Jenny Holzer au Whitney Museum
"Protect, Protect" ou le droit d'investigation…
anglais
Jenny Holzer
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Le Whitney abrite une collection essentielle de l'art contemporain américain des XXe et XXIe siècles et organise des installations d'œuvres majeures confiées aux artistes américains les plus prometteurs et influents de leur génération.

L'exposition actuelle "Protect, Protect" est consacrée à Jenny Holzer. Vivant à New York depuis 1977, elle a participé au "Whitney's Independent Study Program" et y a débuté ses séries par des projections de textes au public. Connue pour son approche singulière du langage, langage au service du contenu théâtralisé, transmis par des supports médiatiques extrêmement variés et souvent novateurs, Jenny Holzer officie aux confins de l'art et de la pub. Pensée et supports mènent à une confrontation vivifiante. Théâtralisation, reflet trompeur d'une simplification avérée du sens des messages dont les médias nous inondent.

Elle crée de vastes sculptures électroniques lumineuses, émanant beauté, sensualité et puissance. Ses supports sont multiples: projection de signes électroniques programmée sur ordinateur, impression sur T-shirts, posters, gravure sur des bancs ou des bronzes, inscriptions au burin sur des plaques de cuivre ou d'argent… ses textes sont aussi apparus sur des tableaux, des visages, des affiches de cinéma, dans des magazines d'info et sur des sites web. Ils ont habillé des façades célèbres (Times Square), des murs de musées (Guggenheim), des cascades ou flans de montagnes en projections au xénon, leur conférant une audience magistrale.

Quand Christo habille nos villes de voiles, Holzer les habille de mots et dévoile sa pensée, la nôtre, ou son sens caché. Quel que soit le support choisi, il est question de rythme, de style, de scénographie et l'atmosphère ainsi créée engage le spectateur. De l'œil au cerveau. Du cerveau au corps.

De son passage en imprimerie, elle a conservé un sens aigu de la "lettre" ; forme, police, taille, couleur, rien ne lui échappe. L'enroulement des mots et le mouvement du texte deviennent chorégraphie, ils sont manipulés avec soin pour détourner ou guider le spectateur. Changements de tempo, lumières clignotantes, ruptures, symétrie, changements de plans, tout est conçu pour rendre la lecture difficile, suspendre le temps, surprendre l'observateur… Le retenir, prisonnier de ses sens et du rythme, au service d'un contenu parfois hypnotique, souvent essentiel. La sensation qui s'en suit amène à repenser l'évolution de l'accès aux textes induite par le web, qui a de facto métamorphosé notre perception de l'écrit en démultipliant les accès à la connaissance.

"Protect, Protect" est une exposition trompeuse, les couleurs séduisantes émanant des LED (Light-Emitting Diodes) dégagent une atmosphère lumineuse, hypnotique, envoûtante, mais elles cachent des découvertes acides. L'artiste reprend des textes essentiellement écrits entre 1977 et 2001 et un deuxième espace est consacré à des œuvres plus récentes, sur les guerres d'Irak, de Yougoslavie... Les premiers textes projetés défilent comme une annonce de Reuter, s'entrecroisent, semblent émerger du sol, des murs… ils évoquent des paroles quotidiennes, des formules historiques ou des antiennes, le tout envahissant l'espace de halos lumineux. "I pray", "protect me from what I want", "use what is dominant in a culture to change it".

L'espace consacré aux guerres et plus précisément à l'armée américaine est plus complexe, plus austère: Allusion à l'ex-Yougoslavie; des os humains, bagués, gravés sont alignés sur une table. Ils évoquent la mémoire des hommes assassinés et des femmes Bosniaques violées par les soldats Serbes, le viol, souvent public, y étant considéré comme une arme de guerre. Des inscriptions acérées, "with you inside me, here comes the knowledge of my death", "she has no taste left to her, this makes it easier for me" ("avec toi à l'intérieur de moi, je prends conscience de ma mort", "elle n'a plus le goût d'elle-même et ça rend la chose plus facile").

Puis des documents scannés, raturés, partiellement arrachés à leur secret, émanent des archives de la Sécurité Nationale des Etats-Unis, ils ont été revus avec l'artiste, par des investigateurs et experts, au nom "du droit de savoir des citoyens". Dans ces extraits de formulaires ou rapports de l'US Army déclassifiés, certains passages nous glacent. Jenny Holzer leur oppose son écriture fine et nerveuse. Monde secret, monde concret, monde protégé par ses murs juridiques et son vocabulaire militaire. On découvre un univers à part, avec sa logique militaire, qui échappe au monde réel, un paradigme clos, aux règles obscures, parfois éloignées des Conventions de Genève.

Plus loin, de grands tableaux avec d'immenses mains dont les traces noires rappellent le nouveau rituel des empreintes digitales, "totales", des passages en douane; sécurité, sécurité… Après ses "Truisms" (1977-1979), "Inflammatory essays" (1979-82), War (1992), and "Lustmord" (1993-95), elle creuse le sillon brûlant des guerres et désastres, dans la lignée de Goya. La fascination de cet immense artiste-journaliste du XVIIIe siècle continue de s'exercer sans fin sur nos artistes contemporains. Il y a six ans, en effet, les frères Chapman avaient retravaillé d'une manière tout à fait iconoclaste ses "disasters of wars" pour le Turner prize.
 
Edith Herlemont-Lassiat
New York, mai 2009
 
 
 
 
 
 
Vidéo du Whitney Museum of Art sur l'exposition : http://whitney.org/www/holzer/index.jsp  et art21 NY.
 
 
 
"Protect, Protect" by Jenny Holzer, jusqu'au 31 mai
Whitney Museum of Art, 945 Madison Avenue at 75th Street , New York, NY 10021
whitney.org - www.jennyholzer.com
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