Interview de Carmen Willems
Directrice du KMSKA, Musée Royal des Beaux-Arts d'Anvers
Interview with Carmen Willems
Director of the KMSKA, Royal Museum of Fine Arts Antwerp
Peter Paul Rubens Carmen Willems KMSKA
Peter Paul Rubens Carmen Willems KMSKA
Peter Paul Rubens Carmen Willems KMSKA
Peter Paul Rubens Carmen Willems KMSKA
Peter Paul Rubens Carmen Willems KMSKA
Peter Paul Rubens Carmen Willems KMSKA




Carmen Willems KMSKA

Peter Paul Rubens, Le Baptême du Christ, inv.nr. 707 - KMSKA

Le Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers (KMSKA) est le plus grand musée d'art de Flandre. Ce musée réunit des œuvres exceptionnelles des Primitifs flamands (Jan van Eyck…), du Baroque anversois (Rubens, Van Dyck, Jordaens), mais aussi une vaste collection d'art moderne avec Rik Wouters, Henri de Braekeleer et René Magritte. La collection de James Ensor, la plus grande au monde, constitue le fleuron de la collection. La restauration est en cours de finalisation. Les 24 et 25 septembre (2022), après plus de dix ans de fermeture, le KMSKA célèbre sa réouverture avec le Festival le plus Gracieux.

Patrick Amine : Qu'en est-il aujourd'hui du nouveau KMSKA qui va rouvrir le 24 septembre ? De sa restauration et de sa nouvelle configuration muséale ? Pourriez-vous nous en tracer les différentes phases du projet ?

Carmen Willems : Le musée a été fermé en 2011. Le projet de restauration avait commencé en 2004. Le bâtiment du musée et la collection des œuvres d'art appartiennent au gouvernement flamand. Comme le bâtiment était devenu vétuste et nous n'avions plus de place pour montrer amplement les œuvres de la collection, une rénovation/restauration était nécessaire. Le budget n'était pas encore suffisant lors de la concertation avec les autorités pour envisager la rénovation totale du musée. Le bâtiment historique date de 1890. L'architecte principal du bureau KAAN, Mme Dikkie Scipio (1), a conduit les travaux dans son concept. De notre côté, il s'agissait d'avoir plus de salles pour nos expositions ainsi qu'une climatisation plus réglementaire et optimale. N'oublions pas que ce bâtiment fut conçu aux XIXe siècle. L'architecture des musées et leurs conceptions depuis le XXe siècle a connu bien des changements à tous les niveaux structurels, et nous devons être plus exigeants et au diapason des nouvelles technologies muséales. On a structuré les salles différemment selon plusieurs phases. Car dans le musée, il y avait des tableaux comme ceux de Rubens, entre autres, de très grande dimension, qui ne pouvaient pas être exposés habituellement ; certains par leur taille ne peuvent pas sortir du bâtiment. On a ainsi réalisé dans le premier plan de restructuration un stockage pour ces tableaux (1600 m2 environ), avec un nouveau système de rangement. Au cours de cette rénovation de l'ensemble, il a fallu créer un nouveau volume dans la partie ancienne et principale du musée. L'architecte a restructuré une partie de l'ancien aménagement des salles du musée pour ajouter ce nouveau volume. Ainsi on a acquis plus de surface et de volume pour exposer nos chefs-d'œuvre. Nous avons par conséquence plus de possibilité pour nos expositions temporaires dans ces nouvelles salles. Cela nous évite de retirer certaines œuvres anciennes comme par le passé pour laisser la place aux nouvelles expositions de la modernité.

P. A. : Quelle est l'approche que vous allez avoir pour cette nouvelle ère du KMSKA ?
Y aura-t-il des nouveaux projets dans domaine de l'art moderne et contemporain ?

