Domaine de Chaumont-sur-Loire
Saison art contemporain 2023
 
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
 
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023

Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023

Stefan Râmniceanu, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Saison art contemporain 2023

Chantal Colleu-Dumond en son jardin de Chaumont-sur-Loire

C'est une poupée au visage de porcelaine d'un blanc diaphane. Jamais les rayons des soleils des cieux sous lesquels elle a vécu ne l'ont, semble-t-il, teinté. Cette image d'une pureté presque angélique cache pourtant (à peine) un personnage d'une rare force psychique et d'une détermination sans pareille. Chantal Colleu-Dumond, aujourd'hui à la tête du domaine de Chaumont et à ce titre de l'incontournable Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire est, au sein de l'administration française, ce que certains, jaloux, pourraient qualifier d'électron libre tant son parcours peut passer pour éclectique. Il ne l'est pas. Les fonctions que depuis longtemps elle occupe, à des postes de responsabilités, sont variées, certes ; une cohérence se décèle néanmoins dans ce parcours professionnel exceptionnel.

J'ai connu Chantal en 1994 au DAI (département des affaires internationales) du ministère de la culture. A l'époque, ce département était directement rattaché au cabinet du ministre, ce qui lui donnait une marge de manœuvre qu'hélas il a perdu. Cette "autorité hiérarchique" auprès des différentes directions du dit ministère permettait de mettre en œuvre dans le domaine international et européen de grands projets mais aussi d'être à la manœuvre et en tête de ligne dans le domaine très politique des affaires européennes. Je l'ai vérifié lors de la Présidence française de l'Union européenne durant les six premiers mois de l'année 1995. Les projets que Chantal initiait et conduisait dans l'esprit de dialogue et de respect qui la caractérise et grâce aux équipes qu'elle a toujours remarquablement fédérées autour d'elle, déjà, la paraient d'une autorité morale incontestée. Aujourd'hui au ministère de la Culture ce "jacobinisme" n'est plus de mise. Chacune de ses grandes directions agît dans son coin.

Agrégée de lettres classiques Chantal Colleu-Dumond a peu enseigné. Elle aurait pu s'installer à Tours, sa ville natale et, en bon fonctionnaire dont le diplôme trace toute une carrière, servir l'État français dans un lycée. Mais, très vite, c'est l'action culturelle et internationale qui attirent la jeune enseignante. Par voie de détachement du ministère de l'éducation nationale au ministère des affaires étrangères elle devient responsable d'institutions culturelles françaises à l'étranger : en Allemagne, à Essen d'abord elle dirige de septembre 1982 à septembre 1984 l'Institut français qui propose un enseignement de notre langue et un programme d'actions autour de la culture française ; à Bonn (alors capitale fédérale) elle est, de septembre 1984 à août 1988, attachée culturelle près l'ambassade de France ; en Roumanie, nommée en septembre 1988, elle devient conseiller culturelle et scientifique de l'ambassade de France à Bucarest. Elle y vit la révolution qui détrône Ceausescu. De retour en France elle est en 1991 adoubée par Jack Lang chef du département du DAI au ministère de la Culture et de la Communication qui deviendra avec Jacques Toubon (quelle servira aussi jusqu'en août 1995), ministère de la Culture et de la Francophonie. En septembre de la même année elle gagne l'Italie comme conseiller culturel près l'ambassade de France. Là, elle fait la connaissance de Jean-Paul Pigeat, fondateur du Festival des jardins de Chaumont … En 1999, elle est de retour en France, plus exactement en Anjou. Elle occupe dans un premier temps le poste de chef de projet puis devient directrice de l'abbaye royale de Fontevraud avant, en 2003, de repartir en Allemagne mais à Berlin cette fois. Elle y dirige l'Institut français jusqu'en 2007, année où elle revient en France pour prendre la direction du domaine de Chaumont-sur-Loire qui vient d'être acquis par la Région Centre et labellisé "Centre culturel de rencontre". Sa mission est de développer un projet mêlant art contemporain, art des jardins et patrimoine. Elle dirige donc également le Festival international des jardins et en quelque sorte succède à Jean-Paul Pigeat, mort d'une crise cardiaque en 2005. En 2019, sous sa houlette, le Festival des jardins, qui présente dans un écrin de verdure des travaux d'artistes-paysagistes s'inspirant de la nature, est devenu une véritable institution. Il obtient, le prix spécial de la Fondation Schloss Dyck qui chaque année est décerné par le "Réseau européen du patrimoine des jardins" l'EGHN (European Garden Héritage Network).

