Documenta 12, Kasssel 2007, reflet de la création artistique contemporaine
Documenta 12, Kassel 2007
reflet de la création artistique contemporaine
 
 
les choix
artistiques
soulèvent
plus de
questions
qu'ils
n'offrent de
réponses,
interpellent
plus
qu'ils ne
rassurent

Hu Xiaoyuan
 
Hu Xiaoyuan, Mine, 2004, Aquarell, 3 Braille bibles, watercolour
Sammlung Sigg, © Hu Xiaoyuan
 
 
"Décevante Documenta de Kassel" titrait Le Monde du 30 juin dernier.
Il faut reconnaître que côté français cette Documenta débutait mal après le reniement du Aue Pavillon par les architectes Lacaton et Vassal et l'absence quasi totale d'artistes hexagonaux sur les cimaises, seul Saâdane Afif brandissant le drapeau tricolore. Mais passons et n'allons pas jusqu'à dire que les articles dépréciatifs sur cette Documenta ne sont que le résultat d'une vexation mal placée, l'intérêt n'est pas là.
 
 
Hu Xiaoyuan
 
Hu Xiaoyuan, A Keepsake I cannot give away, 2005,
20 old embroidery frames, white twill-weave silk, hair of the artist
Sammlung Sigg, © Hu Xiaoyuan
 
 
Si les accrochages nous offrent une Documenta en quête de sens, où les oeuvres se conjuguent souvent en un joyeux chaos, ne devrions-nous pas y trouver une source de réflexion quant à la production contemporaine plutôt que de n'y voir qu'un échec des commissaires ? 5 ans pour prendre du recul, 5 ans pour élaborer l'exposition de référence… car se situe bien là l'enjeu des Documenta. Quid du résultat ?
Nous sommes loin de précédentes éditions qui dans une cohérence parfaite éclairaient le public et les avertis sur des courants artistiques définissables. La lacune de cette Documenta, si lacune il y a, est l'invisibilité d'un fil conducteur à l'image du marasme de la surproduction actuelle. D'intentions politiques et sociales (en partie à la génèse de la manifestation), en intentions écologiques, provocatrices et trop rarement poétiques et esthétiques, forment le fond de commerce de l'art contemporain d'aujourd'hui : qui ne serait pas perdu ?

Une Documenta, donc, comme un reflet des symptômes de la création artistique contemporaine, mais un foisonnement dont il faut cependant extraire quelques perles.
 
 
Simrin Gill
 
Simrin Gill, Throwback, Remade internal systems from a model 1313 Tata truck, circa 1985, 2007
matières végétales, © Simrin Gill, photo Jens Ziehe, documenta GmbH
 
 
Dans un souffle délicat et léger, Hu Xiaoyuan transporte sa maîtrise sur des supports à la mesure de la poésie qu'elle dégage. Une bouche enlevée, presque perdue dans une nappe de soie blanche (Fridericianum), l'intimité d'une femme contournant les reliefs d'un livre en braille (Schloss Wilhelmshohe), ces éléments éparses invitent à la douceur et à la crudité partagées. La dextérité de cette artiste gomme quelques instants précieux la vacuité de certaines oeuvres, qui ne trouvent de justification qu'en une intention grossière. Elle nous projette dans son passé, le nôtre, dans ses souvenirs, les nôtres, d'une universalité confondante. Sa jeunesse, elle a 30 ans, s'estompe dans l'intimité des atmosphères qu'elle évoque.

Dans cette conjugaison artistique au féminin, Sonate de Lili Dujourie saisit par un art faussement brut des fragments d'argile, de fabrication ambigüe, ni artisanale ni industrielle, qui reposent dans un jeu de matière, de rugosité, telle une invitation au toucher.

Récupération, usage de matériaux végétaux, animaux et minéraux dessinent les contours d'un art que nous pourrions qualifier d'environnemental. L'humour, plus que la dénonciation provocatrice souligne les dangers d'une société consumériste. Ainsi, Simryn Gill avec Throwback décline des pièces de machines parfaitement infonctionnelles, sorte de faux trésors marins, abîmés d'une rouille toute végétale. Il profite de dresser des ponts entre Asie et Europe, industrie et consommation, art et vie.
 
 
 
Lili Dujourie
 
Lili Dujourie, Sonate, 2007, clay, wood, 5 pieces each
© Lili Dujourie, photo : Jens Ziehe, documenta GmbH
 
 
Quelques impressions pour finir.
Inigo Manglano-Ovalle illumine d'un bleu saisissant grâce au prisme de son installation The radio la salle principale du pavillon de la presse. Impression fugitive où l'atmosphère elle-même devient oeuvre d'art.
Seul représentant français, Saâdane Afif nous propose Black Chords plays Lyrics, entre expérience spatiale digne de l'Ecole de Vienne et sculpture sonore. Iole de Freitas investit de toute l'ampleur de ses méandres de plexiglas l'une des salles du Fridericianum dans un jeu de lumière et de transparence impressionnant.

Alors "Décevante Documenta de Kassel" ou pas ? Peut-être pas tant que cela finalement. Plutôt qu'un cours d'histoire de l'art sur la production actuelle, les choix artistiques soulèvent plus de questions qu'ils n'offrent de réponses, interpellent plus qu'ils ne rassurent.
Et l'important ne réside-t-il pas là ?
Caroline Spindler
Kassel, septembre 2007
 
Iñigo Manglano Ovalle
 
Iñigo Manglano Ovalle, The Radio, 2007
© Iñigo Manglano-Ovalle, photo Katrin Schilling, documenta GmbH
 
 
Saâdane Afif
 
Saâdane Afif, Black Chords plays Lyrics, 2007
13 black computer programmed Les Paul Studio guitars, 13 amplifiers, electronics, wire
technical conception, programming : Guillaume Stagnaro
musical adviser : Benoît Navarret
© Saâdane Afif, Photos: Jens Ziehe, documenta GmbH

Documenta 12 Kassel du 16-06 au 23-09-2007, tous les jours de 10h à 20 h,  www.documenta12.de
lire aussi la Documenta, Kassel de Natalie Stefanov.

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