C. W. : Le musée est historiquement une institution scientifique. La première exposition est consacrée au Study Heads, notamment les têtes que Rubens réalisait afin de les utiliser dans les différentes peintures de portraits, c'est-à-dire des « caractères », des « tronies » . D'autres peintres de cette époque les utilisaient également – tel Jan Lievens qui s'inspirait aussi de Van Dyck, Frans Hals, ou Rembrandt… Ces œuvres, qui n'avaient pas de valeur à leur époque, sont maintenant très prisées par les musées du monde entier. Elles ont été revalorisées et mise en exergue avec le temps. Nous allons en rassembler un certain nombre afin de montrer quel a été le processus créatif de ces grands peintres comme Rubens, Van Dyck, Rembrandt …
Nico Van Hout notre spécialiste de Rubens a réalisé une grande étude pour le projet Rubenianum (2) – projet de cet institut de recherche qui a débuté il y a une vingtaine d'année. Cette recherche, ce corpus initié par le Rubenianum, s'attache autour de la figure de Rubens. C'est notre première exposition.

La collection du musée commence au XIVe siècle jusqu'à nos jours. Nous avons plus de huit mille œuvres… Et nous présentons six cent quarante œuvres de la collection permanente à l'ouverture. Au fil du temps nous en montrerons d'autres. Cette collection sera vivante. Aux côtés des maîtres anciens, nous avons le point pivot de l'année 1880 – la charnière de notre musée (3) Ainsi la figure de James Ensor est très importante. Cet artiste s'est toujours donné comme but d'être innovant. C'est une figure majeure et symbolique pour nous. Il nous montre comment procédait le regard et la vision de l'art chez les maîtres anciens, et comment les artistes modernes réfléchissaient aux maîtres anciens. La seconde exposition mettra en valeur la figure de James Ensor (1860-1949, à Ostende). Nous avons la plus grande collection de cette artiste à Anvers. Nous organiserons dans la ville plusieurs expositions autour de lui, et bien sûr à Ostende, sa ville natale, et à Bruxelles aussi, car on célèbrera les soixante-quinze ans de sa mort. Ensor était aussi musicien (4). Il s'adonna les dernières années de sa vie à la musique contemporaine.

Aujourd'hui, le musée, qui s'est enrichi d'une partie nouvelle architecturalement, permettra d'exposer les maîtres modernes. Nous ferons des installations, des permutations d'œuvres en relation entre les maîtres contemporains et les maîtres anciens. Ce sont, par exemple, Rik Wouters, Henri De Braekeleer, Magritte… Constant Permeke (1846-1952) … Nous avons une grande salle pour le XIXe siècle que nous mettons en valeur différemment. Le parcours entier du musée dans toutes les galeries fait presque deux fois quatre kilomètres ! Les salles racontent à leur manière des brèves histoires de la peinture avec de nouvelles installations multimédias de manière ludiques afin de mieux percevoir et comprendre l'histoire de cette collection historique de tableaux. Des artistes de disciplines différentes interviendront prochainement, dans ce cadre contemporain, pour donner leur propre lecture de la collection du musée, de certaines œuvres en particulier. Des résidences d'artistes ont été initiées dans notre programme, à cet effet. C'est une manière pour nous d'attirer dans le musée un plus large public d'horizons différents et de tout âge. D'avoir un musée vivant !
The Royal Museum of Fine Arts Antwerp (KMSKA) is the largest art museum in Flanders. The museum contains outstanding works by the Flemish Primitives (Jan van Eyck, etc.) and the Antwerp Baroque (Rubens, Van Dyck, Jordaens), as well as an extensive collection of modern art by Rik Wouters, Henri de Braekeleer and René Magritte. The flagship of the collection is the James Ensor collection, the largest in the world. The restoration is currently being finalised. On 24 and 25 September (2022), after more than ten years of closure, the KMSKA will celebrate its reopening with the Most Graceful Festival.

Patrick Amine: What about the new KMSKA, which will reopen on 24 September? What about its restoration and its new museum configuration? Could you outline the different phases of the project?

