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Emmanuelle Renard, Fred Kleinberg, Acte II

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Emmanuelle Renard, made in India

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Fred Kleinberg, made in India

Fred Kleinberg Fred Kleinberg Fred Kleinberg Fred Kleinberg
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Une hystérie de peinture

Acte II se décrit comme une "rencontre picturale" : celle des peintres Emmanuelle Renard et Fred Kleinberg qui s'est manifestée pour la première fois en 2002 avec une exposition intitulée "D'obscénité et de fureur" (galerie P. Friedland et A. Rivault à Paris, galerie F. Vecchio à Cannes, Fondation Sommer et Strebel à Hambourg, etc.)

Acte II s'inscrit ainsi dans la tradition des créations bipolaires qui ont pu être fraternelles (les Grimm, les Brontë, les Goncourt en littérature) ou maritales (les Delaunay et les Arp en arts plastiques). Mais dans aucun de ces cas il n'y eut prise de conscience par deux artistes qu'il leur était nécessaire de se définir en duo et de créer en commun. Gilbert & George, les Poirier et les Becher semblent avoir procédé ainsi, mais en prenant un risque : celui que le tu mêlé au je, fondement de la personne, ne dissolve plus ou moins cette dernière. De fait, les photographies des Becher ou les mises en scène de Gilbert & George sont d'une neutralité glacée qui gomme les identités.

Il n'en est rien en ce qui concerne Acte II : Emmanuelle et Fred ne se sont pas placés dans la nécessité de céder chacun, disons la moitié de ses responsabilités et de sa personnalité pour faire place à l'autre. C'est le contraire qui se produit : leurs deux identités en forment une nouvelle, plus forte, plus exigeante, paroxystique pourrait-on dire, comme l'indique d'ailleurs fort bien le titre de l'exposition de 2002. Renard et Kleinberg sont bien des alter ego. Hasardons que leur démarche n'altère en rien l'ego, au contraire !

Il est vrai que les deux peintres, expressionnistes quand ils peignent en solitaires, ont profité de la nature même de leur style pour renoncer à une quelconque finition de leurs images. Il leur faut aller au plus urgent, à un essentiel à crier et non à murmurer. Lorsque Arnulf Rainer a voulu créer en duo avec Dieter Roth, il a constaté que "le travail dialogué sur la surface d'un tableau exige de la sensibilité, de la souplesse à l'égard de l'autre. On obtient alors des figurations intéressantes, multicouches, hybrides qu'un artiste ne peut guère produire tout seul. En revanche, un achèvement ou une perfection quelconque, dans quelque direction que ce soit, est difficilement possible".

Acte II ne cherche pas un achèvement ou une perfection, car il s'agit d'une peinture de combat. Seuls deux êtres fusionnels, ayant vécu ensemble une expérience-limite, peuvent communiquer cette dernière par le moyen de l'art. Renard et Kleinberg sont familiers de l'Inde où ils séjournent régulièrement depuis plusieurs années. C'est là, en décembre 2004, alors qu'ils séjournaient dans la résidence d'artistes On Air (entre Madras et Pondichéry, dans l'État de Tamil Nadu) qu'ils ont été littéralement plongés dans le drame du tsunami.

Partageant leur temps entre l'aide humanitaire (au sein de l'ONG "Les Enfants du monde") et la peinture, ils ont pris le risque de composer deux fresques monumentales en noir et blanc réalisées sur papier de 1,30 mètre de large sur 18 mètres de long, auxquelles s'ajoutent de nombreux tableaux. L'ensemble constitue la série Made in India, témoignage bouleversant sur la vie en Inde, qui n'est que pathétique survie dans de multiples situations suggérées avec un maximum de force expressionniste par le couple, qui a trouvé là un événement à la mesure de sa rage de création.

Il ne faut pas confondre cet expressionnisme nécessaire avec celui, quasi décoratif, que proposaient dans les années 80 Salomé et Castelli ou le tandem Dahn et Dokoupil. Il s'agit vraiment de tout autre chose, qui peut-être dépasse les auteurs eux-mêmes : rendre compte de l'interpénétration de la mort et de la volonté de vivre, dans l'espace spécifique de la peinture. La peinture d'Acte II est une "hystérie de peinture" aurait dit Gilles Deleuze : celle qui nous révèle la plus grande beauté à travers l'expression de la plus grande souffrance.

Jean-Luc Chalumeau décembre 2005

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