En Thulé Froiduleuse
question d'identité
Thulé Froiduleuse
Thulé Froiduleuse
Thulé Froiduleuse

Thulé Froiduleuse

En Thulé Froiduleuse

Quand au XVIe siècle, Agrippa d'Aubigné fait une discrète allusion à une Thulé froiduleuse, dans les "Tragiques", il évoque une terre lointaine, mystérieuse, difficile d'accès qui, à l'instar du navigateur grec marseillais Pytheas, hante l'imagination.
Cette terre, aux confins de banquises infranchissables, que l'on assimile maintenant à l'Islande, est restée longtemps un territoire mis à part qui se devait d'héberger une culture, sinon une population "différente", dont la langue est "la fierté et la pierre angulaire de l'identité nationale" comme l'indique Berglind Ásgeirsdóttir, ambassatrice d'Islande à Paris. L'exposition montée par Aesa Sigurjónsdóttir à la Maison d'Art Bernard Anthonioz de Nogent sur Marne, entend faire reconnaître cette identité singulière, non pas avec des mots, mais par l'expression visuelle et sonore de quatre artistes contemporains chargés d' illustrer 4 facettes de la nature islandaise.

La question de l'identité nationale, thème politiquement et scientifiquement controversé en France à notre époque, est développée avec perspicacité et talent par Òlöf Nordal. Ses photographies puisent tant aux ressources et archives muséales que familiales (moulages de personnages islandais effectués au cours d'une expédition du prince Jérôme Bonaparte au 19ème siècle, collection de cheveux, empreintes anatomiques, archives familiales )… sans permettre de conclure.

Les travaux des 3 autres artistes, Kristleifur Björnsson, Siguröur Guömundsson et Siguröur Guöjónsson, pourront-ils préciser cette unité culturelle ?
Avec trois videos dont les bruitages se font écho et se mélangent, Guöjónsson montre que l'Islande est un pays à la fois étrange, énigmatique, dissonant et nostalgique . Guömundsson indique pour sa part que sous cette apparence, se cache malice, et souvent provocation. Ses oeuvres le rapprochent de Fluxus : des videos et des photographies qui, malgré une apparence banale, veulent choquer ou surprendre (dans son pays natal) à l'instar du bronze de chien loup qui, affichant son incapacité à lire, contemple le célèbre "Cogito, ergo sum» de Descartes.

Enfin, comme au cours d'une analyse, Björnsson nous conduit à creuser dans l'inconscient islandaise pour en révéler ses obsessions : les belles inconnues qui sont ici évoquées par des sous- vêtements féminins construits de ses mains, veulent provoquer chez le spectateur des réactions intimes, des pulsions qui animent un peuple. Mais ne s'agit-il pas d'un phénomène universel ?
Au cours de l'exposition, le concept de particularisme ou même d'identité semble disparaître. Ces 4 artistes, qui souvent travaillent loin de leur pays d'origine, œuvrent en cohérence avec un monde globalisé de l'art contemporain. Après sa phase de déconstruction, l'art est devenu existentialiste : l'expression d'une œuvre prime sa matérialité, le dire prime le voir.
Ce qui voulait être le sceau d'un pays, parait universel. L'identité islandaise donc existe-t-elle ? Cette exposition montre que c'est une question de sensibilité, de relation aux choses et de mémoire.
 
Bernard Blum
Paris, décembre 2013
 
 
Maison d'Art Bernard Anthonioz
16, Charles VII, Nogent-sur-Marne
du 7 novembre au 22 décembre 2013
www.ma-bernardanthonioz.com

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