Carmen Willems: The museum was closed in 2011. The restoration project started in 2004. The museum building and the art collection belong to the Flemish government. As the building had become dilapidated and we no longer had room to display the works of art in the collection, a renovation/restoration was necessary. At the time of the consultation with the government, the budget was not yet sufficient to consider a complete renovation of the museum. The historic building dates from 1890. The main architect of the KAAN office, Dikkie Scipio (1), carried out the work in her concept. For our part, the aim was to have more rooms for our exhibitions and a more regulated and optimal air conditioning system. Let us not forget that this building was designed in the 19th century. Museum architecture and design since the 20th century has undergone many changes at all structural levels, and we have to be more demanding and in tune with new museum technologies. The rooms have been structured differently in different phases. Because in the museum there were paintings such as those by Rubens, among others, which were very large and could not normally be exhibited; some of them, because of their size, could not leave the building. In the first restructuring plan, a storage area was created for these paintings (about 1600 m2), with a new storage system. In the course of this renovation of the whole, it was necessary to create a new volume in the old and main part of the museum. The architect restructured part of the old layout of the museum rooms to add this new volume. In this way, we have acquired more surface area and volume to display our masterpieces. As a result, we have more room for our temporary exhibitions in these new rooms. This means that we don't have to remove some of the old works as in the past to make room for the new modern exhibitions.

P. A.: What is your approach to this new era of the KMSKA?
Will there be any new projects in the field of modern and contemporary art?

C. W. The museum is historically a scientific institution. The first exhibition is devoted to Study Heads, in particular the heads that Rubens made for use in the various portrait paintings, i.e. "characters", "tronies" (*). Other painters of the time also used them - such as Jan Lievens, who was also inspired by Van Dyck, Frans Hals, or Rembrandt… These works, which had no value in their time, are now highly prized by museums throughout the world. They have been revalued and highlighted over time. We will collect a number of them in order to show the creative process of these great painters such as Rubens, Van Dyck, Rembrandt…
Nico Van Hout, our Rubens specialist, has carried out a major study for the Rubenianum project (2) - a project of this research institute that began some twenty years ago. This research, this corpus initiated by the Rubenianum, focuses on the figure of Rubens. This is our first exhibition.

The museum's collection begins in the 14th century and continues to the present day. We have more than eight thousand works… And we are showing six hundred and forty works from the permanent collection at the opening. Over time we will show more. This collection will be alive. Alongside the Old Masters, we have the pivotal year 1880 - the pivotal year of our museum (3). This artist always set himself the goal of being innovative. He is a major and symbolic figure for us. He shows us how the ancient masters looked at and saw art, and how modern artists reflected on the ancient masters. The second exhibition will focus on James Ensor (1860-1949, Ostend). We have the largest collection of this artist in Antwerp. We will be organising a number of exhibitions around him in the city, and of course in Ostend, his birthplace, and in Brussels too, as we will be celebrating the seventy-fifth anniversary of his death. Ensor was also a musician (4). In the last years of his life he devoted himself to contemporary music.

Today, the museum, which has been enriched with a new architectural section, will be able to exhibit the modern masters. We will do installations, permutations of works in relation to the contemporary masters and the old masters. These are, for example, Rik Wouters, Henri De Braekeleer, Magritte… Constant Permeke (1846-1952). We have a large room for the nineteenth century which we will showcase in a different way. The entire museum route through all the galleries is almost two times four kilometres long! The rooms tell short stories about painting in their own way, with new multimedia installations in a playful way, so that the history of this historic collection of paintings can be better perceived and understood. Artists from different disciplines will soon intervene in this contemporary setting to give their own interpretation of the museum's collection, and of certain works in particular. Artist residencies have been initiated in our programme for this purpose. This is a way for us to attract a wider public from different backgrounds and of all ages to the museum. To have a living museum!
 
 
Propos recueillis par Patrick Amine
Interview by Patrick Amine
Antwerp, septembre 2022

KMSKA   kmska.be
Carmen Willems KMSKA

Carmen Willems KMSKA

 
 
Note : Les samedi 24 et dimanche 25 septembre, le KMSKA inaugure sa réouverture avec un festival d’art. Le parvis du musée accueillera différents spectacles et festivités. Les salles du musée, fraîchement rénovées, seront animées par des activités festives. KMSKA ouvre ses portes avec le festival d'ouverture le plus gracieux. Car la fête est aussi un art.
 
