Francis Picabia, rétrospective 2016
Kunshaus de Zürich
Picabia
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Picabia

Francis Picabia, Woman with Idol, c. 1940-1943
Oil on board, 105.4 x 74.8 cm
Private collection © 2016 ProLitteris, Zürich

"Notre tête est ronde pour permettre à la pensée de changer de direction" Picabia


C'est ce fameux aphorisme qui donne son titre à l'exposition : "Notre tête est ronde pour permettre à la pensée de changer de direction". Francis Picabia (1879-1953) est né de père espagnol et de mère française. Cette remarquable exposition a été élaborée par Cathérine Hug, la commissaire et conservatrice du musée et Ann Umland du MoMa, New York.

C'est en naviguant sur quelques pages du Net que je me suis retrouvé à réécouter les fameux Entretiens de Picabia avec Georges Charbonnier, l'homme mythique de la Radio française qui avait notamment interviewé Duchamp (1ère édition du livre d'entretiens, aux éditions Belfond) et quelques autres peintres. La dernière grande exposition de Picabia à Paris remonte à 2002 au Musée d'art moderne de la Ville et celle qui eut lieu à Zürich, en 1985. Et notons que cette année 2016 est le centenaire de Dada (5 février 1916) mouvement et anti-mouvement créé par Tristan Tzara qui fut l'ami de Picabia (ce dernier a été son mécène par la suite). Tzara écrivait dans son manifeste : "L'artiste nouveau proteste : il ne peint plus/ reproduction symbolique et illusionniste/ mais crée directement en pierre, bois, fer, étain, des rocs des organismes locomotives pouvant être tournés de tous les côtés par le vent limpide de la sensation momentanée". Il était "contre les manifestes". Contradictions et paradoxes, une manière de tenir la ligne ! Comme Duchamp toute sa vie. Qui luttait contre la bêtise rétinienne.


Flashback. Picabia va fonder en 1917 à Barcelone la grande revue "391" qui accueillera les textes des écrivains tels que Apollinaire, Aragon, Breton, Soupault, Cocteau, des poètes surréalistes, Desnos, Max Jacob, Ezra Pound, Clément Pansaers… et des peintres du mouvement… Duchamp, Magritte…etc. (19 publications jusqu'en 1924). Picabia publiera de nombreux textes, aphorismes et poèmes. Nous connaissons son fameux "Jésus-Christ Rastaquouère" avec des illustrations de Georges Ribemont-Dessaignes (1920), dédié à toutes les jeunes filles. Serge Gainsbourg possédait un exemplaire original ; il l'évoqua dans une chanson. Dans la ville, le Cabaret Voltaire, lieu mythique, participait à la grande manifestation contemporaine : MANIFESTA, atomisée dans toute la ville, ce qui ne gâchait rien à notre déambulation durant quelques jours. Ce sont 200 œuvres et documents (livres, revues surréalistes, Dada, lettres, etc.) qui sont présentés dans le musée où nous découvrons les premières peintures impressionnistes de l'artiste, influencé par Sisley et quelques autres et par le pointillisme dans quelques toiles, puis par Dada, passage superbe. Il sera en 1913 à l'Armory Show où il rencontre Alfred Stieglitz, son futur galeriste. Il côtoiera Duchamp entre autres et son ami Henri-Pierre Roché avec lesquels ils réaliseront diverses photos imaginées par Man Ray. Il y aura ensuite ses expériences cubistes avec des couleurs à profusion à l'instar de Braque et Picasso, plus concentrés sur la géométrie et la monochromie.

Dans les années 1923-1926, il réalisera des collages tels que : "Femme aux allumettes", "Pailles et cure-dents", avec ces objets-mêmes ! Il utilisera la peinture Ripolin pour certaines toiles (1920). Et notamment son tableau sans aucune matière, avec cadre et vitre transparente, intitulé Danse de Saint-Guy (Tabac-Rat 1922), présenté à Paris au Salon des artistes indépendants. Certains y verront un rapprochement plus tard avec la trajectoire d'un Rauschenberg. En 1924, il écrit le scénario du film Entr'acte avec René Clair, Erik Satie, Man ray et Marcel Duchamp, et au ballet Relache, que l'on peut revoir au musée, il a gardé toute la fraicheur de sa innovante création. Picabia utilisera par la suite des images des magazines, de revues érotiques ou pornographiques pour réaliser des tableaux réalistes aux couleurs vives, "Femmes au bulldog" (1941), "Cinq femmes", "Femme à l'idole", très suggestif… ce sont ses "pin-up". Ces peintures, longtemps "décriées", ont été réévaluées ou reconsidérées vers les années 1960 et durant les années 1980 par les jeunes générations d'artistes et de critiques. Les marchands en feront leur beurre ! On verra quelques dessins érotiques dans cette exposition. Le pop art anglais y trouvera quelques racines comme le signalait Richard Hamilton et ses amis du mouvement tel que Allen Jones, à sa manière. Comme Cathérine Hug le montre dans son excellent texte de catalogue "Picabia après Picabia", signalant les filiations contemporaines diverses et leurs répercussions ces dernières 30 années, ainsi qu'à travers divers discours critiques soulignant la mise en question par Picabia "de l'art dans la société de consommation" (évoquant par la même occasion l'exposition en 1976 à Paris, initiée par Pontus Hultén et organisée par Jean-Hubert Martin et Hélène Seckel, au Grand Palais). On lira dans le catalogue de nombreux entretiens historiques sur Picabia et sa résonnance à travers le temps initiés par C. Hug. Votre tête tournera sans aucun doute pour saisir et apprivoiser Francis Picabia en 130 peintures, dessins, livres, magazines, le tout constituant 200 documents provenant de nombreuses collections publiques et privées, dont "Edtaonist !(ecclésistique)" et "Udnie", de 1913, ou "M'amenez-y", et vous voyagerez dans cette exposition historique et rafraîchissante à travers le temps et les courants artistiques riches et divers du XXe siècle qui ont marqué toute notre modernité et notre contemporanéité !
 
Patrick Amine
Zürich, août 2016
 
 
Francis Picabia, Note tête est ronde pour permettre à la pensée de changer de direction.
Catalogue, en 3 langues (français, anglais, allemand, 368 p., 300 reproductions), sous la direction de Cathérine Hug, 19 contributions.
Publié par Fonds Mercator, Jan Martens, Bruxelles, Kunsthaus Zürich, MoMA.
Cette exposition sera présentée au MoMA en 2017 (20 novembre - 19 mars)


Francis Picabia, Une rétrospective 2016
Kunsthaus, Heimplatz 1, 8001 Zürich.
Du 3 juin au 25 septembre 2016
tél. : +41 44 253 84 31 - www.kunsthaus.ch

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