16ème Biennale de Lyon
Manifeste de la fragilité : Un mode d'une promesse infinie
Biennale de Lyon 2022
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Archives Chekri Ganem

"Le manifeste de la fragilité inscrit la fragilité au cœur d'une forme génératrice de résistance encouragée par le passé, sensible au présent et prête à affronter l'avenir. Elle imagine un monde où la vulnérabilité n'est plus considérée comme un signe de faiblesse, mais bien comme un fondement de l'émancipation."
"Un monde d'une promesse infinie regroupe une foule de pratiques créatives et d'objets qui évoquent la vulnérabilité des personnes et des lieux de diverses manières."* annoncent les commissaires.

La pandémie que nous avons vécue, nous a fait prendre conscience de l'importance du corps dans tous ses états, de la vulnérabilité de la condition humaine et des instabilités sociétales à un niveau global. De cette fragilité peut naître une résilience qui serait un atout pour l'avenir. Ce concept est la base de cette biennale.
D'une sélection d'artistes internationaux, issus de divers milieux et cultures, la biennale nous propose une réflexion, une proposition d'envisager le futur tout en revisitant l'Histoire et le confrontant à la création contemporaine.

La biennale se structure en trois strates que nous commençons au troisième étage du Musée d'art contemporain avec l'exposition "les nombreuses vies et morts de Louise Brunet". Cette étape est déconcertante car de prime abord le visiteur ne comprend pas ce que cela vient faire dans une biennale d'art contemporain. L'exposition se présente en différents espaces où sont évoqués la vie d'une mystérieuse Louise Brunet, une jeune fileuse de soie lyonnaise du XIXe siècle qui participa à la révolte des Canuts, fit de la prison puis partit au Liban. C'est d'autant plus déconcertant que cette personne change d'identité dans chaque étape et qu'elle n'est évoquée que par des œuvres et des objets multiples et temporels évoquant les différentes époques et contextes de sa vie autour de récits fictionnels. Elle deviendra ainsi aussi une femme sénégalaise fuyant l'exposition coloniale ou une artiste gay mourant du Sida,… Passant de la France au Liban, et revenant en France, elle symbolise la multiplicité et la fragilité de parcours réécrits entre réalité historique et fiction. Les artistes contemporains sont aussi des nomades, ils naissent dans un pays, vivent et travaillent dans un autre et s'exposent encore dans d'autres.
Cette partie met en lumière aussi les rapports historiques entretenus entre les deux villes au XIXe siècle autour du commerce de la soie et au XXe siècle lors du mandat français de 1920 à 1943.

Ensuite le deuxième et premier étage du musée, nous transportent à Beyrouth «le Paris du Moyen-Orient», dans les années 50/70. "Beyrouth et les Golden sixties", avec une évocation de la vie moderne de la société libanaise à cette époque. Période riche et fascinante où la vie politique et artistique fut foisonnante et internationaliste mais qui finira par prendre fin dans la guerre civile dans les années 70. Nous y découvrons des œuvres modernistes et des documents de l'époque peu connus du public européen. Cette partie fut co-produite avec le Gropius Bau de Berlin et le Mathaf de Doha.

L'installation vidéo - Comme la nuit se fait quand le jour s'en va (2022) - de Joana Hadijthomas & Khalil Joreige, faite de diverses prises de vue des caméras de surveillance du Musée Sursock, dans les derniers moments avant l'explosion du 4 août 2020 qui avait détruit en quelques secondes un tiers de la ville, nous plonge dans une réflexion sur la fragilité des œuvres d'art, des êtres et sur la vulnérabilité du monde et de la vie en général. Beyrouth comme ville est en soit un manifeste de la fragilité et ces salles sont comme un avant-propos au concept développé par les commissaires dans les autres lieux.

