Jef Rabillon, Un voyage dans le temps
Photographies à Saumur
 
Jef Rabillon
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Tout le parcours – jusqu'à aujourd'hui - du photographe angevin Jef Rabillon est présenté à Saumur, dans les hautes salles qui flanquent le théâtre du Dôme. 50 ans de photographie résumés en une centaine de clichés, voilà un programme dense. Le dispositif de la présentation - la scénographie a été conçue en collaboration avec le collectif Lucie Lom - est clair : Les œuvres respirent dans ce vaste espace, elles sont réparties dans trois salles en trois thématiques distinctes : les paysages, les scènes de rue et les spectacles, trois centres d'intérêt que l'artiste a approfondis avec obstination et fidélité depuis de longues années. Et si cette exposition retrace le parcours comme « un voyage dans le temps » de son existence, elle nous offre paradoxalement bien davantage un voyage dans l'espace, aux quatre coins de ce monde que le photographe, armé de son appareil, seul, en duo, ou avec femme et enfants, n'a cessé d'arpenter pour y aiguiser patiemment sa passion pour la lumière. C'est elle, à travers les différents sujets, qui donne son unité à toutes ses photos et qui fait apparaître le regard si personnel de l'artiste.

Dans les paysages, la nature est là, intemporelle. Seuls la métamorphosent la succession du jour et de la nuit, le cycle des saisons. Le photographe y perçoit les mille variations de la lumière, en capte les jeux contrastés ou au contraire les dégradés insensibles : ciels chargés, brumes étales, camaïeux de gris. Jef Rabillon explique d'ailleurs qu'il lui faut du temps – et la nature donne ce temps, dit-il -, que la photo résulte toujours d'une lente contemplation, d'une longue et curieuse observation, davantage même, d'une osmose avec la nature dans laquelle il se trouve plongé. Et de fait, comme spectateur, on ne reste pas au bord du cadre, à la surface du papier glacé, on a le sentiment de pénétrer par le regard dans l'épaisseur du paysage, dans son atmosphère rendue en quelque sorte palpable. Ainsi cette vue hivernale et matinale d'un bord de Loire, si surprenante, aux arbres blancs de givre, dont l'atmosphère humide étouffe les couleurs au point de donner l'illusion d'une photo en noir et blanc, n'étaient les touches de couleur que trahissent dans l'angle en bas à gauche le flanc de la barque et la terre du rivage. La photo n'est pourtant pas le résultat d'une manipulation, d'un usage de filtres, elle est captation pure d'un moment de grâce de la nature. On ne parle pas longtemps technique avec Jef Rabillon. La technique est là, elle ne s'interpose pas, ne fait pas obstacle, mais fonctionne depuis longtemps pour lui comme un acquis, un automatisme au service de la perception, de la sensation qu'il cherche à saisir.

Si les paysages nous font voyager de l'Anjou au Cap Nord, en Islande, en Irlande, les scènes de rue nous entrainent dans les rues de villes d'Europe ou d'Asie, à Brême, Cracovie, Séoul ou Manille. C'est l'occasion de portraits saisis au vol ou mis en scène, pleins d'humanité ou d'humour. Le choix du noir et blanc, pour lequel Jef Rabillon avoue une prédilection - car il ne détourne pas de l'essentiel -, lui permet de jouer des clairs-obscurs, de contrastes, de mises en lumière, comme ce portrait lumineux et charnel d'un adolescent des rues de Manille, pris de profil dans un repos précaire, sur le fond sombre d'un mur. Mais, on le voit par le sujet, la recherche n'est pas uniquement esthétique. Le photographe a toujours cherché dans sa vie à s'approcher des hommes, à témoigner avec son appareil notamment des plus humbles ou des laissés-pour-compte, vivant par exemple des mois avec les compagnons d'Emmaüs, ou ces dernières années, déambulant avec le clown Pat, au hasard des rues, pour aller au-devant des gens, faire naitre le rire : pour provoquer la rencontre et tisser du lien.

