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XVe Biennale de Paris
Sortir du phénomène de "biennalisation"
 
 
Biennale de Paris : cela vous dit quelque chose ? Pas étonnant ! L'histoire de cette biennale d'art contemporain est marquée depuis quelles années par sa renaissance et ses choix esthétiques "hors normes". Son passé se dessine pourtant bien avant, entre prestige et chaos.
processus de
"biennalisation"
qui n'a fait que
renforcer
l'hégémonie
de l'art,
cantonnant
ainsi la
création à
des corpus
normés
d'œuvres et
d'artistes

Redonner à Paris sa place de "capitale des arts"

Tel était le but que les organisateurs de la première Biennale de Paris, longtemps nommée "Biennale des Jeunes artistes" s'étaient donné – une place d'honneur que Paris a d'ailleurs occupée jusqu'à l'apparition de l'école de New York, pendant la Seconde Guerre Mondiale. Pour participer à la Biennale de Paris, les artistes venus des quatre coins du monde devaient avoir moins de trente-cinq ans. Initiée par Raymond Cogniat et mise en place par André Malraux en 1959, alors Ministre chargé des Affaires Culturelles, la Biennale de Paris consacre ainsi, pendant près de 25 ans, de nombreux artistes. Henri Matisse, Piet Mondrian, Pablo Picasso, Georges Braque, Marc Chagall, Max Ernst, Amedeo Modigliani, Jean Tinguely, Robert Rauschenberg, David Hockney, Christo, GRAV (Groupe de Recherche en Art Visuel), les premiers groupes cinétiques qui s'affirment autour de Frank Popper, le groupe Zéro, Christian Boltanski, Bernar Venet, Daniel Buren, Michelangelo Pistolleto, Lawrence Weiner, Nam Jum Paik, Gilbert and George, Mario Merz, Vito Acconci, Alighiero Boetti, Dan Graham, Yves Klein, Joseph Beuys, etc. Tous y ont fait leurs armes.

La manifestation voit aussi émerger de nombreuses personnalités du monde de l'art, dont les célèbres critiques, historiens de l'art, commissaires ou administrateurs, Pontus Hulten, Gérard Gassiot-Talabot, Michel Ragon, Pierre Restany, Catherine Millet, Alfred Pacquement, Jean Clair, Daniel Abadie, Jean-Christophe Ammann, Catherine Francblin, Ad Petersen, Wolfgang Becker, Achile Bonito Oliva, Jean-Marc Poinsot, Lucy R. Lippard, etc. Mais très vite, ce paysage de prestige est noirci par des ruptures successives. La Biennale de Paris devient alors une organisation trop lourde à gérer, sclérosée par la centralisation de ses commissions internationales, et ne correspondant plus aux exigences de l'actualité de l'art – et ce, malgré une tentative de restructuration selon la formule de la Dokumenta (foire d'art contemporain de Kassel, en Allemagne, à périodicité quadriennale). La manifestation connaît bientôt des difficultés financières qui viennent perturber son équilibre : elle finit par s'éteindre, après une ultime représentation en 1985, puis en 1992, un déficit financier provoque sa liquidation judiciaire.
 
 
Paul Robert
 
Soussan Ltd (France), "Energie humaine", Paul Robert, Archive Biennale de Paris 2004

"Fournir les Musées, un travail d'artiste", telle est la devise adoptée par Soussan Ltd, la société fondée par l'artiste, Sylvain Soussan. Soussan Ltd sponsorise, ici, Paul Robert, un sportif aguerri qui participe régulièrement à de nombreux championnats et qui entreprend ses courses à pieds comme la base de son propre travail artistique. "Energie humaine" est un service de rechargement de piles électriques, qui collecte l'énergie que dépense Paul Robert dans ses courses d'endurance
 
 
Relancer la Biennale de Paris

Pourtant, dans les années 90, toutes les volontés sont rassemblées pour relancer la Biennale de Paris. Le Ministère de la Culture et l'Association Française d'Action Artistique (AFAA, aujourd'hui devenue "France Culture") s'associent dans le financement d'une étude ayant pour but la création d'une nouvelle manifestation.
Parallèlement, certains acteurs du monde de l'art prennent parti et s'engagent progressivement dans cette action. Le Ministère de la Culture a finalement l'idée d'une biennale "itinérante". L'objectif étant de permettre à chaque ville de province censée accueillir l'événement tour à tour, de devenir, pour un temps, la "vitrine" d'une production artistique internationale en France. Décentralisation oblige ! C'est la naissance, en 1991, de la "Biennale d'art contemporain de Lyon" qui, en guise de biennale "rayonnante", s'impose dorénavant les années impaires en région Rhône-Alpes.