Les commissaires Sam Bardaouil / Till Fellrath souhaitent nous plonger dans une expérience qui prend la ville de Lyon et son histoire comme point central. Lieu d'Histoire et d'histoires. Lieux de mémoires et de temporalités. Ils nous proposent de visiter différents lieux historiques où se confrontent avec le patrimoine les artistes choisis cette année.
Ce patrimoine révèle ces cicatrices et par les récits qu'il véhicule, les traces indélébiles du temps. La confrontation entre le nouveau et l'ancien met en évidence cette alternance entre prospérité et déclin qui constitue les cycles de notre fragilité universelle. Et c'est au cœur même de cette partition que commence la promesse d'un monde en changement.

"La possibilité d'exploiter le pouvoir émancipateur de la fragilité pour parvenir à une résilience collective."*. Voilà, un monde d'une promesse infinie.

Le Musée d'Histoire Gadagne, le Lugdunum musée et théâtre romains, le Musée de Fourvière, le Musée des Beaux-Arts et bien d'autres lieux participent et accueillent les artistes. Parmi eux, le Musée Guimet, ancien musée d'histoire naturelle, est un lieu emblématique, désuet et en friche depuis plusieurs années, il fait figure d'exception. Les artistes y font dialoguer les œuvres avec la mémoire du lieu. Cela permet aux visiteurs de découvrir des installations grandioses d'artistes comme celle d'Ugo Schiavi ou de Tarik Kiswanson qui établissent le dialogue en réutilisant les anciennes structures. Une vingtaine d'artistes ont pu s'investir dans ce lieu patrimonial qui mériterait une revalidation.
L'usine Fagor qui fut une découverte de la biennale précédente semble avec pris ses marques. Ce lieu aux possibilités multiples et grandioses pour les artistes et commissaires ne dément pas ses promesses. Dans une scénographie très efficace le public décontracté déambule d'œuvre en œuvre dans l'espace central (halles1&7). Chaque artiste bénéficie d'un espace vaste, ce qui leurs permet de développer leur proposition dans un territoire propre. La lecture des œuvres dans un rapport à la thématique de la fragilité, nous fait envisager la notion de manifeste, tant dans toute œuvre, est présente et sous différents aspects la vulnérabilité des corps, des histoires, des techniques et des matériaux, des œuvres, des mémoires.

Avec la participation de la collection du Musée des Moulages de l'Université Lumière Lyon 2 et de la collection du Musée des Hospices Civils de Lyon, le patrimoine est aussi très présent dans ce lieu phare de la biennale. Les œuvres patrimoniales du passé ont fait le déplacement dans le patrimoine industriel récent. Les artistes Dana Awartani, Joana Hadijthomas & Khalil Joreige, James Webb, Leyla, Cardenas, Jesse Mockrim, Daniel de Paula établissent dans leurs propositions un lien direct avec elles, d'autres comme Munem Wasif ou Sarah Del Pino interrogent le passé industriel ou l'architecture et la mise en espace tels Clement Behr, Pedro Gomez Egana dans lequel le lieu quotidien se modifie, Lucia Tallova qui structure sa présentation dans l'espace, Aurélie Pétrel qui travaille les perceptions.
Autres thématiques essentielles sont celles liées au questionnement sur la vulnérabilité du corps, de nombreuses participations nous y font réfléchir. Corps dans l'espace et en mouvement avec Omar Rajeh/Mia Habis, Sarah Brahim et Phoebe Boswell, le corps physique en transformation avec Zhang Yunyao, Christina Quarles, Lucile Boiron, Eva Fabregas ou en mutation chez Lucy McRae, Kennedy + Swan ou robotique chez Mohammand Al Faraj.
Les migrations et les déracinements sont aussi bien sûr présents, dans les peintures de Mohammed Kazem, le dessin animé de Nadine Labaki/Khaled Mouzanar/Jori A. Mhaya , les vidéos de Michelle&Noel Keserwany, l'installation de Nicolas Daubanes ou dans l'histoire de la grande peinture Stateless de 50 mètres de long de Sylvie Selig. Celle-ci crée aussi une étonnante série de sculptures évoquant les mondes animistes et folkloriques comme Clément Cogitore ou féerique comme les personnages verts de Kim Simonson.

