Le monde nouveau de Charlotte Perriand
à la Fondation Louis Vuitton
Charlotte Perriand
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Charlotte Perriand

Charlotte Perriand

Quel magnifique hommage à une des figures majeures de la modernité, que cette exposition de Charlotte Perriand à la fondation Vuitton. C'est en effet toutes les salles de l'institution qui lui sont consacrées. Une promenade chronologique déclinée en onze espaces, retraçant le parcours étonnant de cette femme du XXe siècle. Ses créations, ses engagements, ses amitiés, ses collaborations, ses voyages, sa philosophie.
Avec la reconstitution de toutes ses créations majeurs, de la première proposition le bar sous les toits exposé au Salon d'automne, qui la fit connaître dès 1928 à sa dernière réalisation en 1993 la maison de thé, qu'elle réalisa à 90 ans et qui se retrouve ici reconstruite, comme toutes ses propositions d'aménagement.

Le bar sous le toit s'inspire directement de sa chambre/atelier, à Paris, lieu expérimental dont elle crée le mobilier et l'aménagement. Cette réalisation est emblématique parce qu'elle la fit reconnaître et lui ouvrira la collaboration avec l'équipe de Le Corbusier. Elle est aussi déjà caractéristique des préoccupations militantes pour "réinventer l'habitat". Des aménagements modernistes liés à de nouvelles normes vitales qui seront une de ses préoccupations majeure.

Dès la fin des années vingt, elle devient une figure très active dans la sphère moderniste, elle fut un des membres fondateurs avec René Herbst, Pierre Chareau et Eileen Gray de l'UAM (Union des artistes modernes) présidée par Mallet-Stevens.
Avec Le Corbusier et Pierre Jeanneret, elle crée la fameuse Chaise longue, le  Fauteuil à dossier basculant, le "Fauteuil Grand Confort" et d'autres meubles design devenu référence du design du XXe siècle ; les équipements des villas Laroche, Church, Savoy et la présentation de Equipement intérieur d'une habitation au salon d'automne 1929, qui est présenté et visitable dans l'exposition.

La reconstitution d'autres conceptions architectoniques telles que : la maison au bord de l'eau, 1934, axée sur la modularité architecturale intérieure et extérieure et à son concept de "zonage" - la maison du jeune homme,1935, mélangeant espace de vie avec salle de sport et art - la chambre de la maison de Tunisie à la cité universitaire de Paris, 1952, petits espaces à intérieur modulable, économiques et beaux pour les étudiants - le refuge tonneau, 1938, module d'habitation pour séjour en montagne, le Mur cinétique de l'agence Air France à Tokyo, 1960, constituent les points forts de la rétrospective.

Ses engagements ne sont pas seulement esthétiques mais politique et social. Elle milite pour une société plus juste et des changements radicaux. Un autre aspect, ces photomontages témoignent de son inventivité graphique, de ses engagements politiques et de sa vision humaniste. La grande misère de Paris, 1936, un panneau de 16 mètres sur 3 évoquant les problèmes de l'urbanisation et de la misère urbaine, reste d'actualité. Elle s'engagera également pour l'Espagne républicaine lors de la guerre civile.

Grande voyageuse, Charlotte Perriand disait qu'elle avait "l'œil en éventail", définissant ainsi son appréhension du monde. C'est en 1940 qu'elle découvre le Japon. Elle y découvre l'aspect fonctionnel et raffiné de l'architecture et des objets traditionnels de la culture japonaise. Les techniques l'inspirent et l'influencent dans ses créations, elle réinterprète la chaise longue basculante en une version en bambou. Elle trouve dans le pays une réponse à ses idées architecturales populaires, rationnelles et économes. Elle collecte des centaines d'objets traditionnels au fil de ses déplacements et les associe avec ses théories de développement en série et du module. Charlotte Perriand y retournera à plusieurs reprises et y donnera divers enseignements et conférences et réalisera son exposition manifeste" Synthèse des arts».

Cette exposition nous fait découvrir la photographe, liée à la nature mais aussi au monde de l'industrie et qui nourriront son œil et son imagination et sa conception artistique. Dès les années trente, accumulations de ferraille, transparences d'un morceau de glace, élégante courbe d'une rocher, d'un galet, d'un os, d'arête de poisson seront captés par son appareil. Elle collectionnera aussi ces objets, qu'elle présentera dans ses espaces conjointement avec les œuvres d'art.

Tout peut devenir source d'inspiration un dessin d'enfant ou de marin, deviendront des tapisseries, un morceau de bois, une table… Le rapport à la nature n'est jamais loin et s'inscrit en accord harmonieux avec sa rigueur d'analyse et de recherche.
Ses rapports à l'art et aux artistes, aux architectes sont constants et sont présentés chronologiquement. Ils permettent aux visiteurs d'apprécier de nombreuses œuvres de Fernand Léger, l'ami de toujours, Le Corbusier bien sur (des peintures et tapisseries) mais aussi de très beaux Pablo Picasso, Henri Laurens, Simon Hantai, Isamu Noguchi, Alexandre Calder,… au gré de l'exposition.

Ses visions modernes et révolutionnaires, ses applications entre la modernité occidentale et les techniques ancestrales, son intérêt pour le tout venant, le décloisonnement des valeurs nourrissent son esprit libre et a-dogmatique et sont assez surprenantes pour l'époque. Il nous annonce déjà l'esprit mondialiste actuel.
Femme humaniste et créatrice, elle a su établir des liens dans le temps et dans l'espace et sa démarche influencera encore de nombreuses générations.
 
Pascal Vrignaud
Paris, janvier 2020
 
 
Charlotte Perriand, Fondation Louis Vuitton, jusqu'au 24 fevrier 2020
www.fondationlouisvuitton.fr

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