Claudia LavegasArtParis 2025
Claudia Lavegas
Il est des moments infiniment troublants où l'on ne regarde plus l'art : on le reçoit.
Dans le bruissement des allées du Grand Palais, au cœur d'Art Paris 2025, ce fut une évidence.
Un souffle. Un silence intérieur. Mon premier coup de cœur : Claudia Lavegas. Son nom, je ne le connaissais pas encore. Mais déjà, son œuvre m'avait touchée là où aucune explication ne peut aller. Quelque chose d'essentiel, de souterrain, de presque chamanique, s'est imposé. Comme si chaque ligne, chaque matière, chaque vibration sur la toile parlait une langue oubliée que mon âme reconnaissait. Claudia Lavegas – Les mémoires sacrées de la forme Peintre de l'invisible et architecte du sensible, Claudia Lavegas explore depuis des années les liens profonds entre espace, mémoire et sacré. Née au Vénézuela, architecte de formation, elle inscrit dans chacune de ses œuvres une quête : celle d'un langage universel, traversant les cultures, les temps, les continents. Depuis sa découverte du village de Mayupa, en Amazonie, en 2017, une forme l'habite : la Churuata, hutte indigène à l'architecture circulaire. Y pénétrer fut pour elle une révélation. "Comme entrer dans une cathédrale de bois", dit-elle. Ce cercle, omniprésent dans la nature et les traditions anciennes, devient dans ses toiles un symbole vivant de l'éternité, du divin, du lien. Un mandala organique, structuré par des lignes en relief comme des empreintes de mémoire. Ses œuvres, souvent empreintes d'or, de cuivre ou d'argent, résonnent avec les matières premières de son pays — ces richesses extraites jusqu'à l'épuisement du vivant. Avec une patiente obstination, elle trace ligne après ligne, une cartographie sensible des blessures de la Terre et de ses ressources saccagées. Mais l'œuvre de Claudia ne s'arrête pas au constat ni à la dénonciation silencieuse des blessures infligées à la Terre. Elle opère un geste de réenchantement. Ligne après ligne, point après point, elle sème sur la toile des milliers de cellules organiques, comme autant de semences de conscience. Ce ne sont pas seulement des formes : ce sont des présences, des promesses de régénérescence. Par ce geste patient, obstiné, presque liturgique, elle replante symboliquement la vie là où tout semble stérile. L'art devient acte de réparation. Comme une guérisseuse, elle convoque l'énergie du végétal, la mémoire cellulaire du vivant, pour recréer du lien, redonner forme à ce qui fut arraché. Le végétal devient langage, l'arbre redevient axe. L'artiste nous rappelle que ce que la main détruit, la main peut aussi, parfois, commencer à réparer. Son œuvre invite à cela : une lente germination de la beauté dans les interstices du ravage. À travers l'accumulation de ces gestes, l'arbre réapparaît. Figure verticale, enracinée dans la Terre et tendue vers le Ciel, il retrouve sa fonction ancestrale de passeur entre les mondes. Axe de vie, lien entre visible et invisible, entre ce qui fut et ce qui peut advenir. En entrant dans le cœur des arbres, Claudia Lavegas cherche à percer le secret de leur vie intérieure — et, au-delà, à entrouvrir les portes de notre propre âme. Loin de toute géométrie froide ou théorique, son œuvre est traversée par une nécessité intérieure. Une tension douce entre intuition et structure. Une architecture de l'invisible, où chaque ligne est mémoire, chaque matière devient symbole du vivant. Son art, profondément incarné, agit comme un rituel de reconnexion, une prière silencieuse à ce qui nous relie à la Terre, aux ancêtres, à l'Autre. Claudia Lavegas ne peint pas simplement ce qu'elle voit. Elle peint ce qui nous relie. |
Sacred Memories of Form
