Animamix
Un nirvana pour le 21ème siècle
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Animamix, la cour de MOCA Taipei/ Yang Mao-Lin, Temple of Sublime Beauty, 2009
photo Aylin Soyer Tangen, © Museum of Contemporary Art Taipei

 
 
 
 
Le terme d'animamix est la combinaison d'animation et de comics, créé par la curatrice Victoria Lu directrice artistique de la biennale cette année. Selon Lu, animamix art va devenir la source d'inspiration la plus importante sur la scène artistique globale du 21ème siècle. Certes, l'expansion de la biennale témoigne de la forte croissance de cette forme d'art : tandis que la première biennale de 2007 eut lieu au Museum of Contemporary Art Shanghai, la deuxième édition s'est déplacée entre quatre musées d'art contemporain majeurs à travers la Chine et Taiwan montrant les œuvres de 300 artistes dans 30 pays. Sans estimer le degré de vérité des paroles publicitaires de Lu, on peut définitivement dire que la biennale de cette année fait la lumière, introspective et significative, sur l'esthétique animamix.
Selon Lu, cette esthétique a les traits caractéristiques suivants :
1) Elle emploie fréquemment des figures bizarres et des histoires tortueuses.
2) Elle est centrée sur la jeunesse et l'idéalisation d'une beauté juvélile.
3) Elle emploie et reproduit les lumières colorées dérivées des médias électroniques.
Combiné entres eux, ces éléments constituent animamix en tant que langue visuelle particulière narrative. "C'est justement grâce à ce langage qu'animamix art expérimente", explique-t-elle au vernissage de Visual Attract and Attack, l'exposition à Taipei.


Une méta-langue

Beaucoup d'œuvres paraissent choisies pour leur contribution à la méta-langue d'animamix. Celle-ci se produit souvent au moment où les images se distordent et commentent les conventions esthétiques, et lorsque des médias et des techniques sont mélangés d'une manière paradoxale. I Wanna Be, I Wanna Be de l'artiste japonais Sakurakai Rieko est un bon exemple. Une petite fille animamix typique, portant une couronne de princesse, est assise près d'une table, reposant sa tête dans les mains, bavant, regardant les spectateurs d'une manière vide. Considérant le titre et leur apparence hypnotique, ses yeux semblent exprimer l'obséssions de devenir humaine, mais en même temps ils peuvent sembler introvertis, rêveurs, désintéressés, ou bien aussi tellement froidement graphiques et inanimés comme les cercles bleus décoratifs en formes répétées sur la nappe. Il s'agit d'une peinture à l'huile en style animamix parfaite. Bien sûr, Rieko aurait pu projeter une animation numérique directement sur le mur mais apparemment sa technique ne fait aucune différence sauf pour indiquer sa propre nature superflue. Partiellement, cette ironie peut être conçue comme un questionnement des divisions entre les médias et une volonté de résorber la séparation entre l'art institutionnalisé et la culture populaire. Pourtant, dans le contexte du titre et de la posture de la petite princesse, elle donne une emphase particulière à la signification d'animamix comme "royaume" sublime et virtuel. Elle s'interroge : quels intérêts et désirs humains une telle esthétique pourrait-elle exprimer ? Le "manque" mélancolique de la princesse, est-ce le vrai visage de l'esthétique animamix même ?


La langue sublime de la mélancolie

Une ironie et une mélancolie pareilles peuvent être attribuées à plusieurs autres artistes. Dans Pixel Elk de Kohei Nawa, encore un artiste japonais, une vraie tête d'élan est couverte de boules en verre, simulant des images d'animation numériques. Selon la taille des boules, on peut à un degré variable apercevoir la fourrure de la bête. Le manque de réalité et de nature, les valeurs et sentiments qu'un élan peut représenter pour le spectateur, sont ici littéralement rendus visibles à travers le même médium (verre), tout comme il s'en distancie en les "digitalisant". Singing the Wine de l'artiste chinois Chen Fei, huile sur toile, démontre des figures animamix décadentes, anthropomorphes, sans autre organe sur leurs corps obèses qu'une bouche humaine gonflée et rouge, mais qui apparamment essaient d'opposer leur destin d'êtres virtuels par une consommation dionysiaque de vin rouge. Dans Obsession / Love Forever de l'artiste sud-coréen Hym Rim Lee, l'esthétique des marchandises et celle d'animamix s'élucident réciproquement. Six animations numériques de flacons de parfum connus sont projetées côte à côte. Des bulles en couleur circulent dans les flacons partiellement transparents, dont l'un contient une bouche, l'autre un œil clignant et une troisième une moule qui s'ouvre et se ferme au milieu du flacon. En tant qu'objets à la fois désirants et désirés, et dans leur échange avec une esthétique qui vénère le sublime par un médium différent, les flacons deviennent méta-animations : ils génèrent une réflexion sur "l'obsession" de l'éternelle perfection (Love Forever) que leur propre esthétique exprime. Mais de cette manière, ils deviennent en même temps images "auto-conscientes" de l'objet de consommation idéalisé, où la froideur, la stérilité des objets, l'absurdité de les désirer, sont évidentes.