L'idée initiée en 1992 par Jean-Paul Pigeat de créer, dans un domaine de plus de trente-deux hectares (que Chantal n'a de cesse d'agrandir), un festival éphémère consacré à l'art des jardins sur un thème nouveau chaque année était avant-gardiste. Même si la mode des jardins commençait à poindre, il l'a fortement médiatisé et surtout il a imposé un concept considéré alors comme sacrilège, celui de ne pas inscrire dans la durée la création et l'architecture de son jardin créé le temps d'un festival. Le château de Chaumont, d'époque renaissance, a été construit entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle sur les vestiges d'une bâtisse plus ancienne érigée par Eudes Ier, comte de Blois pour surveiller la frontière entre le comté de Blois et le comté d'Anjou. C'est ce qui explique sa position dominante exceptionnelle en bord de Loire. Le parc actuel "à l'anglaise" a été (re)dessiné à la demande du prince de Broglie, propriétaire de l'époque, par Achille Duchêne (1866-1947), architecte paysagiste attitré de la haute société à la fin du XIXe siècle. Suite à un revers de fortune de sa veuve devenue princesse d'Orléans et Bourbon, l'État français en fait l'acquisition en 1938. Le domaine sera plus tard géré via un organisme sous tutelle du ministère de la culture alors connu sous le nom de Centre des monuments historiques. Jack Lang, dont Jean-Paul Pigeat avait été le conseiller jardin au ministère de la culture, est alors député de Loir-et-Cher et maire de Blois. Il pèsera de tout son poids sur le destin du domaine tel que nous le découvrons aujourd'hui et je gage qu'il n'a pas été pour rien dans le choix de Chantal Colleu-Dumond lorsqu'il s'est agi de redonner un nouveau souffle au Domaine de Chaumont-sur-Loire.
 
 
Philippe Albou
Chaumont-sur-Loire
avril 2023
 
Chantal Colleu-Dumond et Philippe Albou
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire, Saison art contemporain, 2023

Cette nouvelle exposition est placée sous le titre de la poésie et des contes de fées comme indiqué dans la communication de l'événement. Nous remarquons immédiatement la très originale création de Bob Verschueren, artiste belge qui n'est pas à sa première présence dans le Domaine de Chaumont ; les précédentes années, il avait réalisé un serpent de branches sèches entrelacées qui est resté dans le jardin, et quelques autres. Aujourd'hui sa création-installation, Le clan des voltigeurs, est emplie de poésie, étonnante et subtile par son idée. Chez lui, chaque œuvre "a valeur de métaphore et non de symbole. Je ne souhaite pas encapsuler mes installations dans des lectures obligées, univoques. Je préfère les garder ouvertes à la lecture de chacun, avec sa propre sensibilité, ses propres acquis. Je cherche à ce qu'elles aient un caractère événementiel. Lorsqu'une installation entre en résonnance avec le lieu qui l'accueille, elle se pose alors comme une évidence, établissant une tension entre l'intemporel de la proposition et son caractère éphémère". Ce Clan des Voltigeurs, ce sont 250 parallélépipèdes en bois au sommet de trois branches grandes branches dressées à la verticale tel un bouquet. Ce sont des nichoirs pour martinets, comme le précise l'artiste. Bob Verschueren s'intéresse particulièrement à la métamorphose et à la dégradation de la vie végétale. Ses œuvres ne sont pas toujours conçues pour durer, mais souvent pour vivre le temps d'une exposition, avant de se laisser disparaître. "Un coup de balai comme / un coup de vent. / Tout disparaît / à jamais / mais perdure dans nos mémoires". Toutes ses créations font corps avec le génie du lieu. Sans doute la plus intéressante et la plus surprenante dans l'espace choisi. Bob Verschueren se renouvelle sans cesse au fil des années.

Alechinsky a été invité pour une exposition inédite d'œuvres sur papier intitulée : A l'imprimerie – le catalogue est publié par les Ed. Gallimard –, dans les Galeries Hautes du Château. Ce sont plus de 200 œuvres rassemblées dans ces espaces : dessins, gravures, lithographies, estampes murales, ouvrages de bibliophilie et livres liés à la nature constituent une forme de rétrospective, de 1948 à 2020. Étonnante collection archivée par ses soins. Flashback. En 1951, il s'installe à Paris où il étudie la gravure auprès de Stanley William Hayter (signalons une exposition en cours de cet artiste remarquable, "Color in Motion", Galerie Vazieux, 5 bis rue du Louvre, Paris 1er – jusqu'au 13 mai 2023). Il prend connaissance à cette époque d'une revue de calligraphie japonaise et entreprend une correspondance avec le grand calligraphe Shiryu Morita. Stefan Râmniceanu propose une série de sculptures-objets à partir de l'univers des livres, par accumulation ou sous forme de conglomérat. Il est attaché à la tradition byzantine roumaine, comme il s'en réclame. Ses œuvres sont installées dans la Galerie basse, le Vestibule et la Salle de billard. Le grand artiste coréen, Lee Ufan (qui a été à Versailles en 2014 – nous avions réalisé à cet effet un film avec une caméra-drone, en collaboration avec la galerie Kamel Mennour, le château de Versailles et notre propre production). Il a tendu "un fil infini" dans les profondeurs de la Tour du Roi. Un miroir au sol installé au sol réfléchit la voûte et contribue par résonnance à l'histoire du lieu et à l'œuvre de Kounellis installée sous les cloches. Lee Ufan avait déjà réalisé une installation à Arles très proche de celle-ci.

