LE MAGAZINE
d'ExpoRevue
Marcel Duchamp à la lumière de Joseph Cornell
 

L'œuvre sophistiquée de Marcel Duchamp a suscité bien des commentaires et bien des détournements aussi. Parfois, au détour d'un livre ou d'une exposition, des pans entiers de la création de cet artiste apparaissent soudainement sous un jour nouveau.

L'exposition thématique, actuellement présentée à la Menil Collection, laisse entrevoir un propos qui bouleverse notre compréhension de l'œuvre de Marcel Duchamp. L'homme, encore une fois, nous échappe pour apparaître là où on ne l'attendait pas. Ici, nous découvrons un Duchamp plus humain, qui doute et s'interroge sur le devenir de son œuvre, un Duchamp qui découvre qu'un autre artiste partage la même sensibilité, la même passion pour l'archivage, la collection et l'information.

Joseph Cornell est encore peu connu en France malgré son importance dans l'art américain des années 30 et 40. L'histoire de l'art anglo-saxonne ne s'y est pas trompé en lui réservant une place de choix au sein du panthéon des artistes de ce siècle.

Joseph Cornell holding an Untitled Bottle Object, photograph by Duane Michals

Joseph Cornell holding an Untitled Bottle Object, photograph by Duane Michals



En 1933, lorsque les deux artistes se rencontrent, Marcel Duchamp est désormais une figure imposante du monde de l'art. Quant à Joseph Cornell, il n'est connu que pour quelques boîtes où s'entassent pêle-mêle des objets, des images et des fragments de journaux divers formant ainsi une sorte de poésie visuelle. Malgré la différence de caractère entre les deux hommes, ils se découvrent de nombreux points communs.

Marcel Duchamp commence alors la réalisation de ses fameuses Boîtes-en-valise, ces petits musées portatifs contenant des maquettes et des reproductions des principales œuvres qu'il avait déjà réalisées. A la recherche d'un assistant pour ce vaste projet, il trouve en Joseph Cornell un candidat idéal, personnage aussi maniaque qu'il peut l'être.

C'est à cette époque que Cornell commence à collecter avec passion des informations relatives à Marcel Duchamp : notes d'hôtel, pages manuscrites, billets d'avions, bouts de papiers divers. Rassemblées, ces pièces allaient dormir dans un tiroir jusqu'à leur découverte par Walter Hopps dans les effets personnels de Cornell, quelques mois seulement après sa mort en 1972. Présentée pour la première fois dans son intégralité, cette pièce à la fois imposante et précieuse, constitue l'événement de cette exposition. A la lecture du passionnant catalogue, on découvre que cette compilation de notes pourrait même avoir inspiré Marcel Duchamp pour la réalisation de son énigmatique Etant donnés 1° la chute d'eau 2° le gaz d'éclairage. On ne peut donc qu'applaudir la rigueur avec laquelle cette exposition a été construite. Libre de déambuler d'une œuvre à l'autre, le visiteur est à même de construire ses propres comparaisons, sa propre théorie sur les relations artistiques de ces deux hommes qui étaient avant tout d'excellents amis.

Marcel Duchamp - Etant donnés : 1° la chute d'eau/2° le gaz d'éclairage

Marcel Duchamp - Etant donnés : 1° la chute d'eau/2° le gaz d'éclairage


L'ouvrage publié à cette occasion se distingue pour les différents textes, à la fois précis et rigoureux, qui ouvrent de nouvelles perspectives dans l'interprétation de l'œuvre de ces deux artistes.

D. S.

Joseph Cornell/Marcel Duchamp ... in resonance, The Menil Collection, Huston, Etats-Unis, jusqu'au 16 mai 1999. Catalogue 475 illustrations.

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