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L'artiste majorquin, Miquel Barceló (né en 1957, à Felanitx) est à l'honneur à Paris où il présente ses aquarelles réalisées pour La Métamorphose de Kafka. Soit une trentaine d'œuvres, 208 pages. Cet ensemble fait suite au très beau volume édité par les éditions Gallimard, l'an dernier (160 p. 60 illust. Sous couv. illustrée, 250 x 325 mm). Artiste de la galerie Thaddaeus Ropac (Paris-Salzbourg-Londres), on peut voir à Londres ses nouvelles créations de céramiques (1)

On se souvient des années 1980-1983 (il s'était installé à Paris en 1978 - il installe son atelier dans l'église Notre-Dame du Liban) ; l'artiste séjourna en Afrique et avait rapporté de ses voyages des grandes toiles où étaient mixées résine, terre, et d'autres éléments, où ses grands paysages presque désertiques vous absorbaient complètement. C'est Yvon Lambert qui l'exposa à ses débuts ; puis il sera montré par Jean-Louis Froment à Bordeaux (qui fut directeur du fameux CAPC de 1973 à 1996 et initiateur d'expositions remarquables).

Commençons par cette déclaration de l'artiste afin de se mettre au diapason de cette création autour de l'œuvre de Kafka.
"J'ai lu La Métamorphose à l'âge de 13 ou 14 ans d'un trait, la nuit. Peut-être même deux fois de suite, comme j'avais l'habitude de faire parfois. Le jour d'après, en rentrant de l'école, j'ai trouvé ma mère en train de pleurer en le lisant, alors que je l'avais trouvé drôle et troublant. Ma mère pleurait à l'idée que j'avais lu ça. Je l'ai ensuite relu plusieurs fois. Peut-être à chaque décennie. Je le considère comme une sorte de comique essentiel et moderne (tel Cervantès). Plus les années et les évènements passent, plus je trouve Franz Kafka pertinent, avec cet humour qu'on disait juif mais qui est une forme très ancienne d'humanisme… désespoir cosmique… Métamorphose : changement. Le seul qui ne change pas est Gregor Samsa, il maigrit peut-être, mais il reste le même du réveil jusqu'à la fin. Autour de lui tout se transforme. Son père, sa mère, sa petite sœur ! Après lecture, on prend conscience de quelque chose qu'on avait oublié depuis longtemps, que l'on savait déjà." La notion de métamorphose est toujours présente dans son œuvre. Il élabore ses éléments comme un puzzle afin d'atteindre cet effet de "mouvement" toujours en devenir, parfois aléatoire, où l'accident joue un jeu dans ses créations. L'œuvre graphique devient de plus en plus abondante chez l'artiste. Ses dessins de la Divine Comédie de Dante qui furent exposés au Musée du Louvre en 2004, viennent de donner lieu à un très grand format (Actes Sud). Aussi superbe que celui de La Métamorphose ! Les formes animales, les diables, les personnages sont brûlants, ils semblent sortir d'une fournaise. Dans son Kafka, l'animal se transforme aussi ; Gregor Samsa prend des allures étranges avec son chapeau célèbre ; sa famille apparait comme un cortège de croque-morts… les couleurs vives, rouge, noir, jaune. Tous les personnages semblent errer dans un espace réduit où l'imagination de l'écrivain les a confinés. Il y a dans ce livre un très beau portrait : sans doute la sœur de Gregor.

Les deux livres de dessins et d'aquarelles sont proches par leur inspiration. On y retrouve les mêmes obsessions de l'artiste. Pour l'exposition à la galerie, Barceló a réalisé de nouvelles aquarelles. On peut aussi trouver un tirage de tête de son Kafka (tirage limité à 99 exemplaires). Une exposition et des livres qui laissent une trace de sa flamboyante création.

Miquel Barceló La Métamorphose de Kafka - Exposition à la Galerie Gallimard, Paris. 30/32, Rue de L’Université. 75007 Paris-France. Miquel Barceló, La Divine Comédie Enfer Dante Alighieri – Ed. Actes Sud, 176 p. 2021. Trad. Daniele Robert.

Notes :
L'exposition à la Galerie Gallimard se poursuit jusqu'au 19 mars 2022. La Métamorphose de Franz Kafka, Œuvres originales de Miquel Barceló, Coll. Blanche, Gallimard, 2020, 208 p. 60 ill., 45 €.
1 - Des nouvelles œuvres de Miquel Barceló sont présentées dans le cadre de sa première exposition de céramiques à Londres (jusqu'au 5 février chez Thaddaeus Ropac). Les sculptures en céramique de Barceló sont capturées dans un moment de dissolution ou de devenir, un état de "transformation continue", comme il le souligne. L'artiste a commencé à travailler l'argile au début des années 1990, lorsqu'il a établi un atelier au Mali et que des femmes de la région l'ont initié aux anciennes méthodes de fabrication de la faïence Dogon. "J'ai appris la technique néolithique", explique-t-il. Cette idée de métamorphose est fondamentale pour l'artiste, dans ses dernières œuvres graphiques. Miquel Barceló est né en 1957 à Felanitx, sur l'île de Majorque, et partage aujourd'hui son temps entre sa ville natale et Paris. Il a participé à la Biennale de São Paulo en 1981 et à la Documenta 7 de Kassel en 1982. Il représente l'Espagne à la 53e Biennale de Venise en 2009. Il découvre l'Afrique en 1988, parcourant le Mali, le Sénégal et le Burkina Faso, ce continent devient avec Paris et Majorque, un des lieux fondamentaux de sa création : Gao, Ségou, Gogoli, au pays dogon : "lieux où la vie n'a, par la force des choses, et des éléments, rien d'ordinaire, lieux de retraite, c'est-à-dire de confrontation avec soi-même comme avec le monde." On peut retrouver cette expérience dans ses Carnets d'Afrique, Édition de Patrick Mauriès. Certains textes ont été traduits du catalan par Nicole d'Amonville. Collection Le Promeneur, Gallimard, 11/2013. "C'est le récit, ou le livre de raison, de cette expérience que Barceló donne ici pour la première fois dans son intégralité. Le désir, la lecture, les maladies et les blessures physiques, les doutes, les risques, les affres et les quelques moments de certitude ou d'enthousiasme de la création en sont la matière."

www.galeriegallimard.com

Miquel Barceló © Adagp, Paris, 2021. Photographies François Deladerrière et Magali Paulin