Il faut donc attendre les années 2000 pour voir ce projet de refonte se concrétiser. En effet, après une interruption approchant une décennie, la Biennale de Paris renaît de ces cendres, emmenée par l'artiste Alexandre Gurita. Ce dernier fonde une association éponyme de Loi 1901, qui voit le jour en août 2000, et organise la XIVe édition de la Biennale de Paris, dans la continuité des précédentes, du 20 février au 15 mars 2004. La XVe Biennale de Paris aura donc lieu du 1er au 31 octobre 2006.
 
 
Ikhéa Service
 
IKHEA (France), "Ikhéa Service", Archive Biennale de Paris 2004

Ikhéa est une entreprise fictive, crée en 1999. Contrefaçon d'une des plus riches entreprises mondiales, Ikhéa est basée sur l'absurde et l'utopie, et se pense comme "l'entreprise de la faute", qui édifie volontairement des "contre-modèles" de production. Ikhéa crée ainsi des objets ou des services qui ignorent "la majeure partie des normes et des formats qui nous sont imposés". Son mode d'expression est "l'inadéquation"
 
 
Sortir du phénomène de "biennalisation"

C'est le mot d'ordre que cette Biennale de Paris "nouvelle génération" s'est donné. Il faut dire que depuis la naissance de la manifestation "mère" (la Biennale de Venise) en 1895, nous assistons à un processus de "biennalisation", qui n'a fait que renforcer l'hégémonie de l'art, cantonnant ainsi la création à des corpus normés d'œuvres et d'artistes. Les événements dédiés à l'art contemporain sont, en effet, de plus en plus nombreux, et ont été renforcés, peu à peu, par les foires internationales d'art contemporain, telles que les illustres Dokumenta, Art Basel, Art Brussels, Fiac, etc. La distinction n'est donc pas toujours facile !
Depuis 2000, la Biennale de Paris fait acte d'un positionnement clair : se distinguer volontairement, par sa nature, son fonctionnement, ou le choix même de ses expos (tout ce qui est ou peut être exposé, sans distinction de nature).

Premièrement, la Biennale de Paris, qui se définit comme "une institution horizontale", témoigne d'une organicité modeste et bien spécifique. Son réseau est différent de celui de la globalisation de l'art, mais ne contre pas pour autant l'Institution. Elle ne bénéficie, pour le moment, d'aucun soutien financier de la part des structures politiques de la culture en France (Ministère, Drac, Région, Municipalité, etc). Néanmoins, elle s'appuie, pour réaliser ses objectifs, sur un réseau de collaborateurs, d'entreprises et/ou organisations partenaires, qui partagent et soutiennent son ambition de "valoriser ce qu'il y a de plus contemporain dans l'art à travers le monde".

Deuxièmement, la Biennale de Paris a fait le choix de présenter des démarches artistiques en rupture avec ce que nous avons l'habitude de voir dans les musées. Ainsi, elle affirme des pratiques inscrites dans le réel, à tel point qu'il est parfois difficile, voire impossible, de les distinguer de ce qui nous entoure. Plus encore, elle défend la possibilité d'un nouveau langage artistique "sans œuvre, sans artiste et sans spectateur". Cette triple règle n'a donc plus rien à voir avec les arts visuels que le marché de l'art et les institutions muséales nous imposent ; rien de commun non plus avec le langage formatif ou performatif "has been" de l'art contemporain auquel notre œil est entraîné !

Troisièmement, ces pratiques "à faible coefficient de visibilité artistique" induisent d'elles-mêmes leur propre mode de présentation. C'est pourquoi, la Biennale de Paris n'a pas de commissaire d'exposition.

Enfin, la Biennale de Paris recherche une réciprocité avec la localité des projets qu'elle diffuse. Certains d'entre eux ne peuvent donc pas être présentés en dehors de leur contexte d'origine. C'est pour cette raison que la Biennale de Paris ne se limite pas à un lieu unique d'exposition, mais propose plutôt une sorte de "parcours initiatique" à travers la capitale, et a choisi de délocaliser simultanément une partie de ces projets, en province et à l'étranger dans plus de 20 pays.

Depuis le renouveau de la Biennale de Paris, en 2004, le ton est ainsi donné… Le compte à rebours de la XVe Biennale de Paris est, quant à lui, bien lancé. Rendez-vous le 1er octobre 2006 !
Caroline Durand
Paris, septembre 2006

XVe édition de la Biennale de Paris, du 1er au 31 octobre 2006
Une centaine de projets artistiques, des débats et des conférences seront présentés simultanément à Paris
(dans différents lieux de la capitale), en province, et dans 20 pays du monde.
BP 358, 75868 Paris cedex 18, France  www.biennaledeparis.org

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