La dernière salle est toute entière consacrée aux spectacles, à la danse ou à l'opéra. On y reconnait la même attirance. La boite noire de la scène permet au photographe de retrouver, renforcés, exacerbés, les effets de contraste, d'ombre–lumière qu'il a déjà poursuivis dans la nature ou dans la rue. Il les retrouve inscrits dans l'espace opposant décor et personnages, pour mettre en valeur une attitude, un geste, une figure ou un groupe. La couleur bien présente ici ajoute à la vie des corps et à la vibration luxueuse des costumes. A l'opéra, par exemple, l'instantané, en figeant le personnage dans le décor, réussit à condenser de façon emblématique la symbolique de la mise en scène, comme dans cette photo du 2ème acte de Fidelio. Le personnage de Florestan recroquevillé comme au fond d'un puits est surplombé d'un immense mur de métal noir telle une coque de paquebot, tranché d'une lame aiguë de lumière qui plonge jusqu'à lui. Contraste violent qui dit autant la solitude du prisonnier que son salut qui lui viendra de l'héroïsme de Fidelio. Dans la danse, les effets de clair-obscur mettent en évidence la beauté comme arrêtée du geste, ou au contraire le bondissement, la fluidité des corps : tantôt la netteté du cliché donne aux corps des danseurs dans la lumière la densité de sculptures, tantôt le flou met en valeur leur légèreté aérienne. Ainsi à la lumière naturelle se substituent les lumières de la régie, qui mettent en relief la théâtralité des poses ou l'agilité virtuose des silhouettes : pour mettre au centre de la scène la figure humaine.

En somme, le nom du lieu où se produit cette exposition, le théâtre du Dôme, fait un admirable écho à l'ensemble des photos de cet artiste : il s'empare de son appareil pour créer des rencontres et nous restitue le monde comme un véritable théâtre de la lumière.
 
Gildas Portalis
Angers, mai 2023
 
 
Jef Rabillon, un voyage dans le temps, Théâtre Le Dôme, Saumur, du 11 avril au 14 mai 2023
www.rabillon.com - saisonculturelle.agglo-saumur.fr

Repères biographiques :
1958 Naissance à Sotteville-Lès-Rouen
1965 Son premier petit appareil photo offert par un oncle de retour des USA
1970 Ses parents lui offrent un petit 24X36 Zeiss Ikon. Premiers développements dans son coin labo bricolé
1981 Voyage à bicyclette jusqu'au Cap Nord durant cinq mois avec sa femme Ils s'installent dans un petit village des bords de Loire
1982 Réalisation d'un audiovisuel « Angers Cap nord à vélo »
sélectionné au festival de l'Aventure de Royan
1985 Début de son travail dans les studios du CNDC (Centre National de Danse Contemporaine)
1987 Début d'une collaboration avec l'atelier de scénographie Lucie Lom
1988 Statut de photographe indépendant (officiellement)
1994 Première exposition : photographies en noir et blanc, St Barthélémy d'Anjou
1996 Exposition Emmaüs, St Jean de Linière
1999 Exposition Danse contemporaine, Cholet, le jardin de verre
1999/2001 Réalisation d'audiovisuels pour les imaginaires de Loire à Montsoreau (49)
1999 Début d'une collaboration avec le collectif artistique ZUR.
2001 Le dimanche matin - exposition collective, Paris
2002 Exposition Regard sur le CNDC, Théâtre municipal d'Angers / Image de la femme, exposition collective Paris UPC
2003 Portraits soignants soignés sur l'aide à domicile, Angers ; Contre la guerre en Irak : Portraits, Angers
Exposition Un regard sur la danse contemporaine, festival images en scène, Saint-Junien (87)
2007 Photographe pour Angers Nantes Opéra
Exposition La danse entre au musée Jules Desbois, Parcay les pins
Exposition centre d'art, Montrelais
2011 Exposition Photos Angers Nantes Opéra, Théâtre municipal d'Angers
Exposition autour du collectif Zur, abbaye de Noirlac ; Exposition collective, abbaye de Tihany (Hongrie)
2014 Exposition Street children in Manila, Angers
2013 Exposition L'œil de Jef, Scènes musicales, Angers, Bouchemaine, Les Ponts-de-Cé, Beaucouzé
Exposition 60 portraits d'habitants, festival aux arts etc. Ecouflant
2014 Exposition : les deux veuves, Opéra de Prague
2015 Début du duo KlownKonzept, un clown et son photographe
2017 Exposition au fil du temps, Angers
2023 Exposition Un voyage dans le temps, Saumur

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