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Erick Deroost Erick Deroost Erick Deroost Erick Deroost Erick Deroost
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La part attribuée aux origines, si indécidable soit-elle, si impuissante à prouver quoi que ce soit, ne cesse pourtant de me venir à l'esprit lorsque je regarde les peintures d'Erick Deroost. Je me méfie, certains mots font naître en nous des paysages bien proches de lieux communs. Difficile de se défendre, sachant les ascendances flamandes et bretonnes de cet artiste, d'une histoire de l'art riche en illustrations. Il faut de l'obstination et de la patience pour s'extraire d'un patrimoine entêtant : de part et d'autre, ciels d'orages, immensités, lumière, ténèbres, joutes perdues d'avance. Il faut passer d'un pays à l'autre, d'une école à un mouvement, d'une ronde de nuit à un soleil levant, se déporter. Ne garder les points d'appui que pour mieux se projeter. Choisir un mode de transport approprié. Ce sera, pour Erick Deroost, la navigation. A vue.

Logiquement, le bleu aurait dû prévaloir.

Mais pas davantage que les origines, l'expérience ne suffit à expliquer un style ou une manière. Tout juste peut-on, à posteriori, prendre la mesure des étapes nécessaires, dont la chronologie est affaire personnelle. Il serait vain de vouloir choisir entre Flandre et Bretagne, père et mère, figuration et abstraction. Seule, l'avancée importe. Et les ancrages, longtemps portuaires pour cet homme-là, sans formation académique mais depuis toujours acharné à dessiner, à questionner la peinture.

De ses premières toiles, sur lesquelles il brossait des cargos, il a conservé la notion de carré - la droiture, la voile, la chambre, le carré des officiers - et, bien entendu, la forme, l'équilibre. En ce sens, sa peinture fait abstraction : elle ne tient plus compte des éléments parasites d'un décor. Plus il approche l'idée du carré, plus il prend du recul, jouant de la plénitude et du manque, des limites de la toile pour gagner de l'espace. Car tout n'est pas concentré dans le cadre, l'artiste compte avec le hors-champ. Quitte, parfois, à rajouter un rectangle au carré initial pour donner libre cours aux interstices, pour ratisser plus largement ce que le ressac aurait abandonné de bribes, d'irisations. Comme un contrefort au carré, pour l'affermir.
Erick Deroost n'entreprend ni l'agrandissement, ni la miniaturisation d'un motif, il peint une réalité impossible à nommer. Un silence, une tension, une résistance. Que cela ait pris naissance à Anvers ou Lorient demeure secondaire. Des complexes portuaires, il a retenu les structures, le vrac, la matière brute. Le magma devant lequel il n'est pas question de faiblir.
En 1943, Rothko, Gotlieb et Newman rappellent que "l'art est une aventure dans un monde inconnu que seuls peuvent explorer ceux qui sont prêts à prendre des risques."
Erick Deroost prend celui de ne faire que cela, être artiste. Il travaille à plat, d'une hauteur d'homme debout, se courbant sur la toile pour mieux dominer la matière. Il a l'expérience de la haute mer, il sait qu'on n'affronte pas les éléments sans réflexion, qu'un océan déchaîné peut avoir des incandescences inouïes, proches de celles d'un chalumeau sur une coque.

Noir et rouge ont pris le pas, teintes des profondeurs.

Il travaille à la spatule sur plusieurs toiles simultanément, laisse aux pigments le temps de sécher, épaissit ses aplats pour obtenir des transparences. Ce sont les pans de couleurs qui déterminent les lignes, parfois la jointure du ciel et de la terre comme le fil du rasoir. Ou encore, la mer indécise. Peut-être des docks. Effacement des contours, étincelles, lingots de rouille. La spatule racle la toile, trace des vibrations, accroche une aspérité verte ou jaune. Une stridence blanche cisaille un tableau, on entend le vent. Il froisse la surface, la plisse, la soulève. De près, on distingue quelques cicatrices pâles, des empreintes, des accrocs. Tout ce qu'une peinture a de physique, en réalité. Et de juste. Il y a du feu de joie et de la bataille dans ce tumulte tonifiant, des antagonismes qui aboutissent à une grande unité. Une démarcation appuyée se révèle être un lien indéfectible, des vibrations chromatiques imposent le silence, une presque monochromie peut aboutir à l'exubérance. C'est toute l'amplitude d'un engagement et d'une décision irrémédiables, l'accomplissement de soi sans tergiversation et ce qui en découle : l'aisance pour, au-delà des apparences, nous offrir l'image vraisemblable d'un spectacle. Ce qu'Erick Deroost appelle le mystère.

Danielle Robert-Guédon

Danielle Robert Guédon est écrivain Elle a publié entre autres : Le désespoir du singe, éditions Balland, 1997 - Le grand abattoir, éditions Balland, 1999 - Déposition, éditions Filigranes, 2000 - Je reçois, éditions Balland, 2002 - Les vivants, les morts et les marins, éditions Joca Seria, 2005.

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