There are moments when we no longer look at art - we receive it. Wandering through the vibrant alleys of Art Paris 2025 at the Grand Palais, I experienced one of those moments. A stillness. A breath. My first true artistic encounter of the fair: Claudia Lavegas. Her name was unfamiliar. Yet her work reached me beyond words, beyond thought. Something ancient, intuitive, and deeply resonant moved within me—as if her materials and lines were speaking a forgotten language my soul remembered. Architect of space and painter of the invisible, Claudia Lavegas draws in each of her works a thread of universal connection—bridging time, memory, nature, and the sacred. Since discovering the Amazonian village of Mayupa in 2017, one shape has rooted her practice: the Churuata, an indigenous circular hut. Entering one, she recalls, felt like stepping into a wooden cathedral. The circle, recurring in both nature and ancestral traditions, becomes in her art a living symbol of eternity, divinity, and unity—a mandala of memory where all languages and existential quests converge toward the center. Her canvases - layered in golds, coppers, or silvers - echo the mineral wealth of her homeland and the environmental scars left behind. Line by line, she weaves a topography of wounded lands, transformed by patient, rhythmic gestures into silent poems of resistance. Yet her work does not stop at testimony. It re-enchants. Through thousands of tiny hand-drawn cells, Lavegas symbolically replants life where all seems lost. These are not mere forms—they are seeds of consciousness. Her repetitive, nearly liturgical gesture evokes a ritual of healing. The vegetal becomes language. The tree becomes axis. She reminds us that what human hands destroy, human hands can also begin to restore. Her art invites us to witness this: the slow blooming of beauty from within the scars. And then, the tree re-emerges—anchored in the earth, stretching to the sky. It becomes once again a bridge between the visible and the invisible, a vertical figure connecting the living and the ancestral, the present and the sacred. Lavegas does not paint abstraction. She paints what reconnects us. A practice rooted in necessity—poetic, spiritual, ecological—her work is not theory, it is urgency made form.
Edith Herlemont - Lassiat
Paris, mars 2025 |
Memorias sagradas de la forma
Hay momentos en los que uno ya no mira el arte… lo recibe. Fue en los pasillos vibrantes de Art Paris 2025, en el Grand Palais, donde viví uno de esos instantes suspendidos. Un soplo. Un silencio interior. Mi primer flechazo del salón : Claudia Lavegas. Su nombre me era desconocido, pero su obra me atravesó sin que hiciera falta entender Algo antiguo, visceral, profundamente reconocible. Como si cada trazo, cada materia, hablara un idioma olvidado que mi alma recordaba. Arquitecta del espacio y pintora de lo invisible, Claudia Lavegas entreteje en cada obra un hilo de conexión universal—entre el tiempo, la memoria, la naturaleza y lo sagrado. Desde que descubrió el pueblo amazónico de Mayupa en 2017, una forma guía su creación: la Churuata, choza indígena de estructura circular. Al entrar, cuenta, sintió que ingresaba a una catedral de madera. El círculo, presente en la naturaleza y en los rituales ancestrales, se convierte en su obra en símbolo vivo de eternidad, divinidad y vínculo. Un mandala de memoria, donde todas las búsquedas existenciales convergen hacia el centro. Sus telas—con tonos dorados, cobrizos o plateados—evocan las riquezas minerales de su país y las cicatrices ecológicas de su explotación. Trazo a trazo, construye una cartografía de las heridas, que transforma en poemas silenciosos de resistencia. Pero su obra no se detiene en la denuncia. Reencanta. A través de miles de células dibujadas a mano, Claudia replanta simbólicamente la vida donde todo parece estéril. No son formas: son semillas de conciencia. Su gesto paciente, casi litúrgico, actúa como un rito de sanación. Lo vegetal se vuelve lenguaje. El árbol, eje. Nos recuerda que lo que la mano destruye, también puede empezar a reparar. Su arte es eso: una lenta germinación de belleza en medio de la cicatriz. Y entonces, el árbol reaparece—arraigado en la tierra, elevado al cielo. Vuelve a ser puente entre lo visible y lo invisible, figura que conecta lo humano con lo sagrado, lo ancestral con el ahora. Lavegas no pinta la teoría. Pinta lo que nos une. Una obra nacida de la urgencia interior—poética, espiritual y ecológica—que transforma la herida en símbolo de vida. |
Claudia Lavegas