Groupe orpheline est une pièce au rythme heurté, tout feu et toute violence. Laquelle ? Violence des jeunes filles, celle qui leur est faite, et celle particulière, qu’elles se font à elles-mêmes.
Dès lors comment en rendre compte autrement que sociologiquement ? Cette énergie trouble, inachevée, il aura fallu la trouver ailleurs que selon des postures communément admises. Groupe orpheline est un texte qui prend le parti d’une fiction par la juxtaposition de secrets. L’existence est toujours une énigme. Ces jeunes femmes-là jouent avec le feu, avec l’eau, avec la matière vivante de leurs corps neufs, comme avec la matière inanimée du plâtre dont on fait les sculptures, avant d’imaginer porter des enfants.
Une meute de modernes Penthésilée qui s’aiment entre elles et s’entre-déchirent au nom d’une liberté défendue et mal apprise. Ces femmes premières, répondent d’une difficulté à se civiliser dans un monde qui s’est construit sur leur retrait historique, et où elles ont à conquérir leur place doublement.
Ces jeunes filles-là se méfient au fond de leur destin. Elles ne savent que trop de quoi elles héritent, et souhaitent parfois la mort pour accéder à la valeur de ce qu’elles sont.
Six jeunes filles donc, aux parcours singuliers qui composent une petite société avec Majesté, Servantes, et Guerrières mais également Victime. Ce Groupe Orpheline bourdonne de désirs mobiles et diffus. Chacune porte en elle sa métamorphose. La gageure pour ces jeunes femmes sera de bien raconter sa vie, de bien la faire savoir, fût-elle encore succincte.
Sachant que raconter son histoire participe d’un jeu qu’elles se jouent les unes aux autres, et dont les règles demeurent imprécises. Celle qui aura bien interprété son histoire partira. Où ? On ne sait pas : partir pour partir vraisemblablement. Certaines histoires sont criminelles (l’histoire de Ritte), solitaire (l’histoire de Daphn), africaine (l’histoire de Fanta), d’autre folle (l’histoire de Gavine), ce qui importe est d’être cru, aimé aussi. Pour elles, cela est de même eau et de même farine.
Ces filles terribles mythologisent un récit biographique à la fois véritable et légendaire dont la psychanalyse ne pourrait pas extraire grand-chose. Elles présentent leur intérieur et leur face d'un même tenant, et raillent les figures d'autorité qu'elles soient institutionnelles, professorales, paternelles. Dans un monde où les miroirs ressemblent à des trous dans le ventre et les sexes sont des épées ou des mains en kaolin, la Jeune Fille humiliée humilie selon l’équation injuste qui fait de l’opprimé un oppresseur. C’est un conte tragique.

Raya Lindberg