Sur les sept halles de présentation, quatre offrent aux artistes la totalité d'un lieu, Hans Op de Beeck dans la halle4 peut ainsi signer une de ses œuvres majeures, en investissant un hangar entier de manière irréversible. Mais qu'est-il arrivé à ce monde alternatif fait de caravanes, de jeux d'enfants, d'arbres dénudés, dénués de toute présence humaine, de toute vie et peint dans un gris uniforme et qui baigne dans un silence pesant !? Seul un plan d'eau semble encore frémir.
À côté dans la halle 5, Annika Kahrs propose une installation avec une vidéo tournée à l'église Saint Bernard de Lyon dans laquelle des musicien.nes , des chanteur.euses interprètent des partitions, des charpentiers construisent une maison, un facteur fait la restauration de l'orgue, dans une œuvre multimédia et énigmatique.

Julian Charrière (halle6) fait une réflexion sur les ponts entre la science et l'art dans une installation sculpture / vidéo entre matériel et immatériel, dans une prise de conscience de la dégradation environnementale, l'artiste inverse le processus en restituant à la terre cinq diamants fabriqués à partir de CO2 récolté dans l'air ambiant.
Dans la halle2, Daniel Otero Torres travaille autour des luttes sociales et collectives et crée à partir de la mémoire de celles-ci des stratégies de résilience et à côté Marta Gornicka orchestre dans un vidéo, un chœur de résistance politique qui interroge la Constitution allemande devant la porte de Brandebourg à Berlin.
La halle3 est structurée en lieux plus intimistes sur deux étages dans laquelle trois propositions dont Organon Art Cie, une association marseillaise d'artistes et d'habitants de la Belle de Mai, ont collaboré avec les élèves du collège Gabriel Rosset à revisiter les suppliantes, une tragédie grecque d'Eschyle. Nadia Kaabi-Linke établit un discours qui questionne les récits de migration et le déplacement d'arbres dans la ville. Il en résulte une installation délicate faite de troncs où des squelettes de feuilles translucides évoquent la perte d'êtres chers. Mohamad Abdouni quand à lui, archive et montre les identités queer et trans arabes. Ce monde transgressif, souterrain fait de souvenirs joyeux et douloureux mais qui a existé, qui existe.

Pari réussi pour Sam Bardaouil et Till Fellrath, qui ont su faire entrer la ville de Lyon avec son patrimoine ancien et contemporain dans une réflexion ontologique et sociétale actuelle, par des rapports à la diversité d'horizons et de préoccupations des artistes contemporains toujours très sensibles aux bouleversements généralisés du monde et à l'arbitraire de leurs démarches artistiques. Celles-ci sont multiples et diversifiées par leurs approches et leurs modes d'expression. Face aux enjeux, cette fragilité, cette vulnérabilité qui se généralise et qui pourrait devenir une force !

L'avenir nous dira si cette proposition fera manifeste.
Pascal Vrignaud
Lyon, octobre 2022
 
16ème Biennale de Lyon
Manifeste de la fragilité : Un mode d'une promesse infinie
Commissaires : Sam Bardaouil et Till Fellrath
Jusqu'au 31 décembre 2022, ouvert tous les jours de 11 à 18 heures sauf le lundi


La Biennale se déroule dans différents lieux : l'usine Fagor, le musée Guimet, le musée d'art contemporain, l'URDLA, le musée d'histoire Gadagne, le Lugdunum-musée et théâtre romains, le musée de Fourvière, le musée des beaux-arts, la gare Part-Dieu
Autres lieux de visite suggérés par la biennale : Le Jardin botanique, la Place des Terreaux, la place Saint Nizier, le Palais de la Bourse, la Basilique Fourvière, le Cimetière de Loyasse, le Grand Hôtel Dieu, le Théâtre des Célestins, la Place Bellecour, la Poste Antonin Poncet, la rue de la Quarantaine, la Halle Garnier.

lyon 2022
Liste des artistes contemporains présentés :

