L'étranger. L'autre. Celui qui nous habite.
47ème fêtes de la Saint-Martin à Tourinnes-la-Grosse
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Tourinnes, Retenir le réel de Michel Clerbois

 
 
Qui est étranger ?
Sur sa propre terre on est aussi étranger qu'ailleurs.
Par rapport à soi-même on ne cesse d'être un étranger.
Juan Paparella
 
 
Tourinnes-la-Grosse accueille cette année pour l'exposition d'art contemporain de la 47e édition de Fête de la Saint–Martin, comme commissaire d'exposition l'artiste Juan Paparella qui nous propose l'exposition "L'étranger. L'autre. Celui qui nous habite".
Celui-ci a créé un événement spécifique en déplaçant les frontières interdisciplinaires. Il a invité une dizaine d'artistes nationaux et internationaux à participer à l'exposition et a proposé à quelques intellectuels, d'écrire des textes originaux sur le sujet, ceux-ci sont repris dans une petite édition autonome. Conférence et performance complètent la programmation.

L'exposition s'organise dans divers lieux du village et cette année pour la première fois, Tourinnes-la-Grosse invite en résidence durant une semaine l'artiste Ana Gallardo venue d'Argentine et qui nous propose la réalisation interactive d'une œuvre en terre "El Pedimento".
Née de la collaboration lors d'atelier ouvert avec diverses personnes, de tous âges, de la région et d'ailleurs, cette proposition s'inspire d'une tradition mexicaine. Les participants sont invités à réaliser une création de leurs mains, avec de l'argile prélevée dans le champ adjacent et représenter un souhait, un vœu pour le soir de leur vie. Les objets réalisés sont exposés ensemble et feront œuvre durant toute l'exposition et puis retourneront dans le champ à la fin de celle-ci.

Autre proposition in situ : "Retenir le réel" de Michel Clerbois, qui investit une étable avec un ensemble de miroirs glanés et de tous formats, sur lesquels il a travaillé la surface dans différentes techniques et dans divers rapports conceptuels à lui-même, à l'autre, à la mémoire et à la perception. L'ensemble est à la fois cohérent et éclaté, il reflète des visions morcelées de l'espace et des visiteurs, créant un trouble dans la perception de ceux-ci. Juan Paparella intervient également comme artiste et présente dans une grange une installation dans laquelle est lisible une ligne modulée représentant son électroencéphalogramme, prélevé une nuit, durant un test du sommeil en hôpital. Cette œuvre a été réalisée avec de la mèche d'artificier. Ne reste sur le papier que la trace consumée d'une vie nocturne qui nous échappe.

Juan Paparella et Michel Clerbois ont aussi œuvré ensemble à une présentation commune dans un autre espace, avec des photographies sépia avec de silhouettes de personnes rehaussées par enfumage de Paparella et des surfaces mirées, chargées de signes et de portraits de Clerbois. Une dialectique se dégage de ce dialogue dans lequel le visiteur se trouve confronté à lui-même. L'oeuvre de Stephan Balleux s'articule autour de la peinture et de sa perception. Sur une facture relativement classique viennent se greffer des glissements mutants de matière picturale qui troublent la vision et la compréhension du regardeur.

S'agit-il de l'impossibilité de fixer les êtres et leurs identités ?

Dans un autre lieu, les Soeurs Martin nous présente une vidéo dans laquelle elles se mettent en scène. Patricia et Marie-France Martin sont jumelles et en jouent depuis toujours. L'autre, c'est le double décuplé qui se donne à voir dans une action où elles dépersonnalisent leurs apparences physiques dans un effacement qui finit par se confondre dans le décor. Les jeux de miroir "font la peau" à la beauté et à la laideur, à leur moi, à l'autre et son double.

Hélène Amouzou essaye aussi de se fondre dans le décor. Togolaise arrivée en Belgique en 1998, elle suit des cours de photographie et en 2004, elle réalise une magnifique série de clichés d'elle-même dans son environnement quotidien. Les photographies qu'elle expose date de cette période, où elle était demandeuse d'asile et se sentait marginalisée, en quête de son identité et de sa nouvelle vie. Elle a su capter les ambiances, les sensations de ces années difficiles ; une robe, son corps, du papier peint, un environnement, etc, autant d'autoportraits lancés dans le regard des autres et dans le sien.

Le commissaire a désiré aussi porter la réflexion sur l'Autre, en associant le musée Art et marges à sa programmation, posant ainsi la question du rapport entre "art officiel" et "art outsider". Qui est in ? Qui est out ? Le musée propose une sélection de trois artistes. Si les œuvres de Dominique Vrancken peuvent correspondre à l'idée que l'on pourrait se faire d'un artiste d'art brut, liant obsession et répétition.
Dominique Théâte présente lui une série d'œuvres troublantes qui développent une réflexion sur le dessin et son modèle, celui-ci étant lié à une reproduction imagée de la réalité, décalée formellement en image de fond. Celles-ci prennent beaucoup de force dans le dialogue qu'établit l'artiste avec son interprétation dessinée à l'encre et à l'acrylique dans images subjacentes. Ici la frontière des genres est mince, tant le rapport avec certaines pratiques contemporaines est troublant.

Le troisième artiste est l'étonnant Vahan Poliadian, qui nous a quitté il y a déjà trente ans, nous laissant quelques témoignages filmés de ces délires créatifs. Né en 1902 d'origine arménienne, il transporta toute sa vie le poids de la mémoire de son peuple. Véritable artiste performeur, son inventivité et sa créativité, il l'a sortira quotidiennement dans les rues de St Raphael, où il séjourne dans un home jusqu'à la fin de sa vie, et dans lesquelles il déambulait chaque soir pendant plusieurs années dans des costumes ethnico-baroques chargés d'objets divers et sans cesse réinventés.
 
Pascal Vrignaud
Bruxelles, décembre 2012
 
 
Dans le cadre des 47ème fêtes de la Saint-Martin à Tourinnes-la-Grosse
Exposition d'art contemporain "L'étranger. L'autre. Celui qui nous habite"

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