 
Notes sur la restauration et la rénovation du KMSKA :
(1) "Le musée du XXIe siècle et celui du XIXe siècle sont extrêmement différents, chacun avec sa propre intensité. Ils sont l’incarnation d’un contraste emblématique tant par leur taille que leur lumière et leur atmosphère, ils ont été conçus comme des espaces flexibles pour accueillir les expositions à venir", explique Dikkie Scipio, architecte et cofondatrice de KAAN Architecten. Il s’agit ici des espaces nouveaux et modernes et des espaces historiques.
KAAN Architecten dévoile l’étape principale de son intervention au Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA), un projet porté par le ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Médias du Gouvernement Flamand, lequel a investi environ 100M€ pour l’ensemble de cette rénovation (30 000 m²).
S’élevant sur les ruines d’une citadelle du XVIe siècle et inséré dans un remarquable tissu urbain à la structure étoilée, le musée, créé au XIXe siècle par les architectes Jacob Winders et Frans Van Dyck, a ouvert ses portes au public en 1890. L’agence néerlandaise KAAN Architecten a livré en 2021, la rénovation et l’extension du Musée Royal des Beaux-Arts à Anvers (Belgique) : le KMSKA (Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen) dont l’agence avait travaillé sur le plan directeur. Dans ce projet complexe, KAAN Architecten donne un charme contemporain à un bâtiment du XIXe siècle longtemps négligé. Le bâtiment, l’un des derniers représentants d’une architecture néoclassique audacieuse à Anvers, abrite une somptueuse collection d’art, qui s’étend sur sept siècles, des primitifs flamands aux expressionnistes, et qui comprend des peintures, des dessins et des sculptures.
(2) Arnout Balis, au Rubenianum, Anvers (Belgique) – Voir notre interview avec Nico Van Hout, à paraître dans le Bulletin des Amis du Louvre : Amis du Louvre-Grande Galerie, n° septembre 2022.
(3) L’œuvre d’Ensor constitue dans la collection du KMSKA le point de pivot entre l'art avant et après 1880. Elle crée le lien entre l'art où récit et image réalistes prévalent, et où lumière, couleur et forme sont librement utilisées, dans ce large spectre.
(4) La tentation de Saint Antoine de James Ensor, a été offerte par Henry Capo, mathématicien et collectionneur canadien, au musée, en 2019.)



Notes on the restoration and renovation of the KMSKA:
(*)Dutch word for faces in Flemish Baroque painting in the 17th century, combining elements of history and genre scenes in portraits.
(1) "The 21st century museum and the 19th century museum are extremely different, each with its own intensity. They are the embodiment of an emblematic contrast in size, light and atmosphere, and were designed as flexible spaces to accommodate future exhibitions," explains Dikkie Scipio, architect and co-founder of KAAN Architecten. These are the new and modern spaces and the historic spaces.
KAAN Architecten is unveiling the main stage of its intervention at the Royal Museum of Fine Arts Antwerp (KMSKA), a project supported by the Ministry of Culture, Youth and Media of the Flemish Government, which has invested around €100 million in the entire renovation (30,000 m²).
Standing on the ruins of a 16th century citadel and inserted into a remarkable urban fabric with a star-shaped structure, the museum, created in the 19th century by the architects Jacob Winders and Frans Van Dyck, opened its doors to the public in 1890. In 2021, the Dutch agency KAAN Architecten delivered the renovation and extension of the Royal Museum of Fine Arts in Antwerp (Belgium): the KMSKA (Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen) for which the agency had worked on the master plan. In this complex project, KAAN Architecten gives a contemporary charm to a long-neglected 19th century building. The building, one of the last representatives of bold neoclassical architecture in Antwerp, houses a sumptuous art collection spanning seven centuries, from the Flemish primitives to the expressionists, and including paintings, drawings and sculptures. (2) Arnout Balis, at the Rubenianum, Antwerp (Belgium) - See our interview with Nico Van Hout, to be published in the Bulletin des Amis du Louvre: Amis du Louvre-Grande Galerie, n° September 2022.
(3) Ensor's work is the pivotal point in the KMSKA collection between art before and after 1880. It creates the link between art in which realistic narrative and imagery prevail, and in which light, colour and form are freely used, in this broad spectrum.
(4) James Ensor's Temptation of Saint Anthony was donated to the museum by Henry Capo, a Canadian mathematician and collector, in 2019).

KMSKA opens its doors with the most graceful opening festival. On Saturday 24 and Sunday 25 September, the KMSKA will open its doors with an art festival. The museum's forecourt will host various performances and festivities. The newly renovated rooms of the museum will be animated by festive activities. For celebration the party is also an art.

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