Laurent Grasso
Disasters and Miracles, 1356-1917 ou l'exploration de l'insaisissable
Laurent Grasso
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Depuis le 20 avril et jusqu'au 30 juin 2013, la Kunsthaus de Bâle-campagne, à Muttenz, dans le proche voisinage de Bâle, présente une série de travaux exécutés spécialement pour ce lieu par Laurent Grasso.

Cet artiste développe ses concepts en utilisant divers supports et médias : vidéo, peinture, photographie, néon, aussi bien que la sculpture ou les constructions architecturales. Il n'y a donc pas de lien graphique ou matériel entre ses œuvres, mais au contraire, dans le fond, une grande homogénéité dans son parcours intellectuel.

On peut en effet rester perplexe et se poser la question de la cohérence lorsque Grasso présente une série de tableaux rappelant les catastrophes géophysiques, tremblements de terre et irruptions volcaniques, qui ont émaillé l'histoire de 1356 ( tremblement de terre à Bâle) à 1917 ( Miracle de Fatima), à côté de vues aériennes du palais érigé sur l'îlot scandinave de Ven où des études astronomiques ont été menées par Tycho Brahe durant une vingtaine d'années, ou d'étonnants vols d'étourneaux virevoltant au dessus du Vatican. Les œuvres sont autant de figurations de phénomènes pour le moins défiant le banal et le quotidien. "Nuée ardente" : une lithographie argentique sur aluminium de la coulée de lave provoquée par l'éruption en 1903 de la montagne Pelée à la Martinique , "Retroprojection" : le météorite Bacubirito découvert au Mexique en 1863 etc… En réalité, Grasso tente d'explorer le passé ("Studies into the past"), tout en se complaisant à opérer des confusions de temps, mélangeant à plaisir le présent avec les époques antérieures. On est alors "balladé" dans l'espace, le temps pour enfin se rendre compte que cette réalité que nous pensons saisir concrètement à chaque instant n'est en fin de compte qu'une impression fugitive, personnelle. Les travaux de Laurent Grosso font clairement écho aux réflexions de Schopenhauer qui met en question le concret qui ne serait plus que la perception fugitive d'un état virtuel, créant un malaise existentiel profond. Avec son œuvre majeure, "Le Monde comme volonté et comme représentation" (1819), le philosophe se profilait comme le premier des philosophes du soupçon : Marx, Nietsche et Freud. Il prétendait que derrière les phénomènes concrets, il y a, beaucoup plus importants, les souterrains de l'inconscient.

Cette mise en question du concret et de l'histoire est exploitée par Laurent Grasso de façon picturale, laissant planer ce doute sur notre identité et nos croyances, face aux forces et pulsions qui agissent hors de notre contrôle, sinon de notre compréhension. Cette représentation de phénomènes inconscients ou incontrôlés, cette retro-actualité qui envahit les œuvres de Grasso, conduisent le spectateur à la question de la substantialité de l'art. La question cruciale que chaque artiste se pose à un moment ou un autre de sa carrière. L'art serait-il "sans cause", fondé sur un non-fondement, donc absurde ? Il en ressort une sorte d'angoisse, comme Sartre en a parlé dans La nausée.
 
Bernard Blum
Basel, juin 2013
 
 
Laurent Grasso, 20 avril au 30 juin 2013
Kunsthaus Basel-Land, St Jakob-Strasse 170, CH 4132 Muttenz/Basel
www.kunsthausbaselland.ch

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