Mohamad Abdouni, Liban, 1989 - Gabriel Abrantes, USA, 1984 - Amina Agueznay, Maroc, 1963 - Rémie Akl, Liban - Mohammand Al Faraj, Arabie saoudite, 1993 - Hashel Al Lamki, Emirats arabes unis, 1986 - Abdullah Al Othman, Arabie saoudite, 1985 - Julio Anaya Cabanding, Espagne, 1987 - Giulia Andreani, Italie, 1985 - Mali Arun, France, 1987 - Dana Awartani, Arabie saoudite, 1987 - Clemens Behr, Allemagne, 1985 - Lucile Boiron, France,1990 - Phoebe Boswell, Kenya, 1982 - Sarah Brahim, Arabie saoudite, 1992 - Leyla Cardenas, Colombie, 1975 - Julian Charrière, Suisse, 1987 - Jean Claracq, France, 1991 - Clement Cogitore, France, 1983 - Nicolas Daubanes, France, 1983 - Jose Davila, Mexique, 1974 - Daniel de Paula, Etats-Unis, 1987 - Sarah Del Pino, France, 1992 - Buck Ellison, USA, 1987 - Eva Fabregas, Espagne, 1988 - Philipp Fleischmann, Autriche, 1985 - Léo Fourdrinier, France, 1992 - Chafa Ghaddar, Liban, 1986 - Olivier Goethals, Belgique, 1980 - Pedro Gomez Egana, Colombie, 1976 - Marta Gornicka, Pologne, 1975 - Nicki Green, USA, 1986 - Joana Hadjithomas&Khalil Joreige, Liban, 1969 - Klara Hosnedlova, République Tchèque, 1990 - Nestor Jimenez, Mexique, 1988 - Nadia Kaabi-Linke, Tunisie, 1978 - Annika Kahrs, Allemagne, 1984 - Mohammed Kazem, Emirats arabes unis,1969 – Kennedy + Swan, basé en Allemagne depuis 2013 - Michelle&Noel Keserwany, Liban, 1988/1990 - Tariq Kiswanson, Suède, 1986 - Nadine Labaki/Khaled Mouzanar/Jori A. Mhaya, Liban, 1974 - Richard Learoyd, Angleterre, 1966 - Randa Maroufi, Maroc, 1987 - Lucy McRae, Royaume-Uni, 1979 - Jesse Mockrin, USA, 1981 - Filwa Nazer, Royaume-Uni, 1972 - Ailbhe Ni Bhriain, Irlande, 1978 - Eva Nielsen, France, 1983 - Toyin Ojih Odutola, Nigeria, 1985 - Hans Op de Beeck, Belgique, 1969 - Organon Art Cie, fondée à Marseille , actif depuis 2005 - Daniel Otero Torres, Colombie, 1985 - Aurélie Pétrel, France, 1980 - Joanna Piotrowska, Pologne, 1985 Christina Quarles, USA, 1985 - Omar Rajeh/Mia Habis, Angleterre/Liban - Erin M.Riley, USA, 1985 - Zhang Ruyi, Shanghai, 1985 - Sara Sadik, France, 1994 - Cemile Sahin, Allemagne, 1990 - Eszter Salamon, Hongrie, 1970 - Ugo Schiavi, France, 1987 - Markus Schinwald, Autriche, 1973 - Sylvie Selig, France, 1941 - Seher Shah, Pakistan, 1975 - Jeremy Shaw, Canada, 1977 - Taryn Simon, USA, 1975 - Kim Simonsson, Finlande, 1974 - Valeska Soares, Brésil, 1957 - Young-jun Tak, Corée du Sud, 1989 - Lucia Tallova, Slovaquie, 1985 - Philipp Timischl, Autriche 1989 - Evita Vasiljeva, Lettonie, 1985 - Puck Verkade, Pays-Bas, 1987 - WangShui, USA, 1986 - Munem Wasif, Bangladesh, 1983 - James Webb, Afrique du Sud, 1975 - Hannah Weinberger, Allemagne, 1988 - Raed Yassin, Liban, 1979 - Zhang Yunyao, Shanghai, 1985… **

* Extrait du texte d'introduction
** Les artistes repris en gras sont illustrés

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