose dans l'art animalier, il s'était subitement senti emprisonné dans un costume de "peintre de cheval". Au début des années 1990, il décide de mettre fin à toute figuration dans sa peinture et consacre alors son oeuvre aux signes ainsi qu'à des formes épurées qu'il organise sur des surfaces claires, en équilibre avec le vide. Depuis 2000, il est revenu à l'image du cheval comme figure emblématique, une signature, un support à sa peinture.

L'antique animal de locomotion extérieur est donc devenu pour le peintre un mode de transport intérieur. La couverture de ce catalogue annonce comme un voyage : un cheval et sa silhouette semblent sur le point d'être absorbés par l'immensité de la couleur. Dans l'image suivante, on peut voir trois formes emballées. Comme des mots-valises, ce sont les morceaux non-signifiants de plusieurs formes. Les pièces d'un rébus qui ne fonctionne que dans la langue de l'artiste. Dans le tableau d'après, les formes s'évanouissent : des cadres circonscrivent la surface des couleurs et des ombres. Puis, dans les dessins et les études, tête de cheval, homme, jambes, s'entremêlent jusqu'à l'anamorphose. Ici, le peintre s'exerce avec acharnement, à la recherche d'une image persistante. Là, des visions apparaissent. Figures d'homme, cheval, boîtes et formes-paysage sont des écrans radiographiques sur lesquels se superposent les couches de peinture, papier, histoires et ombres. Quantité de forces contraires s'affrontent dans les images. Elles concentrent le proche et le lointain, le réel et l'éternel. L'artiste a enfermé son sujet dans un abîme. Les couleurs sont les vecteurs du voyage. Les combinaisons sont infinies. Au fur et à mesure que l'on tourne les pages, les images deviennent de plus en plus complexes. Le peintre nous guide à travers des formes qui changent sans cesse de signification.

Chevaumobiles résume en un seul mot cette alchimie entre la peinture, le cheval et la capacité de se mouvoir en soi-même. Automobile signifie d'ailleurs : "Qui se meut de soi-même ; qui est mû par un moteur à explosion, à réaction, un moteur électrique, un gazogène." Le moteur de la peinture est ici le cheval transfiguré. Dans un mouvement de locomotion inverse à celui qu'offre la technologie, le peintre se déplace en lui-même sans bouger. Le dernier tableau est un hommage à Don Quichotte qui se déplaçait sur une monture qu'il avait nommée en visionnaire : Rossinante (de "rocin", rosse, mauvais cheval et de "ante", qui veut dire auparavant ou en perpétuel mouvement). Tel un Don Quichotte, le peintre reflète la quête vertigineuse de soi que mène l'homme contemporain.
 
Pauline de La Boulaye
Bruxelles, avril 2010
 
 

Antoine de La Boulaye Chevomobiles Lexus

Antoine de La Boulaye Chevomobiles Lexus

 
 
Exposition Antoine de la Boulaye, Lexus, La-Roche-sur-Yon jusqu'au 1er avril
www.toys-motors.fr - www.lexus.fr

Notice biographique :
Antoine de La Boulaye est né en 1951 à Paris, France. Après des études à l'Académie Julian, puis directeur artistique d'agences de publicité et d'édition jusqu'en 1980, il se consacre ensuite exclusivement à la peinture.
Il a exposé en France (Musée des Beaux-Arts de Nantes, Galerie Baudouin Lebon) et à l'étranger (USA, Suisse, Belgique, Hong Kong, Institut français de Séville.) Certaines oeuvres ont fait l'objet d'acquisition par le FNAC, le FRAC des Pays de la Loire, la Bibliothèque Nationale de France, ainsi que des collections privées et d'entreprise. Il est représenté par différentes galeries en France et à l'étranger.
Depuis 2006, Antoine de La Boulaye a aussi son propre espace d'exposition. Comme dans ses tableaux, il convie dans sa maison-atelier divers univers artistiques qu'il confronte à sa peinture : sculpture, design, photographie, arts premiers.

www.antoinedelaboulaye.com

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