L'artiste d'origine polonaise, Vladimir Zbynovsky travaille avec le verre et la pierre, il a imaginé des sculptures qu'il a déposées dans le Pédiluve de la Cour de la Ferme, bassin d'eau. Ici, c'est la lumière qui joue avec ces ensembles de verre, des sortes de diamants qui réfléchissent une partie des espaces environnants. Ses œuvres sont poétiques, légères et très belles. Il vient d'avoir une commande pour réaliser un nouvel autel pour la basilique Saint-Denis. De Pascal Convert nous avons ses candélabres blancs, immaculés, sur la table de la Salle à manger de la princesse de Broglie. Quant aux trois sculptures en céramiques agencées par Grégoire Scalabre sous forme de volume qui font penser à de grands coquillages, elles ont été installées dans deux vastes espaces des Écuries du Domaine. L'Ultime Métamorphose de Thétis est le titre qu'il a donné à cette œuvre majestueuse. L'artiste nous interroge sur nos perceptions des choses et des objets artistiques. D'une certaine manière, il tend à provoquer à sa manière le spectateur en lui posant des questions sur les matériaux employés : Est-ce de la pierre ? Est-ce de la porcelaine ? Est-ce du caoutchouc ? Grégoire Scalabre a reçu le Prix Liliane Bettencourt pour l'intelligence de la main - Talents d'exception. Une des plus belles réalisations de cette année. L'artiste irlandaise, Claire Morgan, dont les créations ont toujours un côté inquiétant, a l'habitude travailler avec des animaux naturalisés. Elle a suspendu un canard au milieu d'une pluie de fibres en plastique blanc qui font penser à une moustiquaire trouée par-ci par-là, dans la Grange aux Abeilles. Surprenant et proche de l'univers des cabinets de curiosités. Nous avons vu ses créations au château d'Oiron et au musée de la Chasse et de la Nature à Paris. Fabrice Hyber a plongé ses pinceaux dans la chlorophylle ; il a peint des arbres dans la forêt, sur de longs pans de toiles et papiers divers, installés dans les Galeries de la Cour Agnès Varda. Tout est vert et blanc, ça respire la forêt et les jardins ! L'artiste belge Yves Zurstrassen nous a montré des tableaux qui évoquent les fleurs et la nature. Sophie Blanc, dans l'Asinerie, nous promène dans un décor onirique et poétique. Très minimaliste. Il y a dans le Parc historique, de nouvelles silhouettes hiératiques de Christian Lapie et aussi des sculptures de Denis Monfleur.

Lionel Sabaté, l'artiste le plus jeune de cette saison, a créé une sorte de "Membrane", intitulé Chemins croisés, une œuvre in situ (construite avec du ciment et filasse végétale appliqués sur du fer à béton) qui se dresse dans une partie du jardin, non loin d'un bosquet, qui permet au visiteur d'entrer dans ses entrelacements de branches… Il a l'habitude de prendre en écharpe tout le vivant : végétal, animal, humain, toutes formes de vie et d'autres à découvrir qui sont au centre de ses recherches. Par exemple, dans d'autres réalisations, il s'emploie à des collectes improbables (ongles, peaux mortes, poussière, cendre…), récupère des éléments de nature (souches, arbres, végétaux), oxyde le métal, agrège le ciment sur du fer à béton…
Lionel Sabatté souhaite que nous entrions en communication avec la matière. De sentir l'énergie qui s'en dégage, pour en quelque sorte renouveler notre approche totale de notre environnement immédiat. Il s'agit de réactiver, notamment, nos sensations quand on est confronté à une œuvre d'art ; il faut en faire l'expérience en se frottant à elle, en la traversant, physiquement et sensoriellement. Il disait dans un entretien : "J'aime l'idée de ruines en construction, les deux versants réunis." Ses élans créatifs sont pleins de vigueur et de recherches qui tendent vers l'insolite. Ici, c'est un lieu de passage, un refuge, une manière de rêver, de jouer dans l'immensité d'un jardin ouvert sur la Loire.
One more time, allons au Domaine de Chaumont-sur-Loire, respirer des bulles d'imaginaires et d'entrer en symbiose avec les visions d'artistes libres.
Patrick Amine
Chaumont-sur-Loire
Avril 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire, Saison art contemporain, 2023, du 1er avril au 21 octobre 2023.
Domaine de Chaumont-sur-Loire 41150 Chaumont-sur-Loire.
domaine-chaumont.fr/saison-d-art-2023, tél. : +33 2 54 20 99 22.

Note :
Les artistes de cette saison 2023 : Alechinsky, Stefan Râmniceanu, Lee Ufan, Pascal Convert, Grégoire Scalabre, Claire Morgan, Fabrice Hyber, Bernard Schultze, Yves Zurstrassen, Sophie Blanc, Vladimir Zbynovsky, Christian Lapie, Denis Monfleur, Lionel Sabatté, Bob Verschueren.
 
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023
 
Domaine de Chaumont-sur-Loire Saison art contemporain 2023

Alechinsky, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Saison art contemporain 2023

 
 

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