Le héros Animamix : un bodhisattva en camouflage ?

L'exposition Temple of Sublime Beauty de Yang Mao-Lin, qui fut presentée au pavillon taiwanais à la dernière biennale de Venise, est le cadre le plus notable de l'entière Visual Attract and Attack, même si elle n'en fait pas partie officiellement. Cette collection de sculptures, qui est installée dans la cour et l'entrée du musée, est remarquable en tant qu'étude de la fonction cachée, religieuse de héros provenant de la culture populaire et en tant qu'usage conscient du "musée comme un temple moderne". La collection montre des extraits d'une plus longue série où l'on voit Peter Pan en pose de bouddhas et de bodhisattvas. Ainsi, non seulement fait-il remarquer des parallèles entre l'histoire de l'enfance infinie de ce garçon vantard et insouciant et le nirvana du bouddhisme, mais apparemment aussi une double fonction de la figure animamix en soi : premièrement, transformer en art le désir humain d'un Neverland nirvanesque, où la souffrance, qui est la conséquence de la loi du changement, est terminée ; deuxièmement les statues deviennent aussi objets "sublimes" de dévotion, capables de faire sortir le mécontentement humain et d'exister dans le tourbillon du transitoire. Ainsi, elles ressemblent au bodhisattva éveillé qui a choisi de remettre son entrée au nirvana à plus tard, par compassion, préférant travailler pour la libération de tous les êtres sensés.


Un hollandais virtuel

Le cas rare de Han Hoogerbrügge est d'avoir créé une figure animamix de lui-même. Dans l'installation, Nails la figure est visible sur 27 écrans d'ordinateur sensibles au toucher qui couvrent tous les murs de la salle d'exposition. Les animations commencent souvent par Hoogerbrügge debout, décontracté, impeccablement habillé en costume noir et cravate et se dévoilant quand on le touche. Elles démontrent une variété d'actions, allant d'activités quotidiennes comme la préparation de repas, au plus burlesque. Dans Pigs. They are intelligent but they also crawl around in dirt, il est divisé en cinq Hoogerbrügge "chanteurs d'opéra" qui perdent leurs pantalons et grognent longuement quand on touche. Dans une autre, il est assis comme un chien sur le capot d'une voiture, puis se lève en aboyant. Dans Bum. See him on the streets. What is he talking about? il est un clochard marmonnant, suivi par des papillons colorés qu'il chasse. Dans un autre écran, il est divisé en quatre assis autour d'une table, mangeant. Quand on appuie dessus, ils donnent un coup de poing à leur voisin.

Le point signifiant de cette installation est sa propre mise en marche par le désir des spectateurs de voir la bouffonnerie de l'artiste. Elle sollicite aussi l'instinct d'un joueur de jeux vidéo : le désir d'avancer vers de nouvelles étapes. Hoogerbrügge lui-même dit qu'il aime créer des personnages qui sont complètement égocentriques et qui passent leur temps à répéter compulsivement des actions stupides. Nails donne beaucoup d'exemples de cela et peut-être plus dans son interaction avec le spectateur qui la maintient en marche volontairement. Les animations d'Hoogerbrügge peuvent être lues comme des commentaires : comment l'homme, manquant l'expérience d'une réalité politique significative, s'abrite dans des espaces virtuels où il projète ses rêves et se donne le rôle de protagoniste ; une possibilité que notamment la culture de consommation et de divertissement, dans ses formes multiples, permet d'offrir. En même temps elles thématisent la relation de l'homme moderne à lui-même et à ses conditions existentielles tout en faisant une lumière satirique sur les situations paradoxales dans lesquelles il peut se trouver. Ainsi, momentanément, ces animations nous offrent la possibilité libératrice d'interaction avec la vie moderne au travers de personnages virtuels, quelque chose d'inhospitalier et d'hilarant à la fois.
 
texte et traduction : Paal Andreas Bøe
Taipei - Oslo, avril 2010
 
 
 
La 2ème Animamix Biennial a eu lieu du 5 Décembre 2009 au 28 Février 2010
Guangdong Museum of Art, Guangzhou, MOCA Shanghai, MOCA Taipei, Today Art Museum Beijing, Yang Mao-Lin, Temple of Sublime Beauty, MOCA Taipei
Texte original : www.billedkunstmag.no

Museum of Contemporary Art, Taipei
No. 39, Chang-an West Rd., Ta-tung District, Taipei, Taiwan, www.mocataipei.org.tw

Museum of Contemporary Art, Shanghai
People's Park, 231 Nanjing West Road, Shanghai, 200003, China, www.mocashanghai.org

Today Art Museum, Beijing
Building 4, Pingod Community, No.32 Baiziwan Road, Chaoyang District, Beijing, 100022, China, www.todayartmuseum.org

Guandong Museum of Art
38 Yanyu Road, Er-sha Island, Guangzhou, 510105, China, www.gdmoa.org

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